Créé en 1946, le Groupe Niort Frères exerce dans les domaines des pièces et des services pour l'Automobile, le Poids-Lourd, les Cars & Bus, l'équipement d'ateliers automobile et PL, le Remanufacturing d'organes automobiles et PL. Jean-François Niort a 58 ans, il est diplômé SUP de CO, marié et père de deux enfants.
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C'est une gouvernance qui est capable de se projeter dans l'avenir, tout en gardant les pieds bien ancrés dans le quotidien. Elle représente une forme d'équilibre des pouvoirs que je comparerais volontiers avec la démocratie. Lorsqu'une seule personne détient tous les pouvoirs, le risque d'erreurs et de dérives autocrates est grand, et rares sont les entreprises gérées de cette manière qui survivent à leur créateur. Avec une gouvernance structurée, les choix sont pesés, mesurés, confrontés et partagés, afin que les décisions prises soient les bonnes, l’objectif ultime étant la pérennité de l'entreprise.
En ce qui concerne notre histoire, pour la première génération, les choses étaient relativement simples : les fondateurs de Niort Frères étaient des jumeaux, ils maîtrisaient leur outil de travail et prenaient les décisions ensemble. Lorsque j’ai pris la direction de la société en 2000, la situation était différente. J'étais minoritaire et je devais interagir avec des associés qui n'étaient pas dans l'entreprise et qui devaient être impliquées dans les décisions. Cela nécessitait un important travail pédagogique de ma part. J'ai rapidement acquis la conviction qu'il fallait construire un système de gouvernance structuré, et qu'il convenait de le faire tant que tout allait bien, car lorsque les choses vont mal, les gens s’écoutent plus et il devient impossible d’avancer collectivement.
La première étape a été de faire appel à des administrateurs indépendants car je voulais me confronter à des avis extérieurs, échanger et partager avec des spécialistes. L'arrivée de ces administrateurs, l'un expert en finance et l'autre en stratégie – des secteurs dans lesquels nous avions des lacunes - a eu l'effet d'une petite révolution culturelle. D'une entreprise très discrète qui ne disait rien, nous sommes passés à une entreprise qui commence à montrer ses comptes et à partager ses décisions.
Accompagné d’un tiers indépendant qui nous a permis de faire un état des lieux et qui nous a fait des propositions concrètes pour faire évoluer notre gouvernance familiale, nous avons décidé de créer une Charte familiale pilotée par Nicolas Leher, petit-fils de mon oncle et membre du directoire qui travaille à mes côtés comme responsable logistique. A travers cette charte, nous avons voulu réunir autour d'une table les cousins de la troisième génération, des personnes entre 20 et 40 ans qui n'avaient pas l'habitude de se parler. L'objectif : les faire travailler ensemble sur un texte qui définit ce que nous faisons, pourquoi nous sommes là, et qui exprime notre volonté de nous rassembler autour d'un projet commun, incarné par l'entreprise.
En parallèle, j'ai commencé à mettre en place des séminaires familiaux le temps d'un week-end : un mélange de réunions de travail, de réflexion sur l'entreprise et de moments de loisirs pour échanger en toute convivialité.
L'étape suivante consistait à établir un pacte d’actionnaires. Plus contraignant que la Charte, il fixe les règles du jeu de manière formelle et sert à valoriser l'entreprise et à définir, entre autres, les conditions à remplir si un actionnaire veut augmenter ses parts, les modalités de sortie, ainsi que les sanctions en cas de non-respect de ce pacte.
Créer et entretenir l'affectio societatis a également participé de manière importante à la construction de la gouvernance. J'ai initié cette démarche en 2016, au moment des 70 ans de l'entreprise, en invitant toute la famille et l’ensemble de nos collaborateurs au théâtre de Rouen pour assister à un spectacle retraçant l'histoire de l’entreprise. Une occasion de témoigner ma reconnaissance à mon père, alors âgé de 94 ans, et de fédérer les nouvelles générations autour du Groupe. En une soirée, elles ont pu découvrir toute son histoire d’une manière qui les a enthousiasmés.
Enfin, le conseil de Surveillance que nous avons structuré au fil des années joue un rôle fondamental. Aujourd'hui, nous tenons une réunion tous les trois mois, à laquelle participent obligatoirement un membre de la deuxième et un de la troisième génération de chaque famille. C'est dans ce cadre que j'ai commencé à travailler l'année dernière sur une vision à 5 ans, un plan stratégique que j'ai co-construit avec les membres du CoDir et qui a été validé par les actionnaires ; un exercice très utile qui renforce la mission du conseil.
Grâce aux administrateurs indépendants et à ce travail sur la gouvernance et la vision, nous avons pu nous lancer et investir dans de nouveaux domaines. À titre d'exemple, nous avons récemment repris une usine située à Pau, à 800 km de notre siège, alors que nous n'avons aucune expérience industrielle et qu'elle perdait de l'argent. Sans le soutien et l’éclairage des administrateurs, je ne me serais pas lancé dans un tel projet. Ils m'ont encouragé à ajouter une corde à notre arc et leurs conseils avisés et indépendants ont rassuré l'actionnaire qui ne travaille pas dans l'entreprise, et qui ne voyait pas l'intérêt de prendre de tels risques.
De plus, cela a permis aux actionnaires d'apprendre à vivre et à travailler ensemble, à se positionner et à exprimer clairement leurs besoins, ce qui n'était pas vraiment dans la culture de l'entreprise. Avant, chacun aurait gardé les choses pour lui jusqu'à ce que ça explose. Une gouvernance bien rodée nous amène à nous poser constamment les bonnes questions, ce qui est, par essence, très vertueux.