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L’évolution de l’épargne des Francais : un enjeu majeur pour la gestion actifs/passifs des banques

Article co-rédigé avec Nicolas Nguyen, Senior Risk Advisory

La très forte hausse des taux des 12 derniers mois est un phénomène inédit sur les dix dernières années. La rémunération du Livret A a par exemple augmenté de 250 bps depuis décembre 2021 et le taux d’intérêt à 10 ans a augmenté de près de 300 bps.

Question souvent discutée avec nos clients ces dernières années, la hausse surprend toutefois par son ampleur et sa rapidité. L’un des points majeurs est le niveau de stabilité des dépôts à vue et les arbitrages réalisés par les clients sur leur épargne compte tenu de cette évolution des taux d’intérêts.

En effet, les dépôts clientèles représentent environ un tiers du total bilan des 4 banques systémiques françaises. La hausse des taux constitue un changement de paradigme pour la composition des passifs bancaires, et donc la gestion de la liquidité et du risque de taux.

Nous avons analysé les encours et les tendances des dépôts bancaires en fonction du type de support pour les clientèles Sociétés Non-Financières (« SNF ») et la clientèle de particuliers. Nous vous proposons de partager quelques constats.

 

La clientèle des sociétés non financières arbitre rapidement les supports de placement par précaution ou pour le rendement

 

Les taux (quasi) nuls ou négatifs imposés par la BCE au cours de ces presque 10 dernières années ont conduit les banques à facturer un coût de dépôts à certaines SNF (en général celles qui disposaient d’un volant substantiel de dépôts).

Toutefois, l’incertitude causée par la période sans précédent du Covid et l’arrêt de l’activité mondiale ont amené les trésoriers des grandes entreprises à privilégier davantage la disponibilité plutôt que la rémunération de l’épargne dans leur gestion.

Selon les données de la Banque de France, entre mars 2020 et décembre 2020, les dépôts des entreprises auprès des banques ont augmenté de de 173 Md€.

Depuis 2022, la hausse des taux est suivie d’un changement notable du comportement des trésoriers des SNF françaises. Le rendement des comptes à terme devient de plus en plus attractif et conduit les entreprises à délaisser les dépôts à vue pour se tourner vers les comptes à terme.

Entre décembre 2021 et janvier 2023, bien que les dépôts (à vue et à terme) des entreprises ont peu évolué (-2 %€ à 800 Md€), il y a eu une réallocation des fonds vers les dépôts à terme qui ont crû de 68,7 Md€ au détriment des dépôts à vue qui ont diminué de 85 Md€ (soit une baisse de 12 %).

En effet, notamment entre août 2022 et janvier 2023, les rendements moyens des comptes à terme SNF court terme ont augmenté de +186bps et ceux à long terme de +108bps.

Les fonds monétaires qui redeviennent peu à peu une option profitable de gestion de la liquidité disponible ont également capté une partie de cette réallocation des dépôts à vue. Nous observons en effet une hausse de détention d’OPC monétaires, + 14,6Mds€ soit +32 % d’encours entre le quatrième et troisième trimestre 2022.

La clientèle des particuliers : une hausse de l’épargne des ménages 

 

Entre février et décembre 2020, les encours de dépôts et de livrets des ménages ont augmenté de 8,8 % dont une croissance de 15 % des dépôts à vue. Les mesures de soutien gouvernementales et les confinements successifs ont permis aux ménages d’épargner massivement.

Entre mars 2022 et mars 2023, les encours de dépôts et de livrets ont progressé de 3,6 % avec une dynamique sous-jacente très différente.

Les dépôts à vue se sont réduits de 3,35 % soit -21 Md€. L’analyse de l’évolution des flux mensuels de dépôts à vue sur les 10 dernières années montre le caractère atypique de la baisse observée ces dernières mois.

Selon les données de la Banque de France, l’assurance vie ne semble pas avoir tiré profit de cette réallocation des dépôts à vue. En revanche, l’encours de livrets à augmenter de 62 Md€ et celui des comptes à terme de 24 Md€.

De plus, l’Insee1 indique également que le taux d’épargne des ménages augmente fortement au quatrième trimestre 2022 pour atteindre à 17,8 %. Le baromètre de l’épargne de l’AMF2 indique notamment que « pour mettre de l’argent de côté, les livrets d’épargne sont préférés ainsi que les comptes courants ». Davantage que la hausse des taux, la prudence pour une année 2023 incertaine semble dicter ces choix d’épargne.

 

Conséquence pour la gestion actifs/passifs

 

Le portefeuille de dépôts de l’ensemble des banques devrait continuer à subir la transformation déjà amorcée avec une diminution des encours de dépôts à vue et un redéploiement vers les autres produits d’épargne qui avaient été délaissés pendant la période de rendements nuls ou négatif qui vient de s’achever.

En termes de gestion actif/passif cela soulève plusieurs questions cruciales :

  • Pour les ménages, assistons-nous à une réallocation des dépôts à vue vers d’autres produits de bilan (livret, dépôt à terme) seulement ou bien faut-il aussi prendre en compte à terme une réallocation vers des produits hors bilan (par exemple l’assurance vie) ?
  • Quel sera l’impact du plafonnement du livret A ?
  • Est-il nécessaire d’ajuster la part stable des dépôts à vue et des livrets A pour acter une plus forte volatilité des encours ?
  • Quel impact de l’ensemble de ces mouvements sur la marge nette d’intérêt notamment dans un contexte de ralentissement du crédit immobilier ?
  • Quel impact sur les ratios de liquidité (notamment sur le LCR) ?

 

1 Au quatrième trimestre 2022, le PIB ralentit (+0,1 %) tandis que le pouvoir d’achat du RDB des ménages par unité de consommation reste dynamique (+0,8 %) - Informations rapides - 51 | Insee

2 https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2022-12/AMF_Baromètre_épargne_2022_version publiable.pdf

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