Covid, guerre en Ukraine, nouveaux besoins liés à la transition énergétique, etc. Les pressions géopolitiques et écologiques actuelles renforcent le risque de rupture d’approvisionnement et contribuent à l’augmentation du prix de nombreuses matières premières, comme les métaux1. Les cours du nickel, du palladium ou encore de l’aluminium ont ainsi atteint leur plus haut niveau historique2, tandis que le secteur aéronautique se détourne du titane russe, dont le pays est le premier producteur mondial3. A cela s’ajoutent les risques liés aux enjeux environnementaux (impact carbone...), sociaux (travail forcé...) et industriels (capacités minières et de transformation...)4.
Ces métaux sont cependant essentiels, voire critiques5 pour des industries comme l’automobile ou l’aéronautique et se trouvent au cœur de la transition énergétique6. Dans le même temps, le devoir de vigilance et de transparence vis-à-vis du consommateur se renforce et expose les entreprises à une pression croissante sur leur approvisionnement en matières premières.
Les méthodologies d’évaluation existantes ont été conçues pour les gouvernements afin de fonder leur politique industrielle7 et moins pour mesurer le risque d’une entreprise pour un couple matière première - chaîne d’approvisionnement donné.
Ces méthodes s’adaptent difficilement à des variations alors que les priorités des entreprises (climat, énergie, eau, droits humains, sécurité des travailleurs, etc.) peuvent changer considérablement.
Ces approches ne permettent pas d’établir l’impact des mesures mises en œuvre par l’entreprise.
Il convient donc de s’inspirer des méthodes existantes8, en les enrichissant, notamment dans la prise en compte des risques financiers et économiques liés aux approvisionnements de l’entreprise.
Il faut également évaluer l’exposition de l’entreprise et des mesures mises en œuvre pour atténuer ses risques et améliorer sa résilience.
1. Sélectionner les données d'analyse des risques matières premières
● Les bases de données peuvent provenir de sources publiques, privées ou des deux ;
● Les efforts déployés par l’entreprise en matière de traçabilité ou encore d’audits de ses chaînes d’approvisionnement pourront venir compléter ces bases au fur et à mesure, tandis que les résultats obtenus dans la démarche d’analyse des risques permettront d’orienter le projet de traçabilité en fonction des priorités identifiées.
Ces démarches de traçabilité et d’analyse des risques matières premières se nourrissent ainsi, par itération.
2. Evaluer les risques
● Il s’agit tout d’abord de déterminer « le risque brut », celui de la matière première fournie par une chaîne d’approvisionnement donnée ;
● « L’exposition de l’entreprise » permet de le pondérer : dépendance à la matière première, importance économique ou caractère stratégique de cette dernière, capacité de substitution, exposition médiatique, etc. ;
● Enfin, « le risque net » prend en compte les mesures d’atténuation mises en œuvre par l’entreprise : signature de contrats cadres, organisation d’audits, etc.
3. Prioriser les actions de remédiation sur les chaînes d'approvisionnement
● L’évaluation, qualitative ou quantitative, des gains et pertes potentiels liés à ces risques (voire même leur monétarisation) est clé dans la prise de décision ;
● Des « stress tests », c’est-à-dire la construction de scénarios, peuvent s’avérer nécessaires, pour anticiper l’évolution du risque (nouvelle composition d’un équipement, changement de fournisseur, dégradation ou amélioration de l’environnement politique ou d’indicateurs écologiques, etc.).
4. Piloter les risques via l'usage d'un outil de data visualisation
● La démarche implique le plus souvent le développement d’un moteur de calcul, basé sur des décisions propres à chaque entreprise : risques à retenir, échelles de risques, pondération, organisation des achats, etc. ;
● La data visualisation obligera l’entreprise à s’interroger sur ses besoins en matière de reporting afin de naviguer entre les niveaux macro (portefeuille de l’ensemble des matières premières), méso (matières premières présentes dans un produit donné) et micro (une matière première en particulier).
Nos retours d’expérience montrent que les entreprises s’étant engagées dans ce type de démarche ont considérablement amélioré leur connaissance des risques sur leurs chaînes d’approvisionnement. Ceci leur a permis de piloter et prioriser des actions à mettre en oeuvre pour un approvisionnement plus sécurisé et plus responsable.
Cette méthode9 a montré sa pertinence tant pour les métaux et minerais que sur d'autres matières premières (végétales notamment) pour des acteurs des secteurs du luxe, de l'automobile et de l'aéronautique.
Ses principes s’avéreront de plus en plus utiles à mesure que le monde bascule dans un nouvel ordre écologique, économique et géopolitique.