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DPE : une nouvelle dimension dans la valorisation immobilière pour les établissements bancaires

Décryptage de l’influence énergétique sur les prix de l’immobilier dans les villes de Paris, Marseille, Montpellier et Toulouse

L’évolution du cadre règlementaire et la dépendance du risque des portefeuilles hypothécaires aux valorisations immobilières imposent aux établissements bancaires de disposer d’une vision plus fine des actifs immobiliers financés et collatéralisés. L’émergence de nouveaux comportements de la part des emprunteurs, l’intégration de contraintes légales sur le DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) sur les biens destinés à la location et la prise en compte des enjeux de transition énergétiques dans la gestion des activités bancaires et de leurs risques pose la question de la qualité des modèles de valorisation utilisés dans les banques et plus spécifiquement de leur segmentation.

Cette étude vise à mettre en évidence la nécessité d’utiliser certaines caractéristiques complémentaires des actifs immobiliers, y compris leur DPE, et d’identifier dans quelle mesure, certaines dimensions sont génériques ou spécifiques à la localisation des biens.


Le DPE, jadis un simple document informatif, est devenu un outil pleinement opposable depuis le 1er juillet 2021. Désormais, tout propriétaire est tenu d'effectuer le DPE de son logement lors de sa mise en vente ou en location. Cette obligation a pour objectif d'informer les acquéreurs ou locataires potentiels sur la « valeur verte » du bien immobilier, sa consommation d'énergie, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre générées par le logement.

Ces informations permettent aux futurs propriétaires ou locataires de prendre des décisions éclairées et de comparer la performance énergétique de différents bâtiments avant de faire leur choix.

La question qui se pose alors est de savoir si la transformation du DPE en un outil opposable peut avoir des impacts sur la valeur des biens immobiliers. La réponse a un intérêt particulier pour les établissements bancaires en termes d'évaluation des garanties d’une part et d’autre part de tarification à l'octroi de prêts immobiliers.

Pour répondre à cette question, Deloitte en partenariat avec Homiwoo, ont réalisé une étude statistique pour analyser l'influence réelle des DPE sur la valeur des biens immobiliers dans 4 grandes villes et métropole françaises (Paris, Marseille, Montpellier et Toulouse).

 

Homiwoo est une plateforme d’estimation et d’analyse des marchés immobiliers résidentiels. Basé sur l’intelligence artificielle, Homiwoo construit des indicateurs classiques et avancés pour l'immobilier ancien, neuf et locatif. Nous accompagnons les investisseurs immobilier et établissements bancaires dans leur prise de décision en leur fournissant une profondeur d'analyse.

Données et périmètre de l'étude


L’étude s’appuie sur les données de commercialisation de logements résidentiels, couvrant l’ensemble du territoire français et les périodes d’avril 2021 à avril 2023. Elles comportent 2,5 millions de mises en vente décrites suivant 53 variables représentant à la fois des caractéristiques des mises en vente (prix, date de mise en commercialisation, date de commercialisation, etc.), mais également des informations sur les logements (prix, surface, type de propriété, nombre de pièces, etc.).

Comme le montrent les graphiques ci-dessous, la majorité des mises en commercialisation contenues dans les données initiales concernent les ventes (73 %), avec une prédominance des appartements (59 %) parmi les types de propriété.

Préalablement à toute analyse des données, une première étape a été consacrée à la mise en qualité de celles-ci, englobant notamment le traitement des valeurs extrêmes et des valeurs manquantes. Pour les besoins de l’étude, l’échantillon a été restreint aux ventes d'appartements des villes de Paris, Marseille, Montpellier et Toulouse sur la période considérée, soit environ 120 000 mises en vente.

 

Segmentation


La segmentation constitue une étape cruciale de cette étude. L'objectif principal de cette segmentation est de créer des ensembles de biens partageant des caractéristiques communes (autres que celles mesurées par le DPE), à l’intérieur des classes et divergentes entre classes. Ainsi, des groupes homogènes de biens sont formés, ce qui permet d'obtenir des résultats plus précis et de formuler des recommandations plus ciblées, en tenant compte des spécificités de chaque segment de marché.

Comme le montrent les graphiques ci-dessous, la majorité des mises en commercialisation contenues dans les données initiales concernent les ventes (73 %), avec une prédominance des appartements (59 %) parmi les types de propriété.

La méthode de segmentation employée dans cette étude s'inspire d'une technique de segmentation élaborée par l'INSEE¹ dans le but de calculer des indices de prix.

Le processus s'articule autour de deux grandes étapes. La première étape consiste à segmenter les biens selon leur prix/m² en utilisant les quartiles (25 %, 50 % et 75 %) spécifiques à chacune des villes étudiées. Le quartile à 50 % n’a pas été retenu car il présente des valeurs très proches de celles du percentile à 75 % dans chaque ville. C’est donc ce dernier quartile qui a été retenu.Lors de la première étape de segmentation, trois classes de prix/m² sont obtenues dans chaque ville :

  • La classe 1 englobe l'intervalle [P0 %, P25 %] : classe des prix/m² les plus faibles ;
  • La classe 2 concerne l’intervalle ]P25 %, P75 %] : classe des prix/m² moyennement élevés ;
  • La classe 3 couvre l’intervalle ]P75 %, P100 %] : classe des prix/m² les plus élevés.

Le tableau ci-dessous présente, pour chaque ville, les intervalles de prix/m² (en euros) obtenus pour chaque classe :

Le tableau met également en évidence la disparité de prix entre les villes, en particulier au niveau de Paris, qui se démarque des autres villes avec des prix/m² nettement plus élevés, soulignant ainsi l'importance d'étudier ses zones de manière distincte.

Une seconde phase de segmentation a été mise en œuvre avec l’objectif de définir des sous-classes homogènes au sein de chaque classe de prix/m², en tenant compte d'autres caractéristiques des biens à l'exception du DPE, telles que la surface habitable, le nombre de pièces, la présence d'un ascenseur, d'une cave, d'un garage, d'un balcon, etc. Cette segmentation au sein de chaque classe de prix/m² est réalisée à l'aide d’une classification ascendante hiérarchique² (CAH), en intégrant les caractéristiques des appartements mentionnées précédemment.

La seconde étape de segmentation aboutit à un total de 34 sous-classes, constituant les segments sur lesquels sont menées les études de l'impact du DPE. Ces résultats sont présentés en annexe avec les principales caractéristiques dominantes de chaque sous-classe.

Analyses descriptives

 

Trois types d'analyses descriptives ont été réalisées pour ressortir les éventuelles relations entre le DPE et le prix/m² :

  • L’analyse des décotes de prix par segment de bien (et par arrondissement pour Paris et Marseille), ainsi que par classe de DPE ;
  • L’analyse des liens entre DPE, prix/m² et ancienneté des biens ;
  • L'analyse de l’écart moyen des prix/m², pour chaque segment.

L'interprétation des résultats de ces trois analyses permet de constater clairement l'influence positive du DPE sur le prix/m² des appartements à Marseille, Toulouse et Montpellier. En effet, les prix/m² médians des appartements notés A ou B se révèlent supérieurs à ceux des appartements notés de C à G.

Cependant, à Paris, cette relation ne semble pas être établie de manière uniforme. L'analyse met en évidence une dynamique plus complexe entre les évaluations de performance énergétique et les prix/m². Les raisons sous-jacentes à cette divergence pourraient être attribuées à des spécificités locales telles que : la forte demande à Paris, la rareté de l'offre, les caractéristiques des biens (architecture, localisation, etc.).

Pour mieux illustrer l'impact des DPE sur le prix/m², l'écart de prix entre les appartements notés A/B et C/D/E, ainsi que celui entre les appartements notés A/B et F/G, a été calculé pour Paris. De plus, l'écart de prix entre les appartements notés A/B et ceux notés C/D/E/F/G a été évalué pour les villes de Marseille, Montpellier et Toulouse :

Ces écarts sont représentés sur les graphiques ci-dessous :

Ces deux graphiques montrent que sur la relation entre DPE et valeur des biens n’est pas établie. En effet, pour de nombreuses classes les prix au mètre carré des « mauvais » DPE sont supérieurs à ceux des bons « DPE ».

À l'exception de la classe 1_3, à Marseille, les appartements notés A/B affichent un prix/m² supérieur à celui des appartements notés C/D/E/F/G.

Le prix/m² des appartements notés A/B est supérieur à celui des appartements notés C/D/E/F/G dans l’ensemble des segments à Montpellier. Les écarts de prix sont moins élevés dans les classes 3_2 et 2_4, qui sont généralement composées d’appartements situés dans des immeubles sans ascenseurs.

Le prix/m² des appartements notés A/B est supérieur à celui des appartements notés C/D/E/F/G dans la majorité des classes à Toulouse.

 

Modélisation statistique


La modélisation statistique visait à vérifier le caractère significatif des constats effectués lors des différentes analyses. Par exemple, les analyses ont révélé qu'une décote du prix/m² en fonction du DPE est observée dans les villes de Marseille, Montpellier et Toulouse pour les appartements notés C/D/E/F/G. La modélisation permettra de vérifier si cette décote est statistiquement significative ou négligeable.

L’approche utilisée s’inspire de la méthode de prix hédonique qui part du principe simple que le prix d’un bien ou d’un service dépend de ses caractéristiques. L'objectif ici est de vérifier si le DPE explique de manière significative le fait que le prix/m² d'un appartement soit inférieur ou supérieur au prix/m² moyen des autres biens qui lui sont similaires (même segment).

Tout comme les analyses précédentes, la modélisation met en évidence l'absence de corrélation entre le prix/m² et le DPE au niveau de Paris. En revanche, dans les autres villes, les coefficients estimés révèlent de manière cohérente que les appartements moins bien notés sur le plan énergétique présentent des prix/m² en diminution, tandis que les appartements bien notés affichent des prix/m² en hausse. Toutefois, cet impact du DPE sur le prix/m² n’est pas statistiquement significatif dans la plupart des cas, ce qui suggère que les différences de prix causées par le DPE sont relativement faibles.

 

Analyse du lien entre DPE et durée de vie de mise en vente


En dehors de l'impact du DPE sur le prix/m², une analyse supplémentaire a été réalisée afin de vérifier si le DPE exerce une influence sur la durée de réalisation de la vente d'un appartement dans les différentes villes étudiées. L'hypothèse à vérifier ici est celle de savoir si les appartements bénéficiant des meilleures notes de DPE (A ou B) se vendent plus rapidement (i.e ont une durée de mise en vente plus courte) que les autres appartements, ce qui pourrait impacter la compréhension du phénomène de décote.

L'analyse est réalisée en représentant la durée de vie moyenne des mises en vente par trimestre et par DPE, comme illustré dans les courbes suivantes :

 

Sur les graphiques précédents, la relation attendue entre le DPE et la durée de vie d'une mise en vente n'est pas vérifiée. En effet, si cette relation était avérée, les courbes de durée de vie moyenne par trimestre des mises en vente des appartements notés A et B devraient se situer en dessous des autres courbes, ce qui n'est pas observé dans les quatre villes étudiées.


Pour conclure


À Paris, une métropole à la fois dense et dynamique sur le plan immobilier, l'analyse a révélé une difficulté à établir une relation tangible entre le DPE et le prix/m². Cette observation peut s'expliquer par divers facteurs. Le principal concerne la faible proportion d'appartements notés A et B au DPE parmi l’ensemble des appartements due à la prédominance de biens anciens à Paris. Ces notations, synonymes de performances énergétiques élevées, sont rares, ce qui limite leur impact sur les prix. Enfin, la forte demande pour les biens immobiliers parisiens, en dépit de leur classification DPE, peut influencer les prix de manière plus significative que les performances énergétiques.

Dans les villes étudiées (Marseille, Montpellier et Toulouse), des tendances différentes émergent. Dans ces régions, nous observons une décote du prix/m² lorsque les notations DPE des appartements sont moins favorables, bien que cette décote ne soit pas systématiquement statistiquement significative dans certains cas. Cette observation peut être attribuée à plusieurs facteurs. D'une part, la proportion plus importante de notations DPE A et B dans ces villes confère une plus grande importance aux performances énergétiques dans la détermination des prix. D'autre part, les caractéristiques du marché immobilier de ces villes, avec une offre potentiellement moins tendue que Paris, peuvent permettre aux acheteurs d'être plus sélectifs et de prendre en compte les critères énergétiques.

Ces résultats revêtent une grande importance pour les banques, en particulier lors des processus d'octroi de prêts immobiliers. En intégrant l'impact du DPE dans leurs décisions de prêt, les banques peuvent mieux évaluer les risques associés à chaque propriété, ce qui peut contribuer à des décisions de prêt plus éclairées et à une gestion plus efficace des risques. De plus, en tenant compte de l'impact du DPE dans leur modèle de provisionnement, les banques peuvent mieux anticiper et gérer les éventuels risques financiers liés à des propriétés moins éco-énergétiques. Cela leur permettra non seulement d'améliorer leur responsabilité sociale en favorisant des pratiques plus durables, mais aussi d'optimiser leur rentabilité à long terme en réduisant les pertes potentielles liées à des prêts à haut risque.

L'étude présente indéniablement certaines limites. Tout d'abord, le champ d'investigation géographique demeure restreint, se concentrant exclusivement sur quatre villes. L’analyse s'est spécifiquement réalisée sur les appartements, excluant ainsi les maisons.

Enfin, l'utilisation de données de commercialisation d’un logement, bien que riche en informations, pourrait être complétée avantageusement par une analyse basée sur des données de transactions immobilières. En effet les données de commercialisation traduisent le point de vue du vendeur sachant que les données transactionnelles permettraient donc d'avoir une vision qui tienne compte également de la perception des acheteurs et de l'équilibre entre les deux offrant ainsi une perspective plus concrète et précise pour l'analyse. C’est ce qui a été approché avec l'analyse sur les durées de vente.

Sources :

¹ Annexe 1 à 10 : Les indices notaires-Insee de prix des logements anciens | Insee
² La méthode de CAH vise à regrouper les individus en fonction d'un critère de similitude prédéfini, représenté par une matrice de distances qui évalue la distance entre chaque paire d'individus. Deux observations identiques auront une distance nulle, tandis que des observations différentes auront une distance plus importante. La CAH procède ensuite de manière itérative pour former un dendrogramme, ou arbre de classification. Cette classification est ascendante car elle commence par les observations individuelles, et hiérarchique car elle génère des groupes de plus en plus larges, englobant des sous-groupes. En choisissant une hauteur spécifique pour couper l'arbre, on obtient la partition souhaitée

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