Comment la finance concessionnelle peut accélérer la transition vers un monde bas carbone tout en économisant 50 billions de dollars ? Lorsque nous parlons de la transformation pour faire face au changement climatique, l'intention est claire, les objectifs sont fixés et la technologie s'accélère. Le maillon manquant dans la transition vers les énergies vertes est de débloquer des financements à coût faible.
Atteindre la neutralité climatique mondiale d'ici à 2050 nécessite une transformation profonde de la société, passant du modèle actuel centré sur les énergies fossiles à un système énergétique fortement renouvelable et électrifié. Cette transformation implique des investissements significatifs, de l'ordre de 5 à plus de 7 billions de dollars (5 000 à 7 000 milliards d’euros) par an jusqu'en 2050 comme démontre notre premier rapport publié en novembre 2023. Cependant, moins de 2 billions de dollars (1 700 milliards d’euros) sont investis chaque année pour conduire cette transition. Si les investissements ne s'accélèrent pas rapidement, le monde échouera à atteindre ses objectifs climatiques.
Notre second rapport sur le financement de la transition énergétique détaille comment nous pouvons réduire les risques et établir un environnement de financement de projet dynamique pour favoriser les investissements dans les énergies propres. Une transition qui alimente l’innovation au service du climat et permet une transition énergétique juste, en particulier dans les pays en développement, est crucial.
Les solutions clés de décarbonation, telles que les énergies renouvelables, l'électrification des usages (mobilité électrique, pompes à chaleur, etc.), l'utilisation d'hydrogène vert dans les secteurs difficiles à décarboner et l'efficacité énergétique, sont généralement à forte intensité capitalistique et nécessitent des investissements importants.
Ces solutions souffrent d'un sous-investissement et ont besoin de taux de rendements élevés, car les investisseurs privés considèrent les technologies dites vertes comme plus risquées que les investissements à forte intensité carbone. Les gouvernements, les investisseurs et les différentes institutions financières doivent travailler ensemble pour développer de nouveaux mécanismes de finance mixte et instruments de financement susceptibles de réduire les risques systémiques, notamment les risques politiques, réglementaires, économiques et technologiques associés aux projets verts.
Notre analyse va au-delà de l’identification des risques et des outils de réduction des risques, pour aider à fournir une vue d'ensemble, en utilisant la modélisation quantitative et l'évaluation qualitative du paysage technologique, de l'environnement politique et des défis financiers, sans oublier la dimension géographique. L’étude identifie et détaille ce qui est nécessaire pour permettre le flux de capitaux et l’accélération des investissements. Elle vise à engager la conversation sur l'avenir de la finance verte et sur la résolution des principaux obstacles à l'investissement afin d'accélérer la transition énergétique.
Les structures de financement peuvent ajouter des coûts supplémentaires aux investissements verts en raison des risques politiques, économiques, technologiques et financiers et aux barrières de transformation pour une zone géographique et un projet spécifique.
Ne pas combler le déficit de financement pourrait s’avérer coûteux, en particulier pour les pays en développement.
Les risques associés aux investissements dans les technologies énergétiques vertes comprennent les risques macroéconomiques, les risques de marché, les risques techniques ainsi que les risques financiers :
Les risques associés aux investissements augmentent directement leur coût du capital, ce qui peut à son tour augmenter le coût de la transition énergétique. Les risques liés aux marchés et aux technologies naissants dus à un manque d’expérience et d’antécédents commerciaux ont tendance à être trop élevés pour les entités privées. Les instruments systémiques de réduction des risques, tels que les instruments d’information, les instruments réglementaires, et les instruments économiques, traitent des asymétries d’information sur le marché, du cadre réglementaire et des ajustements des signaux du marché. Bien que ces instruments d’atténuation des risques puissent réduire considérablement les risques systémiques, des instruments spécifiques aux projets et aux marchés, notamment les instruments de transfert des risques, sont nécessaires pour aider à gérer tout risque résiduel.
Ainsi, le transfert des risques aux entités publiques absorbant les risques est une étape essentielle pour aider à sécuriser le déploiement des technologies vertes. Cette coopération, notamment entre acteurs publics et privés (y compris les organisations internationales et multilatérales), s’inscrit dans le cadre de ce que l’on appelle les mécanismes de financement mixte (blended finance) qui traitent les risques résiduels et contribuent ainsi à faciliter l’afflux de capitaux privés vers des projets verts.
Notre deuxième rapport sur le financement de la transition énergétique détaille les risques, quantifie leurs impacts, énumère les différents instruments de réduction des risques et internalise leur impact sur les coûts des projets. Les résultats de l’analyse montrent qu’une combinaison efficace et opportune de ces instruments de réduction des risques peut permettre de réaliser des économies de 40 billions de dollars (plus de 37 000 milliards d’euros) d’ici à 2050.
L’apprentissage technologique peut réduire les coûts d’investissement initiaux des projets, car les progrès vers la maturité contribuent de manière significative aux économies de coûts grâce aux économies d’échelle. Les centrales solaires et les parcs éoliens ont vu leurs coûts initiaux chuter de 80 % et 40 % à l’échelle mondiale depuis 2010, et cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2050. Cela peut conduire à des économies importantes. En plus de réduire le besoin en investissement, ces réductions de coûts peuvent contribuer à l’amélioration du financement des projets d’énergie verte dans le monde entier.
Une autre forme d’effet d’apprentissage est l’apprentissage financier, qui découle de la réduction du coût du capital grâce à l’amélioration de la perception du risque par les investisseurs et les prêteurs à l’égard des projets verts à mesure que les marchés et les environnements réglementaires mûrissent. Il est essentiel d’aider à réduire le coût de la transition. Les coûts de capital des installations éoliennes et solaires photovoltaïques terrestres en Allemagne ont, en moyenne, diminué de plus de 4 points de pourcentage entre 2005 et 2017, principalement en raison de cet apprentissage financier. Ce dernier peut non seulement réduire le coût du capital pour les nouveaux projets, mais aussi pour les investissements déjà réalisés grâce au refinancement : le coût de la dette et des capitaux propres peut être revu chaque année et modifié en fonction des taux du marché pour les nouveaux projets. Pour exploiter au maximum le potentiel de l’apprentissage financier par le biais du refinancement, il convient d’avoir un environnement de financement de projets flexible avec des mécanismes de transfert de propriété facilités, qui peuvent réduire le coût de la transition énergétique d’environ 10 billions de dollars (plus de 9 000 milliards d’euros) d’ici à 2050.
Le déblocage des flux financiers et la réduction du coût du capital sont la responsabilité de tous les acteurs.
Un écosystème multi-activité est nécessaire pour ouvrir la voie à une transition juste, rentable et réussie. Les gouvernements locaux et nationaux ainsi que les régulateurs peuvent réduire les risques qui compromettent la viabilité des investissements verts et durables. Les prêteurs et les investisseurs concessionnels peuvent quant à eux maximiser le potentiel du financement mixte (« blended finance » en anglais) pour mobiliser des capitaux privés, et les sociétés peuvent faire face aux investissements initiaux dès aujourd’hui pour tirer parti des bénéfices demain.
Pour rendre la transition énergétique verte abordable, les parties prenantes (investisseurs et prêteurs, décideurs politiques, les banques de développement et organisations internationales) doivent pleinement intégrer la transition énergétique dans leurs stratégies d’approvisionnement en capital, s'adapter aux nouvelles façons d'évaluer et de quantifier les projets d'énergie verte et basés sur les énergies fossiles, gérer les risques systémiques, mettre en place des instruments adéquats pour soutenir la transition tout en maintenant l’apprentissage technico-économique pour réduire les coûts initiaux.
Les résultats de notre étude incitent toutes les parties prenantes à accélérer leurs efforts pour mener à bien la transition énergétique