Les stablecoins gagnent en maturité et s’imposent comme un moyen de paiement rapide, sécurisé et peu coûteux. Entre régulations renforcées et innovations majeures, ils ouvrent la voie à une adoption grandissante, à condition de résoudre le défi crucial de la confidentialité des transactions.
Alors que les stablecoins ont commencé à émerger à partir du milieu des années 2010, avec le lancement de l’USDT par Tether en 2014, la valeur des transactions en stablecoins, hors robots et trading haute-fréquence, n’a véritablement explosé que l’année dernière.
Au départ, une promesse simple : combiner les avantages des cryptomonnaies classiques et de l’infrastructure web3, sans leurs inconvénients pour des applications de paiements. À savoir : règlement en quelques secondes et à moindre frais, y compris pour les paiements internationaux, et disponibilité du réseau 24h/24, 7j/7, mais sans la volatilité des cryptomonnaies, dans un cadre règlementaire sûr.
Le cadre règlementaire, justement, évolue : dans l’Union Européenne, les provisions relatives aux stablecoins du règlement européen sur les crypto-actifs (MiCA), sont entrées en vigueur en juin 2024, permettant à Circle, l’émetteur de l’EURC et de l’USDC, de devenir le premier émetteur de stablecoins opérant en conformité avec la nouvelle régulation européenne dès juillet 2024. De l’autre côté de l’Atlantique, la proposition de loi « Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins of 2025 », ou « GENIUS Act », proposé au Sénat américain par le sénateur Bill Hagerty, est actuellement examiné par le Congrès américain, et devrait déboucher sur une nouvelle loi encadrant les stablecoins émis aux États-Unis dans les semaines à venir. Dans les deux cas, les stablecoins sont définis comme des actifs digitaux indexés sur une monnaie fiduciaire classique, pour lesquels les émetteurs doivent détenir des réserves équivalentes 1:1 à la valeur des stablecoins émis. Les émetteurs doivent recevoir un agrément, et régulièrement publier leur niveau de réserves, ces dernières devant être auditées par les autorités locales compétentes.
Mais alors que les régulateurs s’affairent à définir un cadre réglementaire clairement défini, les acteurs privés de l’écosystème stablecoin continuent d’innover. En août 2023, PayPal a lancé le PYUSD en partenariat avec Paxos, promettant notamment des envois d’argent à l’étranger à moindre coût via sa marque Xoom. Plus récemment en avril dernier, Circle, l’émetteur du deuxième stablecoin adossé au dollar américain (USDC) en valeur de transactions, a annoncé le lancement du Circle Payment Network (CPN), un nouveau réseau de paiement international B2B basé sur le web3 et les stablecoins, et permettant de connecter des établissements financiers internationaux pour traiter les flux de transactions de leurs clients, sans passer par les réseaux interbancaires ou de cartes traditionnels, minimisant ainsi les coûts, et accélérant les délais de règlement. Preuve du potentiel disruptif de cette initiative : des banques internationales telles que Deutsche Bank, Santander, Société Générale et Standard Chartered ont d’ores et déjà rejoint CPN.
L’engouement pour les stablecoins transparait également dans les dernières acquisitions des géants des paiements : en octobre 2024, Stripe a annoncé le rachat de Bridge, lui permettant de proposer à une sélection de commerçants aux États-Unis d’accepter les paiements en stablecoins. À titre d’exemple, Shopify — en partenariat avec Stripe et le fournisseur de service de cryptomonnaies Coinbase — a annoncé, le 12 juin, permettre à ses clients commerçants d'accepter les paiements en USDC. Et ce n’est probablement qu’un début : Amazon et Walmart envisagent à leur tour de lancer leurs propres stablecoins marchands, signalant une nouvelle ère d’adoption par les grandes enseignes du commerce.
Dans ce contexte, les agents autonomes dopés à l’IA s’imposent déjà comme de nouveaux facilitateurs du parcours d’achat. Des acteurs majeurs comme Visa, avec son programme Intelligent Commerce, ou Mastercard, avec Agent Pay, préparent l’avènement du paiement « zéro-clic ». Côté infrastructure, des protocoles comme x402 (porté par Coinbase) permettent déjà des paiements machine-to-machine en intégrant la logique de HTTP 402. L’achat automatisé devient ainsi une réalité programmée.
En effet, l’adoption des paiements en stablecoins par les marchands à grande échelle reste conditionnée à la résolution du problème de confidentialité. En théorie, les transactions en stablecoins ont hérité à la fois des avantages et des défauts de l’infrastructure blockchain, notamment sa transparence radicale : toutes les données relatives à une transaction (émetteur, destinataire, montant) ainsi que les soldes des portefeuilles sont visibles publiquement. Si cette transparence est une vertu dans un écosystème non régulé, comme celui des blockchains ouvertes, elle peut devenir un frein pour les acteurs économiques traditionnels. Quel commerçant accepterait que ses volumes de ventes, ses fournisseurs ou sa trésorerie soient visibles pour tous, y compris pour ses concurrents ? Pour répondre à cet enjeu, plusieurs initiatives émergent afin de concilier confidentialité et sécurité. Parmi elles, Zaïffer, premier protocole de stablecoin confidentiel, fondé sur le chiffrement homomorphe (FHE), offre une solution prometteuse. Ce protocole garantit, d’un côté, une confidentialité totale : toutes les transactions et soldes sont chiffrés on-chain, rendant toute forme d’analyse externe ou de profiling commercial impossible. Et de l’autre, il permet d’exécuter des contrôles réglementaires (KYC/KYB, plafonds, TVA) directement sur les données chiffrées, sans jamais exposer les montants en clair.
Paiements traditionnels au point de vente, e-commerce, envoi d’argent à l’étranger entre particuliers, et paiements transfrontaliers B2B : les applications des paiements en stablecoins sont légion, et alors que les régulations se clarifient au niveau mondial, que les acteurs fintechs ne cessent d’innover, et que les banques traditionnelles elles-mêmes explorent de nouveaux cas d’usage, la « privacy by design » est aujourd’hui indispensable pour que les entreprises migrent massivement vers la blockchain.