L’atteinte de ces objectifs nécessite de coordonner dans un délai assez court plusieurs facteurs : énergie, camions à maturité technologique, infrastructures de recharge, le tout dans le cadre d’équilibres économiques crédibles. Or, le transport longue distance (représentant ~40% du trafic dans l’UE) semble à première vue peu compatible avec les capabilités techniques véhicules électriques : ceux dotés de batteries sont limités par leur autonomie (~200km), les temps de recharge (~8h) et leur charge utile, les systèmes à caténaires ou induction nécessitent quant à eux le déploiement d’infrastructures lourdes avant de pouvoir y faire rouler un premier camion.
Toutefois, une première solution mettant en œuvre des véhicules à hydrogène équipés de piles à combustible (FCEV) pourrait permettre d’engager cette nécessaire transformation. En effet, des camions (e.g., Hyundai Xcient) aux performances compatibles avec les contraintes d’exploitation (autonomie > 400km, temps de recharge d’environ 15 minutes) sont aujourd’hui commercialisés. De plus, les capacités de production d’hydrogène existent aujourd’hui à proximité des principaux axes routiers (TEN-T) et hubs logistiques européens (notamment en France, Allemagne, Benelux et Italie, pesant pour 40% du trafic longue distance européen), permettant un approvisionnement en hydrogène à des conditions de coûts compétitives.
Ce dispositif permettrait d’amorcer une transition et de favoriser les effets d’échelle nécessaires à l’atteinte d’un équilibre économique (piles à combustible, pièces pour camions, infrastructures de distribution, stations de recharge…), tout en réduisant les émissions de GES l’ordre de 20 à 25% sur le parc concerné.
Une pénétration de 10% sur le fret longue distance dans 6 pays européens (France, Benelux, Allemagne, Italie) implique la mise en œuvre de 20.000 camions à hydrogène, 600 stations de recharge positionnées aux principaux hubs logistiques, et une capacité de production et de distribution d’hydrogène dédiée d’environ 280kt. Cette infrastructure de production et de distribution nécessitera des investissements significatifs de l’ordre de 5 à 6 milliards d'euros.
A moyen terme, la stratégie à adopter dans les différents pays européens dépendra essentiellement des mix énergétiques locaux. L’adjonction de systèmes de capture du CO2 (CCS, permettant de produire de « l’hydrogène bleu ») permettra à horizon 2025-2030 de réduire drastiquement les émissions de procédés SMR (85 à 90%), mais ne résoudra pas l’aspect non renouvelable de l’hydrogène produit à partir de méthane. Les procédés d’électrolyse (Alkaline, PEM, …) devraient voir quant à eux leurs coûts rejoindre ceux du SMR à horizon 2025-2030 (~ 2€ / kg), mais ils ne produiront de « l’hydrogène vert » que s’ils sont couplés à des renouvelables.
Glossaire
GES : Gaz à Effet de Serre
CCS : Carbone Capture and Storage
FCEV : Fuel Cell Electric Vehicle
PEM : Proton Electron Membrane
SMR : Steam Methane Reforming