Ces dernières années ont été marquées par des événements forts. Nous retiendrons notamment la faillite d’une des plateformes majeures de crypto-actifs et la condamnation de son gérant pour fraude, et la sanction d’une autre plateforme pour manquement aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et au respect des sanctions internationales.
Ces affaires ont rappelé la nécessité de renforcer la régulation autour des crypto-actifs. L’Union européenne ouvre la voie et se donne comme ambition d’instaurer à partir de 2024 un cadre réglementaire harmonisé et cohérent avec une nouvelle réglementation : MiCA, s’inspirant de la règlementation française PACTE, et la révision de la règlementation TRF.
Dans ce contexte, nous vous présentons l’évolution du panorama règlementaire encadrant les acteurs sur crypto-actifs et les défis à venir.
En France, l’offre au public de jetons (Initial Coin Offering ou ICO en anglais) et les acteurs sur le marché des crypto-actifs sont assujettis à la loi PACTE1 depuis 2019. Cette réglementation a notamment introduit un nouveau statut : celui de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN) qui qualifient les personnes fournissant des prestations de service énumérées à l’article L54-10-2 du Code Monétaire et Financier. La fourniture de certains services sur crypto-actifs est soumise à un enregistrement² préalable auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Depuis le 1er janvier 2024, les conditions d’enregistrement ont été renforcées en application de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (loi « DDADUE » publiée au Journal officiel le vendredi 10 mars 2023).
En complément de l’enregistrement, un PSAN peut choisir d’obtenir un agrément optionnel de l’AMF.
L’entrée en vigueur de MiCA et du TFR dans sa version révisée, vise à remédier à la fragmentation du cadre réglementaire européen selon une approche harmonisée et globale. Le nouveau dispositif réglementaire viendra remplacer les cadres nationaux des pays européens, dont le régime PACTE en France. Il s’inscrit par ailleurs dans une démarche de développement du marché en permettant aux acteurs d’étendre leurs services dans toute l’Union européenne, tout en assurant la protection des investisseurs et la préservation de l’intégrité des marchés.
La règlementation sur les marchés de crypto-actifs dite MiCA (Markets in Crypto Assets) est entrée en vigueur en juin 20233 et sera applicable en deux temps :
MiCA a pour vocation de remplacer définitivement la loi PACTE à partir du 30 juin 2026.
Sont assujetties l’ensemble des personnes exerçant au sein de l’Union européenne des activités d’émission, d’offre au public et d’admission à la négociation de crypto-actifs ou fournissant des services sur crypto-actifs définis au §16 de l’article 3 de MiCA. Il s’agit des établissements de crédit ou de monnaie électronique, ou des prestataires de crypto-actifs agréés à cet effet.
MiCA définit un crypto-actif comme étant une représentation numérique d’une valeur ou d’un droit pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie de registres distribués comme la blockchain.
3 typologies sont identifiées :
Les Non Fungible Token (NFT) sont exclus du champ d’application de MiCA. La Commission européenne suit une démarche d’observation pour déterminer l’opportunité de développer un régime spécifique aux NFT dans d’autres textes ou potentiellement dans un MiCA 2.
MiCA prévoit l’instauration du nouveau statut de Prestataire de Services sur Crypto-Actifs – PSCA (Crypto-Asset Service Provider ou CASP en anglais). A l’image du régime des PSAN en France, ce nouveau statut permet de mettre en place un mécanisme cohérent d’agrémentation et de surveillance des prestataires sur crypto-actifs au sein de l’Union européenne. Ainsi, la fourniture des prestations de service énumérées au §2 de l’article 62 de MiCA est conditionnée par l’obtention d’un agrément PSCA obligatoire de la part de l’autorité compétente, en France il s’agit de l’AMF.
Le statut de PSCA autorise les prestataires d’offrir leurs services au sein de l’Union européenne en contrepartie d’obligations règlementaires.
(articles 62, 66 à 72)
Définir des codes de conduite afin d'agir de manière honnête, loyale et professionnelle, au mieux des intérêts des clients, comprenant la communication d'informations claires et transparentes
Attester de l'honorabilité, des connaissances et des compétences des dirigeants
Disposer d'une gouvernance, de processus opérationnels et de contrôle interne efficaces (comprenant un dispositif LCB-FT, un plan de continuité d'activité, un dispositif d'externalisation et un système informatique résilients et sécurisés)
Satisfaire les exigences prudentielles avec un minimum de fonds propres ou une assurance professionnelle
Protéger les fonds des clients et ségréguer leurs crypto-actifs
Mettre en place un dispositif de gestion des réclamations des clients
Mettre en place un dispositif de gestion des prévention des conflits d'intérêts et des abus de marché
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Afin d’assurer la continuité d’activité des prestataires sur crypto-actifs en France, ces derniers devront déposer leur dossier de demande d’agrément PSCA auprès de l’AMF à compter du 30 décembre 2024 et en prenant en compte le champ d’application d’élargi. Plusieurs dispositions ont été définies afin de permettre une transition progressive.
La règlementation sur les informations accompagnant les transferts de fonds, dite TFR (Transfer of Funds Regulation) est entrée en vigueur en 2015 et a été amendée en juillet 202110 afin de couvrir les transferts sur crypto-actifs sous l’impulsion des Recommandations du GAFI11. La nouvelle version est entrée en vigueur en juin 2023 et sera applicable à partir du 30 décembre 2024.
Sont assujettis les PSAN ayant leur siège social implémenté dans un Etat membre de l’Union européenne.
Le TFR oblige aux assujettis à transférer un ensemble d’informations pour chaque transfert de crypto-actifs exécuté. L’objectif étant de détecter et bloquer les flux suspects.
(§1, §2 et §5 de l'art. 14 ; §1 et §2 de l'art. 16 ; Art. 17 et art. 22)
Transfert d'informations relatives à l'identité et au compte de l'initiateur et du bénéficiaire pour toutes opérations sur crypto-actif depuis ou vers un PSCA. Cet échange est obligatoire quel que soit la valeur de l'opération
Vérification par le PSCA de l'identité du propriétaire ou bénéficiaire d'un porte feuille auto-hébergé12 pour toutes opérations sur crypto-actif dont la valeur est strictement supérieure à 1 000€
Contrôle de l'exhaustivité et de l'exactitude des informations d'identification et mise à oeuvre de mesure d'atténuation du risque en cas de non-conformité, pouvant résulter en une déclaration auprès de la cellule de renseignement financier (Tracfin en France)
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(§6 et §8 de l'art. 14 et §3 de l'art. 16)
Identification et vérification de l'identité des clients sur la base de documents, de données ou de renseignement obtenus auprès d'une source fiable et indépendante, avant l'éxécution de transfert ou la mise à disposition des crypto-actifs
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A partir du 30 décembre 2024, sans période transitoire, les prestataires sur crypto-actifs exerçant en France devront assurer leur mise en conformité en :
Nous nous attendons à un bouleversement majeur de l’environnement réglementaire européen avec MiCA et TFR à partir de 2025. En France, bien que les PSAN disposent d’une longueur d’avance en termes de conditions d’exercice grâce à la règlementation PACTE, l’anticipation reste clé : comme rappelé au Forum Fintech ACPR AMF du 16 octobre 2023 et par l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF)13, sans plus attendre les prestataires sur crypto-actifs doivent se doter de moyens pour se mettre en conformité avec les exigences accrues, et ouvrir le dialogue avec les autorités compétentes et avec les clients.
Dans les prochaines semaines, nous vous proposons un focus sur les enjeux règlementaires relatifs aux crypto-actifs dans une série d’articles autour de la LCB-FT, de la protection des investisseurs, et plus encore…
Alors, serez-vous prêts ?