Accéder au contenu principal

Trois questions à Eléonore Dumont, Présidente du Groupe Delacommune & Dumont

Fondé en 1812, le groupe Delacommune & Dumont est un acteur historique du génie climatique en France, intervenant aussi bien dans les travaux neufs que dans la maintenance auprès des bailleurs sociaux. Depuis 2014, le Groupe ouvre progressivement son capital à ses salariés, qui en détiennent aujourd’hui 5 %. Éléonore Dumont, issue de la 7ᵉ génération, a pris la présidence du groupe en 2024, après avoir contribué au redressement de plusieurs filiales.


 

Qu’est-ce qui a poussé votre père à ouvrir le capital aux salariés en 2014 ? Comment ce mécanisme a-t-il été structuré et comment fonctionne-t-il aujourd’hui ? 

Mon père a profondément transformé l’entreprise en diversifiant ses activités au sein de sept filiales et en structurant le Groupe. En 2014, soucieux d'introduire une logique de long terme, il a souhaité associer ses plus proches collaborateurs au capital. Pour lui, c’était un acte fort, une preuve de reconnaissance et un levier pour les impliquer encore davantage dans le destin de l'entreprise. Le dispositif s’est construit à l'initiative de trois personnes clés : le directeur général délégué, le directeur d’exploitation et le directeur financier, avec la mise en place d’un pacte d’actionnaires structuré. Cette démarche a permis une première étape d’ouverture du capital avec la possibilité offerte à certains collaborateurs d'acquérir des actions avec une décote de 20 % sur leur prix. Toutefois, le contrôle et les décisions stratégiques restaient centralisés et dans les mains de mon père.

Lorsque j’ai repris la direction opérationnelle en 2018, j’ai souhaité ouvrir ce cercle que j'estimais trop fermé. Dès l’année suivante, j’ai élargi le pacte d'actionnaires à dix autres collaborateurs clés, notamment des directeurs de filiales qui avaient contribué à la transformation du Groupe. Ce cercle d’actionnaires salariés compte aujourd’hui quinze membres. Chaque année, de nouveaux profils peuvent y être cooptés, selon des critères exigeants : engagement, loyauté et capacité à faire progresser l’entreprise. Je souhaite conserver ce comité restreint pour préserver l’agilité du dispositif tout en renforçant la cohésion et la dynamique de croissance. Cette approche méritocratique fonctionne pleinement aujourd'hui : 100 % des collaborateurs choisis décident de réinvestir, signe fort de confiance et de fierté.

Quels ont été les impacts concrets de cette ouverture du capital sur la gouvernance familiale et la culture managériale du Groupe ?

La mise en place de ce mécanisme a marqué un tournant culturel majeur. L’entreprise était historiquement assez cloisonnée et offrait peu de visibilité globale à ses équipes. Le pacte d’actionnaires a instauré davantage de transparence sur les résultats, les budgets et les projets. Ce mouvement s’est renforcé avec l’élargissement du cercle des bénéficiaires : aujourd’hui, trois réunions annuelles rythment le dialogue avec les actionnaires, avec une totale transparence sur les décisions stratégiques.

L'ouverture du capital a été à l'origine d'un changement profond dans la relation entre la famille et les collaborateurs. Au sein de la famille, mes sœurs sont actionnaires mais je suis la seule à exercer un rôle opérationnel dans l'entreprise. En devenant actionnaires à leur tour, les collaborateurs s’impliquent davantage dans la réussite de l'entreprise et constatent plus directement l'impact de leur travail sur les résultats de l’entreprise. Enfin, ce dispositif a profondément transformé notre modèle managérial. Nous sommes passés d’une organisation verticale à une gouvernance plus horizontale et responsabilisante. Les directeurs de filiales peuvent désormais recommander des membres de leurs équipes, créant un cercle vertueux de cooptation, d’exigence et d’engagement collectif. Ce modèle ne fonctionne que dans un environnement où les profils clés sont valorisés : c’est pourquoi j’accorde autant d’importance au développement des personnes qu’à celui de l’entreprise.

Avec le recul, quels conseils donneriez-vous pour mobiliser efficacement les équipes lors d’une ouverture du capital ?

Pour réussir, il est essentiel de sélectionner avec soin les collaborateurs associés. La taille intermédiaire de notre Groupe facilite cette démarche, car elle nous permet de rester proche des équipes et de préserver agilité et cohésion. Dans un grand groupe, l’ouverture du capital a tendance à provoquer une certaine dispersion. Nous avons réservé ce dispositif à des profils engagés, afin d’éviter de diluer la motivation ou d’attirer des opportunistes à la recherche d'une spéculation à court terme.

Le pacte d’actionnaires doit être strictement encadré. Chez nous, toute sortie impose la revente des parts selon des règles claires, adaptées à chaque situation : départ à la retraite, projet entrepreneurial ou départ contraint. Un salarié partant à la retraite peut bénéficier d’une valorisation avantageuse, tandis qu’un départ contraint s’effectue à la valeur fixée par le pacte, sans négociation. Cette rigueur juridique évite les conflits et assure une gestion fluide des transitions. La communication régulière et transparente est également indispensable pour préserver la confiance et prévenir les malentendus. Il faut aussi accepter que cette ouverture génère débats et critiques : ce sont eux qui nourrissent la réflexion et renforcent la gouvernance.

Enfin, ce dispositif ne fonctionne que dans un contexte de croissance. Sans trajectoire positive à moyen terme, il est difficile de maintenir la motivation et de valoriser les parts. En période de crise, d’autres leviers sont souvent plus efficaces. L’ouverture du capital est un engagement sur la durée : sans vision claire à cinq ans, cette démarche a peu de chances d'aboutir et d'être un succès.

Partenaire indispensable des entreprises familiales.

Nous accompagnons les actionnaires familiaux pour les aider à construire la pérennité de leur entreprise en rassemblant les familles autour d’un projet commun. Notre statut 100% indépendant, nous préserve de tout conflit d’intérêt et contrainte commerciale ce qui nous permet d’être concentrés sur la pérennité de votre patrimoine et la préservation des relations entre associés.

Avez-vous trouvé cela utile ?

Merci pour votre retour