Après 20 ans d'expérience en Marketing, Stratégie et patron de business unit dans de grands groupes internationaux, Laurence Antiglio, diplômée d’HEC, change de cap pour endosser la double casquette de business angel et d’administrateur indépendant dans des ETI familiales, un rôle qu'elle occupe aujourd’hui depuis 12 ans. (N.B : les mots « le dirigeant » et « l’administrateur » désignent ici la femme ou l’homme qui remplit cette fonction).
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C'est d'abord une gouvernance qui permet de définir une vision pour l'entreprise, de fixer ses ambitions à moyen et à long terme, et qui veille à sa pérennité. Le Conseil doit également donner à l’entreprise une longueur d'avance en l’aidant systématiquement à anticiper les enjeux et les éventuelles difficultés. Une bonne gouvernance corporate accompagne efficacement le dirigeant dans son processus de décision, tour à tour en soulevant les risques, en challengeant ses positions ou en leur apportant son soutien, et toujours en enrichissant le débat. Enfin, aujourd’hui, la gouvernance doit impérativement encourager, voire inciter l'entreprise à prendre en compte son impact. Cette démarche sociale et environnementale lui permettra non seulement de se créer des avantages concurrentiels, d'améliorer sa position sur le marché, mais aussi de motiver ses salariés par la responsabilité citoyenne de l’entreprise. Bien entendu, une bonne gouvernance d’entreprise doit aussi savoir elle-même évoluer, s'adapter, et chercher à s'améliorer. Et pour être efficace, elle doit s'inscrire dans un schéma global de gouvernance qui intègre une gouvernance actionnariale mais également familiale, chacune ayant un périmètre d’action différent.
Tout d’abord, en tant que tiers indépendants, sans participation au capital, ils replacent régulièrement l'intérêt de l'entreprise au cœur du débat, garantissant qu’il est le premier des critères de décision. Il faut le concilier avec l’intérêt des actionnaires et celui des parties prenantes.
Ensuite, les administrateurs indépendants permettent de faciliter les discussions. Dans les entreprises familiales, à partir du moment où il y a un actionnariat diversifié, plusieurs générations ou branches familiales, la parole peut être entravée. Il y a des tabous, des conflits d'intérêts, de l’émotion, et tout un ensemble de sujets peuvent être difficiles à aborder et mettre mal à l'aise certains administrateurs familiaux : ils sont soumis à une double loyauté, celle envers certains membres de la famille et celle envers l'entreprise, et cela peut être contradictoire. Les administrateurs indépendants sont à même de dépersonnaliser les points sensibles avec tact, diplomatie et délicatesse. Ils s'assurent aussi que chacun est entendu dans le Conseil, notamment les membres qui restent habituellement en retrait, en suggérant, par exemple, un tour de table afin de mieux nourrir une discussion.
Enfin, au-delà du rôle d'arbitre, l'administrateur indépendant apporte ses compétences, son expérience et son regard extérieur. Dans les entreprises familiales, il y a souvent des façons de faire habituelles, et parfois des résistances, des blocages. Certaines ne contractent jamais de dettes, d'autres achètent systématiquement les terrains et bâtiments nécessaires à l’exploitation, d'autres encore refusent un manager extérieur à la famille… Nous, administrateurs indépendants, pouvons challenger ces habitudes, apporter du benchmarking, et proposer, lorsque c’est pertinent, des alternatives en s'appuyant sur des exemples réussis dans d'autres domaines et d'autres écosystèmes . C'est pourquoi il est intéressant de miser sur des profils et des parcours variés lorsqu’on choisit ses administrateurs indépendants. Par exemple, un spécialiste des opérations financières et un expert de la stratégie. En jouant la carte de la complémentarité de compétences, le dirigeant multiplie les opportunités de conseil. En plus de leur capacité à formuler des idées pour enrichir les projets, les administrateurs indépendants peuvent également mobiliser leurs réseaux. Un vrai atout pour l’entreprise !
Certains dirigeants considèrent que préparer leur succession fait partie de leur mission, ils sont conscients qu'ils ne sont que de passage et ils ont cette préoccupation à l'esprit. Pour d'autres, c'est un sujet désagréable, douloureux, presque tabou. Pourtant, négliger de préparer cette étape peut être préjudiciable à la pérennité de l'entreprise. J’ai toujours à cœur de trouver le bon moment pour mettre ce sujet sur la table et je présente la transmission comme un sujet incontournable de la gouvernance en me référant aux bonnes pratiques.
Le sujet peut être abordé par exemple lors de l'auto-évaluation du Conseil, un exercice qui permet d’examiner le travail accompli au cours de l’année par le Conseil et de s'assurer que tous les sujets importants ont été abordés. Soulever la question de la transmission à ce moment-là, sans toutefois exiger qu'elle soit traitée immédiatement, en veillant simplement à ce qu'elle figure à l'ordre du jour d’un Conseil de l'année suivante, est souvent une approche qui fonctionne bien.
Évoquer la gestion des risques, en citant le risque d'indisponibilité - même momentanée - du dirigeant peut constituer une autre façon d’amener le sujet. Nul n’est à l’abri d’un accident, d’une hospitalisation. Envisager cette hypothèse et se demander si l'entreprise y est préparée permet de balayer un certain nombre de points qui peuvent tout naturellement conduire à la question de la future transmission. On pourra alors commencer à voir comment le dirigeant se projette dans son mandat et identifier ensemble le moment où il conviendrait de préparer la transmission.