Les portefeuilles numériques s’imposent comme le nouveau standard du paiement, portés par des super apps en Asie et des initiatives structurantes en Europe. Avec l’arrivée du portefeuille d’identité numérique européen (EUDI Wallet) prévu par eIDAS 2.0, les frontières entre identité, paiement et services digitaux s’estompent. Une révolution silencieuse s’amorce, et les acteurs privés ont désormais les cartes en main pour réinventer l’expérience utilisateur.
Nous sommes désormais habitués à régler nos achats à l’aide de portefeuilles électroniques. Que ce soit en magasin via un terminal de paiement (PoS) ou en ligne, il est devenu courant de voir apparaître des options comme PayPal ou Apple Pay.
Certes, l’adoption des portefeuilles numériques varie d’une région à l’autre, mais certaines zones comme l’Asie-Pacifique illustrent clairement leur montée en puissance. D’après le dernier rapport de Worldpay, les digital wallets y ont représenté, en 2024, la majorité de la valeur des paiements, aussi bien en ligne qu’en point de vente.
Cette domination s’explique par le fait que ces deux applications vont bien au-delà du simple paiement : ce sont de véritables super wallets, pleinement intégrés dans le quotidien des utilisateurs. Ils permettent non seulement de régler des achats en ligne ou en magasin, mais aussi de transférer de l’argent entre particuliers, de payer ses factures, de souscrire à des produits financiers, d’accéder à des services d’assurance, ou encore de réserver un taxi, un billet de train ou un rendez-vous médical — le tout depuis une seule interface. Ils intègrent également une identité numérique utilisée pour l’authentification et la signature électronique.
En Europe, le panorama des portefeuilles numériques utilisés s’articule autour de trois types de wallets : les wallets de paiement grand public (Apple Pay, Google Pay, PayPal, Lydia, Wero), les wallets bancaires intégrés (Revolut, N26, Hello Bank) et les wallets Web3 (MetaMask, Trust Wallet, Coinbase Wallet). Il convient de mentionner Wero, le portefeuille numérique lancé dans le cadre de l’initiative EPI (European Payments Initiative), visant à renforcer la souveraineté européenne dans le domaine des paiements. Déjà opérationnel pour les paiements de particulier à particulier (P2P), Wero prévoit d’étendre ses fonctionnalités aux paiements B2C et B2B, aussi bien en ligne qu’en point de vente, lors de ses prochaines phases de déploiement. Bien que l’écosystème européen évolue, l’usage des super wallets reste encore limité. Certains acteurs, comme Revolut, en adoptent progressivement les caractéristiques d’un super wallet, en combinant paiements, trading, assurance et cryptomonnaies au sein d’une seule application mais le nombre d’utilisateurs reste encore marginal.
Dans ce contexte, la nouvelle réglementation européenne eIDAS 2.0 (Electronic Identification, Authentication and Trust Services) a le potentiel de devenir un véritable game changer.
La réglementation eIDAS 2.0 a été adoptée en 2024 et sa mise en œuvre progressive a débuté à partir de 2025. Parmi ses objectifs principaux figurent notamment la garantie que chaque citoyen, résident ou entreprise de l’Union européenne puisse s’identifier en ligne de manière sécurisée, signer électroniquement des documents, et accéder à des services publics et privés dans l’ensemble des États membres2.
La grande nouveauté réside dans l’obligation, pour chaque État membre, de mettre à disposition du public un portefeuille d’identité numérique européen (EUDI Wallet). Ce portefeuille doit permettre aux utilisateurs de stocker leur identité officielle (carte d’identité, permis de conduire, diplômes, etc.), d’ajouter des attributs vérifiables (âge, IBAN, statut d’étudiant, données de santé, etc.), de s’authentifier auprès de services publics ou privés, et de signer électroniquement. Quant à la France, elle a annoncé son intention de rendre disponible son EUDI Wallet à travers l’application France Identité, actuellement en phase d’expérimentation, avec un déploiement prévu à l’horizon 2026, conformément au calendrier européen3.
Cependant, les acteurs privés ne sont pas « privés » d’opportunités dans ce cadre : ils peuvent pleinement intégrer la brique EUDI dans leur propre application et permettre aux utilisateurs de stocker leur portefeuille EUDI dans un super wallet privé, à condition que cette solution soit agréée ou certifiée par l’autorité nationale compétente.
Cela ouvre la voie à de nouvelles offres de services à forte valeur ajoutée. En intégrant l'identité numérique dans leurs solutions, les banques, fintechs, assureurs ou opérateurs de paiement peuvent proposer des expériences utilisateur plus fluides, combinant authentification, contractualisation, paiement et gestion documentaire dans un seul environnement sécurisé. À eux de jouer.