Afin d'accélérer sa croissance en France et à l'international, le groupe français Telenco, fabricant et distributeur d'équipements télécoms pour les réseaux cuivre et fibre optique, a ouvert son capital en 2020 au fonds d'investissement Ergon Capital, qui en est devenu l'actionnaire majoritaire. Entretien avec Gregory Guimaraes, CEO de Telenco.
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Nos craintes étaient en grande partie liées à la méconnaissance de ce qu'est un private equity ou fonds d'investissement. Jusque-là, nous avions autofinancé notre croissance. Nous étions cependant arrivés à un moment charnière : parmi les quatre actionnaires historiques, deux allaient prendre leur retraite. Nous étions convaincus que Telenco devait continuer à se développer et nous avons voulu trouver l’actionnaire idéal pour écrire, à nos côtés, le nouveau chapitre de l’histoire de l’entreprise. Nous avons fait appel à un cabinet de conseil qui nous a présenté plusieurs profils de private equity. Une fois trouvé le fonds qui partageait la même vision et les mêmes ambitions que nous, nos réserves se sont vite dissipées.
Avant l’entrée d’Ergon au capital, nous avions une gouvernance informelle et l'habitude de prendre nos décisions collégialement entre les quatre associés. Depuis, le casting du comité de direction opérationnel a été recomposé et nous nous sommes dotés d’un conseil de surveillance. Celui-ci comprend 3 représentants du fonds, un représentant des actionnaires, 3 personnes de Telenco, dont moi, et un advisor, ancien patron de l'un des leaders du marché britannique dans le secteur des télécoms. Le fonds est majoritaire, mais nous travaillons depuis le début sur la base du consensus de sorte que nous n'avons jamais eu l'impression de perdre le contrôle de l’entreprise.
Le fonds agit comme un sparring partner qui nous aide à développer notre vision stratégique en nous challengeant avec un regard extérieur. L’équipe a appris à mieux connaître nos activités et notre marché, et nous alerte sur certains risques et opportunités des orientations que nous souhaitons prendre. Les prises de décisions se font de manière plus rationnelle, nos stratégies sont plus formalisées et avancent selon un calendrier précis. En plus de la relation régulière avec l'équipe France, j'ai beaucoup de plaisir à discuter avec le managing partner d’Ergon, un businessman accompli, qui fait partie de notre Board. Les membres de l’équipe sont tous dynamiques et brillants, c’est tout l'intérêt d'être challengé par des personnes de ce niveau. Une chose est certaine, d'un point de vue professionnel, j'ai beaucoup appris au cours des 30 derniers mois.
Nous avons sept boards par an, mais comme nous échangeons presque quotidiennement, nous avançons sur les différents sujets : projets de M&A, investissements, postes clés dans l'entreprise, etc. au fur et à mesure. Les réunions du board permettent de valider le travail effectué en amont.
Le rôle du private equity a également été essentiel pour nos opérations de croissance externe : notre première acquisition, proposée par le fonds, a été réalisée grâce à leur implication très opérationnelle sur tous les sujets clés (due diligence, négociations, etc). À l'époque, nous n'avions ni l'expérience ni les connaissances nécessaires pour le faire. Aujourd'hui, deux ans et demi et quatre build-up plus tard, nous sommes un peu plus aguerris, d'autant plus que nous avons recruté en interne un corporate development officer expérimenté.
Pour être honnête, l'arrivée du fonds d'investissement nous a aussi apporté des contraintes, en particulier en matière de reporting et d'explications à fournir lorsque les chiffres sont différents de l'attendu. C'est un exercice qui demande du temps, mais qui reste bénéfique dans le sens qu’il nous oblige à être précis et à maîtriser chaque détail de nos opérations.
Le plus important à mon sens, est de définir les attentes et les limites dès le départ : quel profil d'investisseurs? quels indicateurs clés de performance? quelles règles de gouvernance? quels piliers stratégiques? etc. pour ne pas découvrir plus tard que les visions divergent, ce qui serait douloureux et dramatique pour les deux parties. Pour cela mon principal conseil serait de chercher les retours d'expérience, d'interroger même spécifiquement les entreprises suivies par le(s) fonds pressenti(s) pour entrer au capital, pour s'assurer d'une bonne adéquation avec les besoins et les attentes. Dans notre cas, nous étions alignés dès le départ sur une stratégie de diversification internationale avec croissance externe et organique, ce qui nous a permis d’avancer très rapidement puisque, 5 mois après le closing, nous signions déjà la première lettre d’intention (LOI). Je ne saurais trop insister sur l'importance et la qualité du conseil qui accompagne la société dans le choix de l'investisseur : il est clé pour moi d'avoir à ses côtés un (ou des) conseil(s) de confiance, avec l'expérience et les compétences notamment en matière de due diligence, sur le plan juridique pour la rédaction du Share Purchase Agreement (SPA) et dans le domaine fiscal.