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Préparer la relève au sein des entreprises familiales : méthodes et bonnes pratiques

L’intégration des talents familiaux est l’une des responsabilités majeures des dirigeants et des actionnaires des entreprises familiales. Réussir ce passage de relais, c’est sécuriser l’avenir en préservant les valeurs, la vision et le patrimoine de l’organisation. À l’inverse, une transition ratée ou précipitée peut avoir des conséquences désastreuses pour la société et (r)aviver des tensions au sein de l’organisation.

Dans ce processus, l’anticipation est clé : les fondations d’une succession réussie doivent être posées bien avant l’arrivée du successeur... Préparer sa succession, penser à l’ « après-moi », demande du recul, de l’humilité, voire une forme de renoncement. Mais cet exercice est indispensable. Lorsque les règles sont définies à l’avance et partagées, cette transparence est bénéfique et évite toute forme de malentendu. Quelques bonnes pratiques à suivre, depuis le recrutement jusqu’à l’on-boarding.

 

Une vie avant l’entreprise familiale : un atout de taille

Choisir son successeur doit reposer sur un processus solide d’évaluation des compétences. Être « fille ou fils de » est un statut qui peut être difficile à assumer. Il peut susciter jalousie ou méfiance. Pour asseoir leur légitimité, une seule méthode pour les dirigeants familiaux en devenir : prouver qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour prendre la relève, et inscrire leur projet dans la vision stratégique de l’entreprise, tout en assumant, si besoin, une volonté de la faire évoluer.

Comme pour toute embauche ou promotion, chaque étape du parcours compte : il s’agit de démontrer sa capacité à exercer des fonctions de direction, à insuffler un regard neuf et à contribuer, dans la durée, à la pérennité du modèle familial. À cet égard, la qualité du parcours académique et des expériences professionnelles passées sont des éléments décisifs pour se faire accepter par les collaborateurs — membres de la famille ou non.

Certes, les études et les diplômes ne sont pas suffisants pour être assuré de devenir un bon manager. Pourtant, dans bien des cas, et en particulier en France où le parcours universitaire est important, ces diplômes ouvrent des portes, facilitent le respect et la considération des pairs. Certaines sociétés patrimoniales vont encore plus loin en stipulant dans leur charte familiale le niveau d’études requis pour tout futur dirigeant, ou la nécessité de parler un certain nombre de langues vivantes pour être recruté.

Démontrer l’acquisition d’une expérience professionnelle en dehors de l’entreprise familiale est également essentiel, pour ne pas dire obligatoire de nos jours. En faisant ses preuves ailleurs, l’aspirant consolide sa crédibilité. À titre personnel, il développe également son esprit critique en se munissant d’éléments de comparaison qui lui seront utiles pour mieux apprécier les spécificités de l’entreprise familiale.

Cette vie avant l’entreprise familiale constitue également une opportunité d’apprendre et d’expérimenter dans un contexte plus neutre sur le plan émotionnel et affectif. Pour renforcer la légitimité des dirigeants et limiter les soupçons de piston, certaines structures définissent un nombre minimal de responsabilités exercées en externe avant d’autoriser un retour aux fonctions de direction dans l’entreprise familiale. Ce parcours représente une démarche fondée sur le mérite, bien loin d’un modèle fondé sur les simples droits d’entrée.

 

Une sélection rigoureuse et systématisée

Avant de choisir d’intégrer ou non un talent familial, une évaluation rigoureuse du candidat doit être réalisée. Ce processus, pour être complet et juste, doit être systématisé et inclure des tests et des entretiens. L’objectif est tout autant de faire le bon choix que d’établir des garde-fous qui rassurent les salariés, les clients, les actionnaires, mais aussi la personne recrutée. Le syndrome de l’imposteur touche 60 à 70 % des employés, si l’on en croit les estimations de plusieurs études américaines. Un dispositif de sélection rigoureux permet de s’en prémunir.

Comment rendre ce processus encore plus professionnel ? La bonne pratique observée consiste à inclure un professionnel du recrutement dans les étapes de l’assessment. Pour que le processus de sélection soit participatif, un comité peut être créé afin d’associer un ou plusieurs membres de la famille déjà impliqués dans la gestion opérationnelle de l’entreprise. Ces étapes peuvent sembler longues, mais elles confèrent une légitimité accrue au dirigeant familial recruté.

Par souci de transparence et d’anticipation, certaines familles préemptent les étapes et règles du jeu à l’écrit, par exemple au sein de la charte familiale. Une bonne façon de clarifier le processus auprès des membres de la famille et des salariés.

 

Comment assurer une transition efficace et paisible ?

Lorsque le talent a été sélectionné de manière rigoureuse, deux options peuvent se présenter : un on-boarding rapide ou une période de transition et d’acclimatation plus longue. Nommer un dirigeant familial directement à un poste à responsabilité, voire au Board de l’entreprise, suppose une solide expérience professionnelle. Elle ne peut s’appliquer aux plus jeunes qui ont besoin de compléter leur expérience professionnelle par des postes à moindre responsabilité ; brûler les étapes trop rapidement est souvent contre-productif. Acquérir plusieurs expériences dans différents départements permet de découvrir les différents métiers de l’entreprise et de tisser un réseau solide au sein du personnel. Deux atouts de taille pour un futur dirigeant...

Une phase de transition qui peut s’accompagner d’une cohabitation entre le dirigeant en place et son successeur. La présidence du conseil d’administration et la direction générale peuvent être dissociées et permettre une complémentarité entre ces deux rôles. L’écueil à éviter est la confusion des périmètres d’action – qui entraîne souvent l’apparition de phénomènes de contournement et de triangulation, hélas encore fréquents au sein des entreprises familiales. Les salariés et les actionnaires doivent pouvoir identifier facilement à qui s’adresser en fonction d’un problème donné, et les responsabilités doivent être clairement réparties.

 

Après l’embauche : mettre en place un suivi de la performance rigoureux

Lorsque la phase d’intégration a été réalisée, il est essentiel de suivre de près la performance du talent familial pour s’assurer que ses performances sont en adéquation avec les attentes de l’entreprise et de la famille. Structurer ce suivi est recommandé, par exemple par la mise en place d'un comité dédié (où le board peut être directement impliqué). L’intérêt est de clarifier la feuille de route du jeune dirigeant, en veillant à ce qu’il dispose d’objectifs précis et mesurables, tout en lui offrant les moyens d’assumer pleinement ses responsabilités.

Enfin, instaurer un espace de dialogue confidentiel est essentiel pour permettre un échange sur les enjeux et problématiques rencontrées. De nombreux groupes familiaux prévoient des moments dédiés en groupes restreints, pour faciliter ces discussions. En tant que membre de la famille, se confier peut parfois être difficile, voire sensible, car ces échanges touchent au cœur de relations personnelles chargées sur le plan affectif. Créer un environnement de confiance et sécurisé, favorisant des échanges réguliers et constructifs, permettra de mieux accompagner ces talents dans leur parcours, en veillant à la fois à leur épanouissement personnel et à la performance globale de l’entreprise.

Cette intégration prend du temps, mais si elle est bien préparée et bien organisée, elle assurera la pérennité de l’entreprise familiale. Un objectif aussi noble mérite bien quelques efforts...

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