La BCE a fait part de sa nouvelle approche pour fixer les exigences de capital au Pilier 2 (P2R). Cette publication fait partie d’un ensemble de mesures adoptées depuis un an pour faire évoluer en profondeur la démarche de Pilier 2, à la suite d’un rapport de 2023 publié par un groupe d’experts ayant évalué la démarche de SREP de la BCE. Sur ce sujet, le lecteur peut se référer à une précédente publication de Deloitte sur la réforme du SREP : les contours du nouveau SREP de la BCE, vers un processus centré sur les enjeux de la supervision.
La nouvelle méthodologie de P2R accorde davantage de place au jugement des superviseurs dans les différentes étapes du processus d’évaluation. Dans sa communication, la BCE souligne l’importance qu’elle accordera à la revue des propositions des superviseurs par sa seconde ligne de défense pour palier le risque d’incohérence dans le jugement appliqué aux différentes étapes : la détermination des scores SREP individuels pour chaque risque (étape 1), la détermination des exigences P2R par nature de risque (étape 2) et l’évaluation du niveau de risque global de chaque banque (étape 3). Cette étape 3 comprend l’exercice d’un jugement dit « holistique » par lequel les superviseurs peuvent considérer que le profil de risque de la banque « est plus complexe que la somme des parties individuelles ». La BCE suggère que de tels ajustements pourraient se justifier dans le cas de risques très évolutifs qui ne sont pas bien pris en compte par les approches historiques, reflétant notamment l’attention accrue face aux risques nouveaux, tels que les risques géopolitiques, les risques environnementaux et les risques liés à la digitalisation.
La principale question pour les banques est celle de savoir si la nouvelle méthodologie de la BCE va modifier le niveau de leur P2R, lequel a été relativement stable ces dernières années. Ce point n’est pas encore clair, bien que la BCE ait indiqué ne pas s’attendre à des variations soudaines du P2R au moment de l’entrée en application de la nouvelle méthode. Quoi qu’il en soit, il serait souhaitable que les banques aient une idée de l’impact possible suffisamment tôt afin de le prendre en compte dans leur capital planning, leur cadre d’appétit au risque et leurs stress tests.
Le choix de continuer à fonder les exigences P2R sur des scores SREP est également notable. La BCE aurait pu évoluer vers une approche où le P2R par nature de risque est déterminé en fonction de méthodologies prédéfinies, comme cela est le cas dans d’autres juridictions (par exemple le Royaume-Uni), les résultats du SREP ayant dans ce cas moins d’influence sur le P2R. Mais ce n’est pas l’option retenue par la BCE.
Par conséquent, les scores SREP étant susceptibles d’être davantage influencés par la capacité de la banque à corriger les faiblesses et insuffisances relevées par le superviseur, le lien sera plus marqué entre les exigences P2R et l’efficacité des programmes de remédiation des banques. D’autre part, la BCE a publié en décembre 2024 les critères actualisés pris en compte dans les scores SREP. Ces critères reprennent entre autres certaines thématiques sur lesquelles la BCE a récemment insisté, tout particulièrement :
Enfin, une autre question importante est celle de savoir comment la nouvelle méthodologie P2R sera articulée avec la volonté du superviseur d’imposer des astreintes financières, lorsque les faiblesses et insuffisances relevées par les superviseurs ne sont pas corrigées en temps voulu (par exemple, en matière d’agrégation des données et de reporting sur les risques). Pour les banques concernées, il y a un risque d’un double impact financier, l’impact indirect des scores SREP abaissés avec un effet à la hausse sur le P2R est susceptible de s’ajouter à l’effet direct des astreintes imposées par le superviseur.
Le niveau de maturité des ICAAP sont relativement hétérogènes au sein des banques : pour certaines banques, les différents composants et perspectives de l’ICAAP sont au centre de la gestion de leur capital, tandis que d’autres ont un ICAAP parfois incomplet ou répondant de manière tactique aux attentes du superviseur. Dans la nouvelle méthodologie de détermination du P2R, l’ICAAP jouera un rôle annexe mais il restera l’un des composants essentiels de la méthodologie de détermination des scores SREP. Il serait donc erroné de conclure de la nouvelle méthodologie P2R qu’un ICAAP de qualité moyenne sera suffisant pour éviter un effet sur le P2R.
Au contraire, les déclarations récentes des superviseurs marquent l’importance continue de l’ICAAP. En février 2025, la BCE a rappelé ses attentes concernant le contenu et la gouvernance de l’ICAAP. Les banques ayant des recommandations ouvertes portant sur leur ICAAP ou ses composants essentiels, tels que le capital planning, les stress tests ou le capital économique, continueront à focaliser l’attention de leurs superviseurs. Comme indiqué ci-dessus, ces faiblesses, si elles ne sont pas résorbées à temps, influeront sur les scores SREP qui, à leur tour, impacteront le P2R.
Au niveau de l’Union Européenne, l’une des publications prochaines attendues dans le courant 2025 sera la consultation de l’EBA concernant la mise à jour de son guide sur la méthodologie SREP (prévue au T3 2025), qui sera également importante pour les banques qui sont en dessous des seuils de supervision directe par la BCE.
Une autre question qui reste partiellement en suspens est celle de savoir comment le P2R sera ajusté pour compenser les effets de la réforme Bâle 3.1/CRR3. L’EBA a indiqué que, lorsque « l’output floor » est contraignant pour une banque, les autorités compétentes devraient réduire le P2R lorsque celui-ci est associé à des risques de modèles. Ce sujet n’a toutefois pas été abordé à ce stade dans les publications de la BCE.
La BCE va tester en interne sa nouvelle méthodologie P2R en 2025 et va ensuite la mettre en œuvre dans le cadre du SREP 2026. Les exigences de P2R basée sur la nouvelle méthodologie prendront donc effet à partir du 1er janvier 2027.