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Directions financières : comment tirer parti de l’IA ?

Une fonction en pleine (r)évolution

À l’heure où l’intelligence artificielle bouscule l’ensemble des secteurs économiques, la fonction Finance se trouve à un tournant décisif. Entre promesses de gains d’efficacité, nouveaux rôles et défis réglementaires, les directions financières doivent repenser leur modèle pour tirer pleinement parti du potentiel de l’IA et s’imposer comme de véritables partenaires stratégiques au sein de l’entreprise.
 

Article co-écrit avec Julien Tortosa, Directeur Technology & Transformation, et Julien Nardelli, Manager Technology & Transformation.

Alors que les premiers cas d’usage de l’intelligence artificielle (IA) commencent à être déployés dans les entreprises, la direction financière n’a pas encore pleinement adopté ces technologies, popularisées depuis la mise à disposition de ChatGPT auprès du grand public fin 2022. L’émergence des agents IA représente pourtant une réelle opportunité pour les directeurs financiers de transformer leurs modèles opérationnels et de tirer parti de la valeur ajoutée de ces solutions, sous réserve de répondre à certains prérequis.


IA, machine learning, IA générative… de quoi parle-t-on ?

Avant d'aller plus loin, il convient de clarifier quelques concepts clés :

À noter : les technologies classiques de machine learning et les nouveaux usages permis par l’IA générative ne s’opposent pas, mais se complètent. Un modèle hybride, combinant les points forts de chaque technologie, est aujourd’hui considéré comme un levier d’efficacité, notamment pour la Finance. Enfin, dans cette transformation, la dimension humaine reste centrale : l’IA n’est pas destinée à remplacer les compétences humaines, mais à les augmenter et à libérer du temps pour l’analyse et la création de valeur. 

Adoption de l’IA par la fonction Finance : prérequis et changement de modèle

Comme dans les autres fonctions de l’entreprise, le déploiement de solutions d’IA en Finance requiert d’adresser en amont plusieurs enjeux structurants :

La performance des modèles d’IA repose d’abord sur la qualité, la fiabilité et la disponibilité des données utilisées pour les entrainer. Or, 64 % des directeurs financiers déclarent ne pas être suffisamment outillés pour garantir la fiabilité de la donnée et l’exploiter pleinement1, un défi accentué par l’intégration croissante de sources externes (reporting ESG, modèles prédictifs, etc.). Il est donc crucial pour la fonction Finance d’instaurer une gouvernance rigoureuse : définition de standards de qualité, mise en qualité des données historiques, comité de gouvernance dédié et sensibilisation des équipes. En complément, une validation humaine des résultats produits par l’IA demeure indispensable pour garantir la fiabilité des analyses, tant en interne qu’auprès des parties prenantes externes. A l’inverse, les technologies IA peuvent également contribuer à fiabiliser les données et instaurer ainsi un cercle vertueux, notamment grâce à la détection d’anomalies, d’écarts significatifs ou de possibles incohérences.

Le succès d’un projet IA dépend aussi de la robustesse de l’environnement technologique. Il s’agit de construire une architecture IT évolutive et sécurisée : environnement (multi)cloud/hybride propice à l’IA, interopérabilité avec les systèmes existants (ERP, EPM, etc.), anticipation des besoins d’intégration et de puissance de calcul. Dès le départ, la définition d’un modèle de gouvernance opérationnelle clair permet d’encadrer les usages, de maîtriser les risques et de piloter la création de valeur.

Face à la montée en puissance de l’IA, de nombreux cadres réglementaires émergent (EU AI Act, AI Algorithm and Deep Synthesis Regulations, AI Bill of Rights, Digital Product Passport, etc.), ainsi que de nombreuses recommandations et bonnes pratiques. La fonction Finance doit s’assurer que les solutions déployées sont conformes, notamment en matière de traitement des données, de traçabilité et de gestion des risques.

La transformation du modèle opérationnel doit s’accompagner d’une montée en compétences des équipes Finance. Il s’agit de définir les nouveaux rôles induits par l’IA (par exemple prompt engineering) et de garantir l’acquisition des compétences nécessaires (formations continues, recrutements ciblés, etc.). Les membres des équipes Finance devront aussi être capables de valider et d’expliquer les résultats de l’IA, de détecter les biais éventuels, et de collaborer efficacement dans un écosystème homme-machine. L’acquisition de compétences transverses telles que la pensée critique, l’éthique et le prompt engineering devient un atout différenciant pour la fonction.

Comme pour tout projet structurant, la conduite du changement est déterminante pour favoriser l’adoption des solutions IA. Une communication adaptée, la formation et l’accompagnement des équipes sont des leviers majeurs de réussite.

Le déploiement de l’IA doit permettre à la fonction Finance de passer d’un rôle traditionnel de gardien des finances à celui de véritable Business Partner auprès des directions métiers, orienté création de valeur. Cela implique de repenser les modèles opérationnels existants, d’investir dans le développement des talents, de redéfinir les rôles et responsabilités et de valoriser pleinement les données internes et externes. 

L’IA comme levier de la transformation de la fonction Finance : bénéfices et freins à lever

La révolution IA constitue aujourd’hui un des moteurs majeurs de la transformation digitale des entreprises. Les directions financières doivent ainsi saisir cette opportunité pour répondre à plusieurs enjeux :

  • Pour les équipes Finance : automatiser et optimiser les processus transactionnels, gagner en efficacité, réduire les coûts et se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée. L’évolution des compétences (data, technologie, gestion de projets, storytelling, etc.) devient indispensable.
  • Pour l’entreprise : structurer le pilotage de la performance en accélérant les cycles FP&A (planification et analyse financières), garantir la fiabilité des données financières et extra-financières et piloter l’activité en temps réel pour une prise de décision éclairée.
  • Pour les clients finaux : adapter les processus aux nouvelles attentes (expérientielles, générationnelles, canaux digitaux, modalités de paiement, etc.), renforçant ainsi l’expérience client.

L’IA offre en outre la possibilité de repenser la structure même de la fonction Finance : à terme, celle-ci pourra être plus intégrée aux métiers, avec des collaborateurs répartis dans l’ensemble de l’entreprise et non plus cantonnés à un département isolé. Les cycles de décision s’accélèrent, la visibilité et la qualité du reporting s’améliorent, et la finance devient un partenaire stratégique au service de la performance globale.

Cependant, l’adoption de l’IA au sein de la fonction Finance reste embryonnaire, freinée par plusieurs facteurs

  • Expertise interne : le déficit de compétences spécialisées impose d’accélérer la transformation des talents, tant par le recrutement que par la formation, afin d’éviter l’effet « boîte noire » et le rejet par les équipes.
  • Conformité réglementaire : le cadre juridique encore mouvant incite à la prudence, retardant parfois les investissements et l’industrialisation des solutions IA.
  • Sécurité des données : le traitement massif de données expose à des risques cyber accrus, nécessitant des dispositifs de sécurité renforcés.
  • Investissement : les coûts liés à la mise en place de solutions IA (mise en qualité des données, transformation des processus) peuvent apparaître comme un nouveau défi financier. Il est recommandé de cibler d’abord des cas d’usage à ROI rapide pour faciliter l’adoption.
  • Multiplicité des cas d’usage : l’ampleur des possibilités offertes par l’IA peut générer de l’indécision. Il convient de prioriser les cas d’usage en fonction de la stratégie de l’entreprise et des besoins opérationnels, par exemple l’accélération du cycle de clôture ou le renforcement du rôle de Business Partner.

Une démarche pragmatique, centrée sur les besoins métiers réels et des expérimentations ciblées à ROI rapide, est à privilégier. Cela permet de capitaliser sur l’expérience acquise, de préparer l’arrivée de solutions IA plus matures, et de mieux gérer les attentes des parties prenantes. 

Premiers cas d’usages à considérer

Ces dernières années, nos équipes ont accompagné plusieurs directions financières, de l’expérimentation à la mise en production de solutions d’intelligence artificielle. Ces expériences nous permettent aujourd’hui d’illustrer concrètement les premiers cas d’usage pertinents pour la fonction Finance :

Notre expérience en conception de programmes d’IA, notamment à travers la réalisation de Proofs of Concept et de démonstrations pour de nombreux clients tout au long de ces dernières années, nous a permis de constater concrètement l’impact des outils d’IA générative sur les équipes Finance. Par exemple, lors de la migration d’outils développés sous VBA vers des solutions en Python ou R, l’IA générative a significativement simplifié la conversion du code existant, diminuant de fait le risque d’erreur. Ces initiatives ont permis d’accélérer la modernisation des processus, de libérer du temps pour les équipes Finance mais aussi de contribuer à attirer des profils plus digitaux au sein de la fonction Finance, naturellement plus à l’aise avec ces nouveaux environnements qu’avec les outils historiques tels que Matlab ou Cobol.

Pour deux acteurs industriels, nous sommes en train de déployer une plateforme d’agents IA connectés au SI Finance, capable par exemple d’automatiser l’analyse des données historiques (dépenses, ventes, etc.) afin d’en générer une synthèse, avec des commentaires et suggestions pertinents, ainsi que des graphiques interactifs. La plateforme « AI Advantages for CFOs » permet de déléguer l’exécution de tâches répétitives aux agents IA et donc de recentrer des équipes sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, comme la prise de décision et l’accompagnement des équipes Métiers. 

Nos équipes ont conçu une plateforme IA, « Precision ViewTM », à destination de nos clients. Cette plateforme permet aux équipes FP&A de modéliser et de générer rapidement un grand nombre de scénarios, sur la base de modèles algorithmiques à sélectionner en fonction des besoins (séries temporelles, ARIMA, DeepAR+, ETS, etc.) et d’hypothèses exogènes (inflation, évolution réglementaire, etc.), éclairant ainsi la prise de décision stratégique.  

Nos équipes accompagnent plusieurs clients, à différent stade (du POC à l’implémentation), afin de renforcer leurs maîtrises des risques en automatisant la détection d’anomalies et la prévention de la fraude. Par exemple, les retours d’expérience ont démontré que notre solution Fin IQ fiabilise la mise en qualité de vos données et permet de procéder à des corrections ciblées, si nécessaire. En effet, en analysant en temps réel de vastes volumes de transactions et de données, les algorithmes sont capables d’identifier des patterns inhabituels, de signaler des comportements suspects et d’alerter les équipes en amont. Cette capacité contribue à sécuriser l’activité de la fonction Finance, à réduire les pertes liées à la fraude et à améliorer la réactivité face aux incidents, tout en fiabilisant la chaîne de contrôle interne.

L’automatisation de la conformité via l’IA représente également un levier d’efficacité significatif pour les directions financières. Ces algorithmes peuvent faciliter l’identification et le traitement des écarts réglementaires, automatiser la production des reportings requis et assurer une veille proactive sur l’évolution des normes. Cette démarche permet de réduire le risque de non-conformité, de sécuriser les opérations et de dégager du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée, tout en renforçant la crédibilité de l’entreprise auprès des autorités de supervision. Deloitte a déjà accompagné plusieurs entreprises sur des démonstrations/POCs de ce type de solutions.

Nos équipes ont développé dans le cadre de démonstrations des solutions d’IA générative visant à assister les équipes Relations Investisseurs dans la préparation des états financiers à destination des régulateurs et analystes. L’IA permet ici à la fois d’analyser rapidement un grand nombre de données mais également de générer un narratif exploitable (synthèse + commentaires pertinents) par les équipes Finance en amont de leur partage à des tierces parties.

Pour aller plus loin – Quelles sont les premières étapes pour déployer l’IA ?

À l’issue de cette réflexion, voici les étapes clés à considérer pour engager concrètement la transition vers l’IA : 

L’adoption de l’IA par les directions financières est appelée à se généraliser dans les prochaines années. Cette transformation va profondément modifier les modes de fonctionnement : les collaborateurs humains et les agents IA travailleront en synergie, les premiers se concentrant sur la prise de décision et le pilotage de la performance, tandis que les seconds automatiseront et exécuteront un nombre croissant d’activités à mesure de leur apprentissage. La fonction Finance de demain sera ainsi véritablement « AI-driven » — orientée données, agile et créatrice de valeur. 

1 CFO Signals™  1 Q 23, Deloitte, 15 mars 2023

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