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Plan de transition : de la conformité à la compétitivité éclairée

Cet article a été rédigé par Joseph Devos, Senior Consultant au sein des équipes Sustainability de Deloitte France.   

De nombreuses réglementations imposent aux entreprises d’établir un plan de transition climatique. Nous vous proposons de vous appuyer sur ces exigences pour mieux maîtriser les risques climatiques et assurer la résilience et la compétitivité à long terme de votre activité. 

 

Contexte réglementaire  

 

Le plan de transition fait partie des éléments exigés dans un mouvement réglementaire européen incitant à plus de transparence dans l’action des entreprises, en s’appuyant notamment sur la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Il est également rendu obligatoire par des législations telles que la Loi Énergie Climat (LEC) en France, dans le cadre du Bilan Réglementaire des Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES), ainsi que par la directive européenne Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) et le paquet bancaire Capital Requirements Regulation 3/Capital Requirements Directive 6 (CRR3 / CRD6). Bien que nommé différemment, le Plan de Transition à l’Atténuation du Changement Climatique (PTAC) satisfait également aux exigences d’autres réglementations européennes industrielles, telles que le Système d'Échange de Quotas d'Émission de l'UE (EU ETS) et ses plans de neutralité climatique, la Directive sur les Émissions Industrielles (IED) et ses plans de transformation, ainsi que la Directive sur l'Efficacité Énergétique (EED) et ses plans d'action énergétique. 

 

Quels sont les leviers pour faire du plan de transition un exercice stratégique de compétitivité ? 

 

Nous sommes convaincus que les entreprises doivent aller au-delà d’un simple exercice de conformité pour engager une véritable analyse stratégique, en s’appuyant sur l’analyse des risques et opportunités climatiques inscrite au sein d’un plan de transition. Le plan de transition combine des actions de réduction des émissions et d’adaptation, visant à mieux anticiper les risques tout en saisissant les opportunités associées au changement climatique. 

Nous identifions quatre leviers principaux pour traiter ces risques et opportunités dans le plan de transition climatique afin de démontrer la pérennité de l’activité, tout en renforçant la compétitivité de l’entreprise. 

1. Identification des risques et opportunités spécifiques aux activités de l’entreprise 

Les risques climatiques auxquels les entreprises sont exposées sont de deux ordres : 

  • Les risques de transition qui découlent des évolution sociétales, technologiques et de marché pour basculer vers une économie bas carbone (taxes sur le carbone, transfert de l’intention d’achat d’un produit vers un autre, dépréciation d’actifs, etc.) 
  • Les risques physiques, incluant les événements climatiques extrêmes (ouragans, inondations, incendies, etc.) et les effets chroniques à long terme (élévation du niveau de la mer, augmentation des températures moyennes, etc.). 

Une analyse des risques climatiques doit être propre à chaque entreprise, en fonction de son secteur et de ses implantations géographiques. L’enjeu est ainsi de lier ces risques aux dynamiques de transition.  

Il est également important d’identifier les opportunités de croissance, car la transition peut ouvrir de nouveaux marchés et permettre aux entreprises d’innover et de proposer des offres adaptées aux changements de comportements et aux avancées technologiques.  
 

2. Analyse par scénario & réconciliation des horizons de temps  

L'analyse des risques et opportunités climatiques est une démarche prospective utilisant différents scénarios de réchauffement climatique pour évaluer la résilience de l’entreprise. En utilisant divers scénarios, tels qu'un réchauffement limité à +1,5°C, un réchauffement sévère de +4°C, et un réchauffement élevé de +3.1°C1 dit « business as usual », une entreprise peut simuler les effets du changement climatique, évaluer les impacts potentiels sur ses activités et mieux se préparer à y faire face. 

Un des enjeux majeurs est de concilier les horizons de temps du changement climatique (5 à 25 ans et plus) avec les horizons stratégiques (3 à 5 ans) et de budgétisation (12 à 18 mois). Malgré ces horizons éloignés, certains effets du changement climatique sont cependant déjà réels, comme l’illustrent les perturbations d'activités régulières dues aux inondations comme aux sécheresses prolongées (sur l’ensemble de la chaîne de valeur) ou les pressions inflationnistes sur des commodités critiques nécessaires à la transition énergétique (comme certains métaux). 
 

3. Quantification et effets financiers 

Les risques et opportunités climatiques sont difficiles à quantifier de manière précise, en raison de la complexité à quantifier l’impact financier, du manque de données et de l'absence de méthodologies standardisées. Une approche pragmatique détourant les ordres de grandeur des effets permet néanmoins de les prioriser. Nous avons développé des méthodologies pour traduire ces risques et opportunités en impacts financiers, en s'appuyant sur les dispositifs existants de gestion des risques pour évaluer les effets à court, moyen, et long terme, en lien avec les états financiers. Cela inclut, par exemple, l'analyse des actifs échoués, des analyses de sensibilité sur la croissance de l'activité, et l’application de scénarios inflationnistes à certaines catégories d’achats sensibles à la transition climatique. 
 

4. Rendre le plan actionnable 

Pour rendre le plan de transition actionnable, il est essentiel de hiérarchiser les actions à mettre en œuvre en se basant sur les risques et opportunités les plus matériels, afin de concentrer les efforts sur les impacts les plus significatifs. 

Ces actions doivent être mises en place de manière coordonnée dans l’ensemble des directions de l’entreprise, incluant notamment les équipes Finance, Stratégie, Opérations, Supply Chain, etc. Les risques et opportunités climatiques concernent la plupart des fonctions, au-delà des équipes durabilité et conformité.  

Cas pratiques

Estimation des risques de transition pour un industriel du secteur  de l'aéronautique

Nous avons accompagné un acteur du secteur de l’aéronautique possédant des activités logistiques et industrielles dans l’identification et la quantification des impacts financiers des risques et opportunités climatiques. Nous nous focaliserons sur un des risques identifiés à l’issue d’entretiens en interne : le risque de transition émanant de l’inflation du coût de certaines matières premières.

 

Identification des matériaux à risque 

Son identification repose sur le croisement des matériaux utilisés aéronautiques (ex. : aluminium, titane, composites) et les commodités stratégiques de la transition énergétique, comme celles identifiées dans le Critical Raw Material Act de l’UE ou par l’Agence Internationale de l’Énergie (ex. : cuivre, cobalt, aluminium, etc.).

Cette approche a permis d’identifier deux commodités particulièrement à risque pour notre client au vu de son activité : l’aluminium et les métaux composites.
 

Analyse par scénario climatique 

Dans le cadre d’un scénario de transition ambitieuse à 1,5°C, nous avons estimé des taux d’inflation spécifiques à ces deux matériaux, puis les avons appliqués aux achats de nos clients aux horizons de temps habituels de son business plan. 

Quantification des impacts financiers

Les impacts financiers ont été évalués en comparant les prévisions du business plan et du budget de notre client avec notre analyse sous un scénario à 1,5°C. Cette approche a permis à notre client d’identifier un risque financier significatif lié aux pressions inflationnistes liées à la transition énergétique et d’engager l’adaptation de ses stratégies d’approvisionnement et de gestion des coûts pour en limiter les impacts.

Evaluation de la résilience aux risques physiques d’un acteur de l’énergie

 

Nous avons accompagné et évalué la résilience d’une entreprise de l’énergie face aux risques et opportunités liés au changement climatique afin d’alimenter ses réflexions stratégiques. Nous nous focalisons ici sur les risques physiques et notamment le risque cyclonique identifié comme le risque physique le plus matériel pour son activité. 


Identification des actifs exposés 

Les entretiens réalisés ont permis d’identifier des types d’actifs critiques situés dans des bassins cycloniques, dont la détérioration pourrait avoir des conséquences significatives pour le Groupe.


Analyse par scénario et qualification de l’évolution du risque cyclonique

L’estimation du risque est particulièrement complexe, l'évolution des cyclones ne faisant pas consensus parmi les scientifiques. Ainsi, l’impact a été évalué selon un « worst-case » scénario, en estimant les dommages matériels qu’un cyclone de catégorie 5 pourrait engendrer. 


Quantification des impacts financiers

Les risques financiers bruts liés aux dégâts et à l'interruption potentielle de l'activité ont été estimés en utilisant des indicateurs comme le RBE (Résultat Brut d’Exploitation) et les CapEx (dépenses d’investissement) comme proxys pour les flux de trésorerie. Les impacts financiers, basée sur un scénario « worst case », ont été comparés aux mesures de réduction des risques et à la couverture assurantielle de l’entreprise pour évaluer le risque net.

Cette étude a ainsi permis d’identifier les actifs les plus vulnérables aux risques cycloniques, ainsi que le risque financier résiduel, contribuant à alimenter la réflexion de notre client sur l’assurabilité de son portefeuille d’actifs.

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