L’industrie française traverse une période de transformation profonde, marquée par des défis sans précédent en matière de transition énergétique, de relocalisation manufacturière et de rareté de main-d'œuvre qualifiée. Ces pressions croissantes obligent les grands groupes industriels à accélérer leur mutation vers un modèle plus digitalisé, durable et compétitif à l’échelle mondiale. La nécessité d'innover de manière continue et agile s’impose plus que jamais.
Dans ce contexte, les startups s’affirment comme des partenaires stratégiques incontournables pour les grands groupes, offrant un potentiel significatif de transformation et de croissance. Adossées à des technologies de pointe, elles reconfigurent les modèles économiques établis et font preuve d'une agilité et d’une flexibilité qui complètent efficacement les forces des entreprises bien établies (Trimi & Berbegal-Mirabent, 2012)1. Par leur capacité à innover dans des secteurs prioritaires tels que les énergies renouvelables, la robotique avancée et l’intelligence artificielle, les startups peuvent apporter des solutions concrètes aux défis structurels auxquels fait face l’industrie. Cependant, l'intégration de ces technologies innovantes dans des processus industriels s’accompagne de réels défis, liés notamment à la maturité, à la scalabilité et à la compatibilité de ces solutions avec les infrastructures existantes. Il est alors crucial pour les grandes entreprises de renforcer leurs pratiques de corporate venturing afin de collaborer avec ces startups et stimuler l'innovation. Des modèles traditionnels, comme le capital-risque d’entreprise (CVC) et les accélérateurs, sont couramment employés dans ce but (Kanbach, 2016)2. Cependant, dans un environnement où rapidité et agilité sont essentielles, ces modèles montrent souvent leurs limites (Gutmann, 2018)3. C’est dans ce contexte que le Venture Clienting s’impose comme un levier stratégique pour une gestion plus efficace de l’innovation ouverte. En adoptant ce modèle, les grandes entreprises peuvent accéder rapidement aux innovations externes, réduire les risques liés aux investissements en capital et devenir les premiers clients de startups prometteuses (Gimmy et al., 2017)4.
L'accélération par un grand groupe offre aux startups des avantages indéniables, notamment l'accès à des ressources, des réseaux et un encadrement spécialisé. Cependant, l'analyse des programmes d'accélération d'entreprises révèle certaines contraintes structurelles significatives (Seitz, Lehmann, Haslanger, 2023)5.
Si ces dispositifs d'accompagnement apportent une valeur indéniable en termes d'expertise sectorielle et de capital, l'étroite association avec l'entreprise partenaire peut susciter des réserves auprès des investisseurs potentiels, notamment concernant le degré d'indépendance de la startup (Seitz, Lehmann, Haslanger, 2023). Par ailleurs, il est aussi à noter qu’une intégration approfondie est susceptible d'entraver le développement autonome et le potentiel d'innovation de la startup.
Enfin, la nécessité de s'aligner sur les orientations stratégiques de l'entreprise sponsor risque, à terme, de compromettre l'agilité opérationnelle indispensable à la pérennité de la startup, risquant de nuire à l’impact stratégique espéré par le grand groupe.
En France, la création de fonds de capital-risque d’entreprise (CVC) est devenue une stratégie prisée par les grandes entreprises ces dix dernières années. Cette approche, tout en apportant aux startups des ressources conséquentes et des opportunités de synergie stratégique, vise à favoriser l'accès à l'innovation externe.
Néanmoins, les études montrent que si les investissements réalisés par des fonds CVC peuvent parfois améliorer la performance en matière d’innovation (brevets, nouveaux produits), ce constat est à relativiser, puisqu’il est estimé que seulement 10% des startups présentes au sein d’un portefeuille d’un fonds CVC collaborent effectivement avec l’entreprise-mère6. Par ailleurs, l’impact de ces investissements sur la performance financière reste la plupart du temps relatif (Haslanger, Lehmann, Seitz, 2023)7.
Une autre limitation significative réside dans l'évaluation de la contribution stratégique d'un fonds CVC pour sa maison-mère. La problématique fondamentale tient au fait que cette contribution ne peut pas se matérialiser uniquement par des prises de participation dans des startups (Gimmy, 2023)8. Elle requiert une intégration plus approfondie avec les processus et solutions de l'entreprise-mère, dimension qui transcende la simple logique d'investissement.
Par ailleurs, les écarts culturels entre les grandes entreprises et les startups peuvent engendrer des défis de collaboration. Ces divergences sont susceptibles de générer des complications opérationnelles et, dans certains cas, de restreindre l'impact effectif sur la performance globale des entreprises mères. En effet, ces dernières peinent parfois à exploiter pleinement le potentiel des technologies développées dans le cadre de ce type de partenariats.
Ces différents éléments permettent d’avancer que le capital-risque d'entreprise (CVC) et les accélérateurs, ne sont pas adaptés à une intégration rapide des technologies issues de startups au sein de grandes entreprises (Gutmann, 2018).
Le venture clienting repose sur un principe fondamental : les grandes entreprises s'engagent comme premiers clients des startups plutôt que comme de simples investisseurs.
En adoptant une perspective écosystémique, cette approche est « gagnant-gagnant », et permet d’éviter l’asymétrie structurelle que peuvent rencontrer les collaborations entre startups et grands groupes. D’un côté, le grand groupe tire un bénéfice stratégique concret et chiffré, en réponse à une de ses problématiques cruciales liée à sa transformation. De l’autre, la startup fait l’acquisition d’un client et accède à un réseau au sein duquel son produit pourra se développer, impactant directement ses perspectives de développement.
Ce modèle de corporate venturing favorise l'émergence d'un écosystème où l'innovation n'est plus cloisonnée mais s'inscrit dans un continuum collaboratif, associant l'agilité et la créativité des startups à l'expertise et aux ressources des acteurs industriels établis.
Risques financiers : Le venture clienting offre un mécanisme de réduction des risques financiers bilatéral. En effet, pour les grandes entreprises, il limite l'exposition financière directe, tout en permettant un accès rapide aux innovations (Gimmy, 2022)9. Parallèlement, les startups bénéficient d’une référence client et d'un flux de revenus précoce, crucial pour leur pérennité et leur croissance (Siota et al., 2020)10.
100 % des collaborations sont initialement basées sur des contrats commerciaux, ce qui permet de tester la technologie sans prise de participation au capital au début de la relation avec la startup et ainsi limiter l’exposition financière du groupe.
Risques opérationnels et technologiques : Sur le plan technologique, le venture clienting permet une validation in situ des solutions innovantes. Le processus itératif de co-développement accélère la maturation technologique et assure une adéquation optimale avec les besoins réels du marché, réduisant ainsi les risques d'inadéquation produit-marché.
Risques organisationnels : Enfin, le venture clienting atténue les frictions organisationnelles souvent observées dans les collaborations traditionnelles. En intégrant les innovations de manière organique dans les processus existants, il facilite l'adoption et minimise les résistances culturelles, favorisant ainsi une transition technologique plus fluide.
86% des organisations rapportent une adoption technologique plus fluide et moins coûteuse grâce au venture clienting¹¹.
L'un des atouts majeurs du venture clienting réside dans sa capacité à accélérer drastiquement le passage de la preuve de concept à l'industrialisation à grande échelle, et ce, quelle que soit l’industrie. Cette compression temporelle, associée au volume de collaborations que permet de traiter le venture clienting, représente un avantage compétitif significatif pour les grands groupes qui s’en saisissent, dans des marchés en constante évolution.
12 semaines, la durée maximale constatée par les grands groupes, de l’identification à la mise en place d’un pilote avec un startup
Le venture clienting permet de multiplier par 30 le nombre de collaborations avec des startups par an, comparativement à un fonds CVC¹².
Adopter le venture clienting mène à encourager une culture d'expérimentation contrôlée et d'adaptation rapide, essentielles dans un contexte de disruption technologique continue et d’innovation intensive. Cela implique également pour les grands groupes de réinventer leur approche en matière d’investissements, et d’adjoindre aux activités de CVC ou d’accélération, un processus cadré et clair pour toutes les parties prenantes, propice à l’expérimentation et à l’intégration de technologies externes.
Le venture clienting a profondément transformé Siemens Energy en facilitant l'intégration de technologies développées par des startups, sans les contraintes traditionnelles de la R&D interne. Grâce à des partenariats technologiques ciblés et avec l’aide de 27Pilots, la firme a modernisé ses opérations de manière significative, notamment en matière d’automatisation au sein de ses infrastructures13.
Percepto, startup pionnière des drones autonomes, a permis à Siemens Energy d'optimiser la surveillance et la maintenance de ses infrastructures. Équipés de capteurs avancés, les drones de la startup effectuent des inspections régulières, détectent des anomalies et assurent une surveillance en temps réel, même dans des environnements difficiles d'accès. Cette solution a non seulement réduit les coûts de maintenance, mais aussi minimisé les risques pour les employés, en particulier lors d'interventions dangereuses. Le partenariat avec Percepto incarne parfaitement la transformation opérée par le venture clienting, en automatisant des tâches critiques telles que la détection thermique précoce des anomalies et la surveillance périmétrique des sites sensibles, renforçant ainsi la sécurité et la précision des opérations.
Parallèlement, la collaboration avec ANYbotics a marqué une avancée majeure dans les opérations de maintenance. Leurs robots quadrupèdes accèdent aux zones confinées et dangereuses, collectent en temps réel des données essentielles sur l'état des équipements, anticipent les dysfonctionnements et réalisent des mesures précises de température et de vibration. In fine, cette automatisation a considérablement amélioré la réactivité de l’entreprise face aux incidents critiques.
Le venture clienting peut se révéler être un modèle de corporate venturing particulièrement pertinent pour naviguer dans les écosystèmes technologiques complexes et en rapide évolution. En conjuguant réduction des risques, accélération du développement et optimisation des ressources, cette approche offre un modèle prometteur pour catalyser l'innovation industrielle et la collaboration inter-entreprises.
Au cours des cinq dernières années, 27Pilots a établi ce modèle comme le nouveau standard de l'innovation ouverte en Europe, et son influence continue de s'étendre à l'international, comme en témoignent les mentions dans des publications de renom telles que Harvard Business Review et Forbes, ou plus récemment son inclusion dans le "Hype Cycle for New Innovation Practices" de Gartner (Gartner’s “Hype Cycle for new Innovation Practices”).
Chez Deloitte, nous avons reconnu le potentiel transformatif du venture clienting pour nos clients. L’acquisition de 27Pilots en 2023 témoigne de notre engagement à offrir des solutions de pointe en matière d'innovation ouverte.
Cette intégration nous permet d'enrichir notre offre de services et d'accompagner nos clients dans leur transformation avec une expertise approfondie en venture clienting.