Deloitte a récemment interrogé un entrepreneur ayant rejoint l’entreprise familiale dans l’univers de l’électroménager où il a occupé le poste de directeur général. Nous l’avons questionné sur la mise en place du Family Office, un projet qu'il partage avec nous dans cette interview.
La priorité absolue du Groupe a toujours été de permettre le développement et le financement de nos sociétés opérationnelles. Depuis 2010, les ressources financières nécessaires à ce développement ont été sécurisées et nous avons décidé d'allouer la trésorerie disponible du Groupe de manière plus stratégique, en créant un Family Office et en investissant dans des actions cotées et non cotées. Jusqu'alors, nous avions privilégié la simplicité, avec des placements assez basiques qui offraient de faibles rendements. La mise en place du Family Office nous a permis de passer d'une structure très concentrée à une structure plus diversifiée, délivrant des performances plus en ligne avec nos objectifs. Le Family Office est un exercice partagé, nous participons tous les quatre aux décisions d'investissement. Mon frère et moi avons également des rôles opérationnels. Je suis davantage en première ligne lorsqu'il s'agit d'identifier et d'évaluer les opportunités pour les fonds qui se présentent à nous, donc sur les aspects financiers, tandis que mon frère s'occupe davantage de la partie juridique et fiscale, même si ces domaines sont étroitement liés. Nous sommes très complémentaires et nous nous consultons régulièrement en partageant nos compétences, sans territoires réservés.
Le Family Office représentait pour nous une nouvelle dimension d'engagement et d'investissement et il nous a fallu acquérir une certaine expertise. Nous nous sommes appuyés sur des spécialistes multi-family office qui nous ont soutenus dans la structuration et le déploiement de notre stratégie financière, notamment à travers un focus sur les fondamentaux du private equity. Ils nous ont également aidés à développer des outils de reporting de gestion financière pour chacun de nos fonds.
Dans un premier temps, nous avons déterminé les différents paramètres définissant les types de fonds, les zones géographiques et les enveloppes annuelles, puis nous avons affiné ces critères : pas de paradis fiscaux, une préférence marquée pour les fonds européens, etc. Seuls les fonds qui passent ces différents filtres sont considérés. Ce qui ne nous empêche pas, de temps à autre, de nous écarter légèrement du profil de risque défini pour aller vers des fonds plus "exotiques", dits "exploratoires", de manière à ne pas nous enfermer dans une stratégie unique. Ces derniers font l'objet d'une analyse encore plus fine, avec des enveloppes d'investissement potentiellement plus réduites. Les stars de la Bourse des années 2000 n'étant pas celles des années 2020, il faut en permanence repenser notre stratégie et explorer des pistes alternatives afin de ne pas regretter, dans 20 ans, d'être passés à côté d'une opportunité à forte croissance. Nous disposons d’outils de pilotage avancés, tant pour l'analyse des investissements que pour la lecture des performances réelles, afin de donner de la visibilité à toutes les parties et de comprendre exactement où nous en sommes à chaque instant. L'objectif est d'éviter de créer des tensions de disponibilité pour les activités opérationnelles qui ne doivent en aucun cas être impactées par ce qui peut être fait du point de vue de l'investissement. C'est pourquoi il faut trouver les bons équilibres et les bonnes projections, et les partager régulièrement.
Nous aspirons à des décisions prises à l'unanimité, et le fait d'avoir convenu d'une stratégie relativement claire facilite ce processus. Pour ce qui est de l'approche exploratoire, elle est plus souvent basée sur la conviction que sur les projections financières, d'où une certaine flexibilité pour ce type d'opportunité. En cas de désaccord, la plupart d'entre nous ayant développé notre propre structure d'investissement, nous pouvons nous engager individuellement, ce qui laisse une grande liberté. Cette notion de liberté est probablement un facteur clé du succès de l'implication de chacun : aucun d'entre nous ne se sent contraint dans une décision qui n'est pas la sienne. Mon père, qui est impliqué dans toutes les activités opérationnelles, est, à l'instar de tous les membres de la famille, également investi dans le Family Office. La gouvernance y est plus plurielle que dans les opérations.
Aujourd'hui, notre Family Office est essentiellement structuré pour gérer des actifs opérationnels et financiers, mais nous avons investi récemment dans un certain nombre de projets philanthropiques, un volet que nous cherchons à renforcer en rassemblant la famille autour de valeurs fédératrices qui parleront aux générations futures.