3 000 milliards de dollars1 : c’est la valorisation totale du marché mondial des crypto-monnaies au moment de la rédaction de cet article. Face à cette profonde transformation de l’industrie financière initiée il y a plusieurs années, la Commission européenne a proposé fin 2022 un ensemble de règles relatives à la déclaration des opérations impliquant des crypto-actifs, estimant entre 1 et 2,4 milliards d’euros par an de recettes fiscales supplémentaires2.
Adoptée par les Etats membres au sein du Conseil de l’Union européenne (UE) le 17 octobre 2023, la directive de coopération administrative dite « DAC 8 » a pour objectif de transposer en Union européenne les règles du cadre international de transparence fiscale « Crypto-Asset Reporting Framework » (CARF) de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), adopté un an auparavant.
Concrètement, cette directive vise à imposer aux assujettis la déclaration à l’autorité fiscale compétente, dès 2027, des informations relatives à leurs utilisateurs européens de crypto-actifs. La directive étend également l’échange automatique d’informations entre Etats membres de l’UE au secteur des crypto-actifs, notamment dans le but que les administrations fiscales de l’UE soient informées des transactions réalisées en crypto-actifs par leurs résidents fiscaux et les montants impliqués, afin de les comparer in fine aux déclarations fiscales de ces utilisateurs.
La directive DAC 8 soumet deux typologies d’acteurs aux obligations de diligence raisonnable et de déclaration :
Il convient de rappeler que l’objectif sous-jacent de DAC 8 est d’élargir la portée de l’échange automatique d’informations (EAI) aux données concernant les transactions impliquant des crypto-actifs et de la monnaie électronique, dotant l’autorité fiscale d’une capacité à comparer les revenus déclarés par l’utilisateur avec les informations reçues d’une autre autorité fiscale.
Dans un premier temps, les assujettis devront collecter et vérifier les informations déclarables, conformément aux procédures de diligence raisonnable. A ce titre, ils devront identifier précisément tous les utilisateurs de crypto-actifs, qu’ils soient personnes physiques ou morales ainsi que les personnes détenant le contrôle le cas échéant.
Une fois identifiées, les assujettis devront reporter les informations déclarables à l'autorité fiscale compétente concernée : il s’agira de l’Etat membre auprès duquel le prestataire de services sur crypto-actif est agréé ou de celui auprès duquel l’opérateur de services sur crypto-actif est enregistré.
A titre illustratif, un PSCA établi en France, et agréé auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), devra déclarer auprès de l’autorité fiscale française l’ensemble des utilisateurs résidents fiscaux d’un Etat membre de l’Union européenne faisant des transactions en crypto-actifs. Via l’échange automatique d’informations (EAI), l’autorité fiscale française informera l’autorité fiscale de l’Etat membre dont l’utilisateur est résident.
DAC 8 impose aux assujettis de collecter et de déclarer les informations requises au plus tard le 31 janvier de chaque année, pour les opérations effectuées sur l’année civile précédente.
Ces dispositions prennent effet à partir du 1er janvier 2026, laissant aux Etats membres jusqu’au 31 décembre 2025 au plus tard pour adopter et publier les dispositions législatives, règlementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive.
La première déclaration sera donc à transmettre aux autorités fiscales compétentes pour le 31 janvier 2027.
Le périmètre des crypto-actifs déclarables exclut des exigences de déclaration trois catégories de crypto-actifs présentant des risques limités d’évasion et de fraude fiscale :
Le périmètre des crypto-actifs déclarables est donc assez large et s’appuie sur les définitions figurant dans le règlement MiCA. Les crypto-actifs qui ont été émis de manière décentralisée, ainsi que les stablecoins, y compris les jetons de monnaie électronique (e-money token) et certains jetons non fongibles3 (NFT), sont également inclus dans le champ d’application de DAC 8.
Les crypto-actifs pouvant être utilisés à des fins de paiement ou d'investissement doivent également être déclarés. Pour les assujettis, cela implique dès lors d’examiner au cas par cas si les crypto-actifs entrent ou non dans le champ des obligations déclaratives.
Trois types d’opérations doivent être déclarées :
Les informations à déclarer à l’autorité fiscale compétente sont relatives à l’identification du déclarant (i.e. le prestataire de services sur crypto-actifs), des utilisateurs, ainsi que chaque crypto-actif à l’égard duquel le déclarant a effectué des opérations déclarables au cours de l’année civile de référence (N-1).
Pour chaque type de crypto-actif déclarable, la déclaration doit recenser un certain nombre d’informations précises, parmi lesquelles : le nom complet du type de crypto-actif, sa valeur et le nombre de transactions effectuées sur l’année.
De plus, conformément au Règlement général sur la protection des données (RGPD), DAC 8 imposera au fournisseur de services sur crypto-actifs déclarant d’informer chaque client individuel que les données qu’il fournit seront utilisées à des fins de déclaration.
Les utilisateurs personnes physiques d’actifs numériques étaient d’ores et déjà tenus de plusieurs obligations déclaratives sous l’égide de la législation française, via :
L’utilisateur personne physique ne procédant pas aux obligations déclaratives décrites ci-dessus s’expose donc à différentes sanctions (i.e. amendes).
Comme annoncée par Bercy, l’entrée en vigueur prochaine de ce dispositif démontre bien le renforcement des prérogatives de contrôle de la part de l’administration fiscale française et la volonté d’uniformisation des flux d’information entre les Etats membres de l’Union européenne.
En pratique, les Etats membres auront connaissance des activités sur actifs numériques réalisées par chaque utilisateur personne physique, permettant ainsi à leurs services fiscaux de pallier les oublis déclaratifs et de procéder aux redressements des contribuables sur cette base.
En outre, il convient également de souligner que le champ déclaratif des actifs numériques apparaît élargi. Si jusqu’à présent, seules les cessions à titre onéreux sur actifs numériques devaient être déclarées par les utilisateurs personnes physiques ; le dispositif introduit par DAC 8 prévoit que les prestataires de service sur cryptoactifs devront également déclarer, par exemple, les échanges entre un ou plusieurs types de cryptoactifs déclarables (opération non taxable au regard de la législation française).
Afin de répondre à ces nouvelles obligations, voici quelques éléments auxquels il faudra penser !
1. L’analyse d’impact
Bien que DAC 8 n’entre en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2026, les fournisseurs de services sur crypto-actifs peuvent d’ores et déjà anticiper sa mise en œuvre et effectuer une analyse d’impact afin de :
2. Le développement d’une solution de déclaration
L’objectif pour les assujettis sera de capitaliser sur les outils existants pour la production des déclarations. Il s’agira notamment de :
3. La conduite du changement
Les assujettis devront également veiller à la déclinaison opérationnelle au sein de leur organisation, notamment sur les aspects suivants :
Et vous, êtes-vous prêts pour ce nouveau chapitre de conformité fiscale ?
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