Pour les entreprises familiales, la gouvernance s’écrit au pluriel et conjugue vision, intérêts, besoins et valeurs. Dans cette série d’articles, nous allons explorer les couleurs et nuances fondamentales qu’il vous faudra utiliser pour améliorer votre gouvernance.
Retrouvez à travers ces deux regards d'experts les différents niveaux de gouvernance et comment déterminer le modèle de plus adapté à votre entreprise familiale.
In this article we will explore the value of both estate plans and legacy assessments and explain how to navigate the process to help shape the future of your creation.
En France, 83 % des TPE, PME, ETI et multinationales sont des entreprises familiales1. Performantes, résilientes, innovantes et tournées vers le long-terme, leurs qualités sont bien connues. Pourtant, à peine 12 % de ces sociétés parviennent à atteindre le cap de la troisième génération et seulement 3 % sont dirigées par les arrière-petits-enfants de leurs fondateurs d’après le Family Business Institute. L’adage est bien connu : « une génération crée, la deuxième développe et la troisième prend le large ». Ce taux élevé d’échec est attribué à une multitude de raisons. La fiscalité, une internationalisation trop limitée, des fonds propres insuffisants et un manque de motivation des descendants sont des barrières qui freinent le passage de témoin intergénérationnel. Les crises à répétition que nous traversons depuis trois ans (Covid-19, hausse des coûts énergétiques, inflation, etc.) n’arrangent rien à l’affaire, mais l’obstacle le plus infranchissable pour les familles est souvent lié à la gouvernance de leur entreprise.
Une bonne gouvernance est la condition sine qua non des organisations qui réussissent et assurent leur longévité. Elle permet une répartition efficiente des pouvoirs ainsi qu’une application efficace de la stratégie globale afin d’assurer la performance de l’entité et générer un maximum de valeur. Le tout dans le strict respect des réglementations en vigueur. Cet équilibre est particulièrement compliqué à mettre en œuvre dans une entreprise familiale car dans ces structures, la gouvernance se décline à plusieurs niveaux :
Ces structures ne traitent donc pas des mêmes sujets et elles ont chacune leur propre temporalité. Dans une entreprise familiale où tant d’intérêts sont en jeu, mieux vaut donc conjuguer « gouvernance » au pluriel tant elle peut être multiple.
Pour définir le modèle le mieux adapté aux besoins et aux caractéristiques de l’entreprise, la première priorité est de faire un diagnostic complet et précis de la manière dont la société et ses actionnaires sont organisés, contrôlés et dirigés. Les plus prudents accomplissent ce travail de fond préventivement afin de préparer l’avenir et faciliter le passage du cap souvent compliqué de la transmission. Beaucoup peuvent être dépassés par les évolutions diverses et rapides qui ont lieu et que le modèle qui fonctionnait hier ne pourrait plus être adapté au monde qui se dessine.
Ces dirigeants et actionnaires attendent trop souvent la survenance d’une crise pour analyser leur modèle de gouvernance.
Pour effectuer ce travail, une famille a tout intérêt à se faire accompagner par un tiers de confiance qui sera capable d’interroger, sans a priori ni affect, toutes les personnes qui gravitent autour de l’entreprise (actionnaires impliqués ou non, membres du comex issus ou non de la famille, etc.). Ces entretiens montrent souvent que l’essentiel des pouvoirs se concentre autour d’une personnalité forte et charismatique. Ils aident aussi à identifier les proches qui souhaitent contribuer activement et faire évoluer l’organisation. Des outils existent pour effectuer ce diagnostic. Ils permettent notamment de tester le niveau de maturité des membres de la famille et des instances de gouvernance sur la stratégie à déployer, d’analyser leur dynamique et leur organisation et d’étudier la manière dont ces membres s’impliquent et collaborent dans la gestion du patrimoine familial.
Ce travail, qui peut prendre plusieurs mois, révèle souvent que les visions peuvent largement différer d’un membre de la famille à l’autre. Ce constat permet également de révéler des points non traités sur lesquels il faudra travailler.
Une fois ce diagnostic effectué, la famille doit réfléchir au type de gouvernance qu’elle souhaite mettre en place. Ce cadre doit être évidemment en adéquation avec les objectifs des actionnaires et leurs ambitions. Le droit français est complexe et nécessite d’être accompagné d’un conseil expérimenté pour en maîtriser toutes ses « subtilités ». Un conseil d’administration n’est pas un conseil de surveillance. Les différences sont notables entre une société anonyme (SA), une société par actions simplifiée (SAS) et une société en commandite… Bien choisir le cadre juridique de son entreprise est donc primordial. Les gouvernances doivent s’adapter aux attentes et aux objectifs de la famille et non pas le contraire. C’est seulement une fois que cette réflexion aura été menée par tous les membres de la famille ou par leurs représentants que la mise en application juridique pourra commencer. Le modèle sélectionné doit être clair, précis et repris explicitement dans une charte familiale afin de pouvoir servir de texte de référence pour tous les proches qu’ils soient dirigeants opérationnels, membres du conseil de surveillance ou du conseil d’administration, actionnaires impliqués ou non.
Faire un diagnostic de l’existant et définir ses ambitions sont les deux préalables à une refonte de la gouvernance de votre entreprise familiale. Ce travail « préparatoire » vous permettra de savoir s’il faudra ou non faire évoluer votre organisation existante. Rome ne s’est pas faite en un jour, vos gouvernances non plus…
Ce regard d'expert a été réalisé en partenariat avec Romain Chevillad - RoCh Conseil.
1 Selon le rapport de l’Institut Montagne « Vive le long terme ! Les entreprises familiales au service de la croissance et de l’emploi », publié en 2014.
Créé en 1946, le Groupe Niort Frères exerce dans les domaines des pièces et des services pour l'Automobile, le Poids-Lourd, les Cars & Bus, l'équipement d'ateliers automobile et PL, le Remanufacturing d'organes automobiles et PL. Jean-François Niort a 58 ans, il est diplômé SUP de CO, marié et père de deux enfants.
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Après l’analyse vient le temps des actes. La famille a défini le modèle de gouvernance qu’elle souhaite mettre en place après avoir réalisé le diagnostic complet et précis de la manière dont l’entreprise est contrôlée et dirigée. Il lui faut désormais prendre les mesures qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Une fois la décision prise de travailler sur la gouvernance, il n’y a aucune raison de ne pas lancer rapidement le processus.
La première étape consiste à préparer une Charte Familiale. Cette pratique est de plus en plus courante depuis une dizaine d’années mais la complexité réside dans la définition du contenu de ce document ainsi que son objectif. Une charte doit définir en premier lieu l’ambition et la vision de la famille. Pour ce faire, les membres de la famille doivent explorer leur histoire, s’accorder sur leurs valeurs communes et comprendre ce qui les rassemblent. L’ambition qui est exposée dans la Charte pour les décennies à venir doit inscrire la prolongation de tout le travail qui a été effectué par les générations précédentes. Cette charte doit établir des règles fixes et précises. Elle permet de réfléchir et de gérer les questions liées à l’affectio ainsi qu’à la formation et à l’information des actionnaires dans son format et dans son contenu. Elle doit notamment déterminer les rôles de chacun, les instances de gouvernance de l'entreprise familiale et leur composition. Définir les conditions d’accès à des postes à responsabilité dans la société, au capital et aux organes de décision permet de clarifier les choses dans la durée. Et ne jamais éviter les sujets qui fâchent... Beaucoup trop de chartes ressemblent aujourd’hui encore à des consensus mous qui éludent les sujets les plus sensibles alors qu’un texte servira de point de référence quand les passions s’enflammeront lors d’éventuels conflits familiaux.
Pour être efficace, ce « code » doit, par ailleurs, être signé et ratifié par chaque membre de la famille dès qu’il atteint sa majorité. Les conjoints des signataires peuvent aussi être amenés à parapher ce document. La charte n’est pas un simple morceau de papier mais la traduction de la cohésion familiale dans la durée. Le cheminement pour aboutir à ce texte, qui donne lieu à de nombreuses discussions, est d’ailleurs tout aussi important que le document en lui-même.
Après que la famille a défini ses règles de fonctionnement, l’étape suivante consiste à mettre en place un Conseil de Famille qui sera l’organe de gouvernance dédié de la famille. Véritable gardien de la charte et trait d’union entre la famille et l’entreprise, il doit créer du lien entre les deux pour s’assurer quotidiennement de l’alignement entre l’entreprise et la famille propriétaire. La création du lien passe notamment par le partage d’informations sur l’entreprise, des visites d’usine qui permettent de rencontrer les opérationnels… Les membres du Conseil de Famille doivent représenter toutes les générations, les sexes, les sensibilités et les conjoints. Les personnes qui siègent au conseil doivent être élues pour un mandat dont le contenu est clair et pour une durée déterminée. Il est en effet important d'avoir une procédure en place qui permet de gérer le renouvellement du conseil. En effet, le niveau d’engagement et d’implication de chaque membre du Conseil, ainsi que le temps que cela suppose, nécessite de limiter leur mandat dans le temps
La nomination de tiers externes dans le conseil familial est une solution à envisager pour professionnaliser son fonctionnement.
La présence d’un membre indépendant, sans affect ni implication capitalistique, au sein du Conseil de Famille permet de dépassionner les débats, de pousser les sujets prioritaires et d’accompagner la nouvelle génération pour bien préparer la succession. Elle aide les membres de la famille à prendre du recul et à pacifier leurs relations.
Comme pour le Conseil de Famille, l’administrateur indépendant est à la fois une soupape de sécurité et un « poil à gratter » qui challenge les dirigeants en place. L'administrateur indépendant apporte aussi un regard externe dans les principales missions du Conseil d’administration (définition de la stratégie et suivi de sa mise en œuvre). Au-delà de challenger les dirigeants, il aura aussi pour rôle de challenger les administrateurs familiaux pour éviter certaines dérives. Son profil peut être très varié mais l’intérêt de la famille est d’aller chercher des compétences qui ne sont pas présentes autour de la table du Conseil (expertise technique, réseau, dimension internationale, etc.). Vous pouvez décider d’en nommer plusieurs au sein de votre conseil d’administration ou de votre conseil de surveillance afin d’élargir au maximum les compétences de cet organe de gouvernance.
Pour trouver ces pépites, privilégier votre réseau professionnel et personnel est souvent la méthode la plus efficace. Vous pouvez également faire appel à des experts, à des fédérations sectorielles ou à des associations. Il est important de s’assurer pendant le processus de recrutement - qui est parfois assez long et compliqué - que ces experts vont être alignés avec les valeurs de la famille telles qu’elles figurent dans la charte familiale. La boucle est alors bouclée. Une charte, un Conseil de Famille et des administrateurs indépendants, expérimentés et respectés : voilà les trois piliers d’une gouvernance professionnelle et efficace qui répondent à vos enjeux spécifiques…
De quoi parle-t-on ? Un pacte d’actionnaires est une convention qualifiée d’« extra-statutaire » qui fixe certaines règles relatives au fonctionnement de la société et aux relations entre actionnaires. Ce texte peut être signé par tous les actionnaires ou seulement par une partie d’entre eux. L’un de ses principaux avantages est sa discrétion. Non publié, il peut contenir des clauses que l’on souhaite conserver secrètes. Cet acte étant confidentiel, ni les tiers ni même les actionnaires non signataires ne peuvent en connaître son contenu. Il peut aussi contenir des clauses qui s’appliquent pour une durée limitée, ce que ne permettent pas les statuts d’une société.
A quoi sert-il ? Un pacte d’actionnaires permet de régler certaines questions afin d’éviter les mésententes et d’anticiper les conflits. Il peut notamment établir des règles concernant la gestion de la société, détailler les modalités de cessions de titres, définir des clauses relatives à la sortie d’un actionnaire ou les mesures à prendre lors la rupture du pacte.
Si le pacte d’actionnaires définit l’aspect juridique des relations entre actionnaires, la charte comprend tout le reste. Ces deux textes sont donc complémentaires mais ils ne peuvent pas se substituer l’un à l’autre. Le pacte a en effet une valeur juridique alors que la charte a une valeur morale.
Un pacte d’associés peut aussi avoir pour objectif d’assurer la liquidité des associés.
Ce regard d'expert a été réalisé en partenariat avec Romain Chevillad - RoCh Conseil.
Après 20 ans d'expérience en Marketing, Stratégie et patron de business unit dans de grands groupes internationaux, Laurence Antiglio, diplômée d’HEC, change de cap pour endosser la double casquette de business angel et d’administrateur indépendant dans des ETI familiales, un rôle qu'elle occupe aujourd’hui depuis 12 ans.
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Partenaire indispensable des entreprises familiales. Nous accompagnons les actionnaires familiaux pour les aider à construire la pérennité de leur entreprise en rassemblant les familles autour d’un projet commun. Notre statut 100% indépendant, nous préserve de tout conflit d’intérêt et contrainte commerciale ce qui nous permet d’être concentrés sur la pérennité de votre patrimoine et la préservation des relations entre associés.
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