Chez les 15-34 ans, qui représentent 23 % de la population française1, soit environ 16 millions de personnes, le smartphone prend une place de plus en plus importante. Non seulement 99 % des 18-34 ans déclarent posséder un téléphone mobile2, mais 63 % d’entre eux y consacrent plus de deux heures par jour, contre 31 % pour les plus de 34 ans3. Leurs usages ne se limitent pas aux appels, SMS et recherches sur internet, et sont de plus en plus ouverts sur le paiement :
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En effet, même si le paiement par carte bancaire reste le moyen de paiement le plus couramment utilisé en Europe/Amérique du Nord, la crise sanitaire de la Covid-19 a accéléré l’usage du smartphone. Plus facile d’utilisation, il permet d’accéder à tout un ensemble de fonctionnalités autour du paiement (cagnotte, épargne, crédits, service de shopping en ligne, etc.) sur un seul outil.
Ultra connectés, les 15-34 ans ont acquis de nouveaux réflexes de paiement, et se montrent donc de plus en plus exigeants vis-à-vis de leur banque. Ils souhaitent désormais une réactivité quasi-instantanée et des services personnalisés, tournés vers le paiement mais également au-delà. Les 15-34 ans sont favorables à ce que leur banque/assureur leur propose des services extra-financiers pour les accompagner dans les moments de vie suivants :
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La capacité à proposer une expérience client fluide et sans couture, sur un ensemble de moments de vie, représente donc un levier de croissance majeur pour les acteurs financiers.
En Asie, où le paiement mobile a supplanté le paiement en espèces, sans passer par le paiement par carte, le smartphone a rapidement pris une place prédominante dans les usages quotidiens. C’est pourquoi l’Asie est devenu en quelques année le continent précurseur en matière de « super app ». En Chine notamment, où le modèle est né, les consommateurs plébiscitent les entreprises capables de fournir une multitude de services tournés autour du paiement, depuis une unique interface. Lancée en 2011, WeChat est la « super app » la plus populaire en Chine, avec 1,24 milliards d’utilisateurs actifs mensuels en 2021.
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Elle démontre que le modèle de « super app » autour des usages de paiement n’est pas l’apanage des institutions financières. A l’origine une simple application de messagerie instantanée, Wechat a peu à peu développé son portefeuille de client en proposant d’autres services. Elle propose aujourd’hui à ses utilisateurs de réserver un billet de train ou un taxi, de faire leurs courses, de faire une consultation médicale, d’acheter un billet de cinéma et même de consulter leur compte en banque. La « super app » est devenue un incontournable pour ses utilisateurs, en les accompagnant dans chacun de leurs moments de vie. De nombreux acteurs asiatiques ont adopté ce modèle : des acteurs non financiers, comme Paytm6 en Inde, Gojek7 en Indonésie, Grab8 en Malaisie ou encore Alipay9 en Chine, ou bien des acteurs financiers.
Sur d’autres continents, les « super app » chinoises sont une source d’inspiration pour de nombreux acteurs, financiers ou non financiers, qui veulent accompagner leurs clients dans chacun de leurs moments de vie :
En Europe et Amérique du nord, la « super app » en est à ses débuts. L’ouverture des données bancaires, permise notamment en Europe par la DSP2, constitue la première étape vers un modèle d’open finance :
Ainsi, quelques acteurs ont commencé à proposer des services externes à leur solution initiale :
Les Français ayant plus confiance en leur banque ou assureur pour partager leurs données11, les acteurs financiers ont un avantage par rapport aux acteurs extra-financiers qui souhaitent s’imposer comme « super app » et devenir une plateforme lifestyle utilisée à chaque moment de vie. Mais pour se faire, deux prérequis : identifier des bons services pour répondre aux besoins des français et les intégrer via un parcours utilisateur sans couture.
Il convient d’identifier les bons services pour répondre aux besoins des Français en analysant les tendances et acteurs qui plaisent au(x) segment(s) visé(s). Une « super app » à destination des étudiants (18-25 ans) ne doit pas proposer les mêmes services qu’une « super app » pour les jeunes actifs (25-34 ans), dont les attentes et besoins diffèrent et qui n’utilisent pas les mêmes services. Au sein même d’une même génération, les besoins évoluent également dans le temps (passage du lycée aux études supérieurs puis au monde professionnel) : la réactivité face aux évolutions des besoins et dans l’évolution des services proposés est donc un prérequis à la mise en place d’une « super app ». Enfin, une « super app » peut également se spécialiser autour d’une communauté ou d’un centre d’intérêt spécifique (sport, voyage, culture, etc.), qui correspondent aux valeurs que l’acteur souhaite véhiculer et qui sont partagées et recherchés par sa communauté.
Une fois le service et le partenaire le proposant identifiés, il convient d’intégrer le service via un parcours utilisateur sans couture. Les utilisateurs d’applications mobiles sont de plus en plus exigeants face à l’ergonomie et l’expérience utilisateur. Pour garantir l’utilisation complète de la « super app » et assurer que les utilisateurs aillent au bout de chaque parcours, il est indispensable que ces derniers soient fluides et sans couture, surtout quand il s’agit de fonctionnalités tierces ou extra financières. Plusieurs types d'intégration ont été mis en place par des acteurs du marché :
Ce concept de conciergerie permet aux clients d’indiquer leur besoin à un assistant virtuel qui le renseigne et le redirige vers le service partenaire. Pour autant, l’utilisation d’un chatbot n’est pas suffisant pour créer une « super app », les jeunes souhaitant avoir davantage de liberté et accéder à des services plus simplement. Exemple d’acteurs : Aumax pour moi, Charlie by Generali
Dans ce cas de figure, un bouton de redirection vers l’application du partenaire qui fournit le service est proposé aux clients. Cela peut être un pari gagnant pour des services largement démocratisés (par exemple : débranchement vers Uber Eats ou Google Maps), mais crée une rupture de parcours si le client n’a pas téléchargé l’application au préalable. Exemple d’acteurs : N26, Revolut
Dans ce cas de figure, le téléchargement au préalable de l’application du partenaire n’est pas un prérequis puisque le bouton redirige vers la page web du partenaire. Cette solution peut être une option d’intégration sur les services peu démocratisés ou de niche. Exemple d’acteurs : Joko, Revolut, Lydia
Intégrer les services et applications des partenaires directement dans son application sous forme de « mini app » ou de « mini programme » permet de réellement mettre en place un parcours sans couture. Cela peut être notamment une option pour des services de niche aux parcours complexes. Il est également possible d’intégrer des services extra financiers développés par ses équipes directement dans la super app sous forme de « mini app » ou « mini programme ». Dans ce cas, une réflexion poussée sur le produit et le service est nécessaire en amont pour développer et livrer un produit fini sans couture. Exemple d’acteurs : Alipay, Wechat, Grab, Go-jek, Paylah! By DBS, Revolut
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Si la transition des acteurs financiers vers le modèle de la « super app » semble inéluctable, la monétisation et le développement du portefeuille client se fera dans un premier temps par le développement d’une verticale de service, plutôt que par le développement horizontal d’une « super app » généraliste, sur le modèle de WeChat. De plus, la question des modalités d’intégration des services tiers est clé pour la mise en place d’un modèle de « super app », et les API, qui permettent l’échange de données de manière sécurisée, doivent donc être au cœur de la réflexion. Les institutions en France et plus largement en Europe étudient d’ailleurs la mise en place d’APIs standardisées dans le cadre de leurs réflexions sur l’open finance.