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Sanctions de l’ACPR : bilan pour 2024, tendances et axes de travail pour 2025

Quelles sont les principales défaillances constatées au sein des organismes financiers ?

Quels sont les enjeux et défis pour 2025 ?

Dans cet article, nous vous proposons un retour sur l’année 2024 en examinant les sanctions prononcées par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Nous analyserons également les tendances émergentes et les axes de travail pour 2025, à la lumière des problématiques soulevées et des attentes accrues en matière de conformité et de gouvernance.   

Rétrospective sur l’année 2024 

 

En 2024, l’ACPR a poursuivi son rôle de surveillance renforcée des institutions financières, avec plusieurs sanctions notables, totalisant près de 5 millions d’euros. Parmi elles :   

  • Une amende de 2,5 millions d’euros pour des défaillances dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).   
  • Une amende de 1,7 million d'euros contre une banque internationale de taille moyenne pour des carences graves et persistantes en matière de contrôle interne, de gestion des risques et de gouvernance.
  • Une amende de 1 million d'euros contre une société de services financiers pour une gestion inadéquate de la connaissance client (KYC) et des dispositifs de surveillance des transactions.    

 

Ces décisions témoignent de la détermination de l’ACPR à maintenir des standards élevés de conformité. Cependant, le nombre total de sanctions et leur montant global ont diminué par rapport aux années précédentes. Pour rappel :   

2023

6 décisions, totalisant 6,7 millions d’euros.   

2022

7 décisions, totalisant 14,4 millions d’euros

2021

11 décisions, pour près de 17 millions d’euros

Les principaux griefs relevés en 2024 concernent des manquements dans les dispositifs de contrôle interne, une surveillance insuffisante des transactions, des défaillances dans les déclarations de soupçons et de KYC. 

 

Analyse des thèmes de griefs majeurs 

 

En 2024, l’ACPR a renforcé son contrôle sur la LCB-FT, sanctionnant plusieurs établissements pour des carences structurelles. Trois grandes catégories de manquements ont été identifiées, souvent interconnectées, illustrant les failles systémiques de certains acteurs financiers. 

 

Défaillances des dispositifs de contrôle interne et surveillance des transactions 

 

Trois établissements ont été sanctionnés pour des dispositifs de contrôle interne insuffisants, notamment en raison d’une supervision pratiquement inexistante au premier niveau et d’un contrôle de deuxième niveau sous-dimensionné. Dans un cas, l’outil de détection des opérations suspectes s’appuyait sur des scénarios obsolètes, ne couvrant pas des flux transnationaux atypiques pourtant évidents. En conséquence, des transactions à risque élevé, notamment en lien avec des juridictions visées par des sanctions internationales, n’ont pas été signalées ni même identifiées en interne. 

 

Déclarations de soupçons tardives ou absentes 

 

La faiblesse des contrôles internes et de la surveillance des transactions a eu un impact direct sur la transmission d’informations à Tracfin. L’ACPR a relevé plusieurs cas où des opérations manifestement suspectes – telles que des virements fractionnés vers des comptes à haut risque ou des transactions impliquant des entités désignées par des sanctions internationales – n’ont pas été déclarées, ou alors avec un retard excessif. Dans l’un des cas les plus graves, un établissement n’a transmis une déclaration qu’après l’ouverture d’une enquête externe. 

 

Insuffisances dans la connaissance client (KYC) et impact sur la détection des risques 

 

L’ACPR a également mis en évidence des carences majeures dans les procédures de KYC, avec des bases de données clients lacunaires ou obsolètes. Un établissement a, par exemple, continué à traiter des opérations de clients classés comme « à risque élevé » sans mise à jour de leurs éléments de connaissance client depuis plusieurs années, y compris pour certains ayant des liens connus avec des pays sous sanctions. Ces lacunes ont directement contribué à l’absence de détection et de déclaration d’activités suspectes. 

 

Les sanctions de 2024 mettent ainsi clairement en évidence que les manquements à la réglementation LCB-FT sont rarement isolés : des défaillances dans le contrôle interne affaiblissent la surveillance des transactions, compromettant la capacité des établissements à détecter et signaler efficacement les opérations suspectes. 

Face à la fréquence de ces sanctions, il est essentiel que les acteurs financiers veillent à renforcer leurs dispositifs de conformité. Voici quelques actions concrètes à mettre en place : 

  • Moderniser les systèmes de surveillance des transactions pour garantir une analyse rapide et précise des alertes. 
  • Former régulièrement les collaborateurs aux exigences LCB-FT et aux bonnes pratiques. 
  • Mettre à jour les procédures internes en fonction des évolutions réglementaires et des nouveaux risques. 
  • Renforcer les procédures KYC, en veillant à l’actualisation régulière des données clients. 
  • Améliorer les processus de déclaration de soupçons, en instaurant un suivi rigoureux des opérations identifiées comme suspectes. 

 

 

Les tendances pour 2025 

 

À la lumière des sanctions prononcées en 2024, plusieurs priorités émergent pour 2025. Cette année s’annonce cruciale pour les institutions financières, où conformité et innovation devront aller de pair. Avec l'entrée en activité prochaine de l'Autorité Européenne de Lutte contre le Blanchiment (AMLA), une supervision plus centralisée et harmonisée au niveau européen imposera des standards encore plus élevés. 

 

Les enjeux de 2025 avec l’AMLA1

 

L’établissement de l’AMLA (“Anti-Money Laundering Authority”) marque une évolution majeure dans la lutte contre le blanchiment d’argent au sein de l’Union européenne :   

 

Impacts opérationnels pour les établissements financiers 

 

À partir de mi-2025, l’AMLA supervisera directement les établissements financiers à haut risque, avec environ 40 contrôles prévus d’ici 2027. Toutefois, l’impact des nouvelles règles sera global : toutes les entités soumises à la LCB-FT devront respecter les exigences harmonisées. 

Actuellement, chaque État membre transpose les directives européennes avec une certaine flexibilité, entraînant des disparités. L’AMLA publiera des lignes directrices communes pour réduire ces écarts. Les pays aux normes strictes, comme la France, seront peu affectés, tandis que ceux aux règles plus souples, comme l’Allemagne, devront s’aligner. Par exemple, en France, les paiements en espèces sont limités à 1 000 € pour les résidents fiscaux, alors qu’ils ne sont soumis à aucune limite en Allemagne. 

 

La 6ème directive (6D) et la mise à jour des données KYC 

 

Adoptée récemment, la 6ᵉ directive sur la LCB-FT, à transposer d’ici 2027, marque une étape majeure dans la lutte contre le blanchiment d’argent en Europe. L’AMLA, chargée de veiller à son application, introduit notamment une harmonisation de la fréquence de mise à jour des dossiers KYC à cinq ans maximum, quel que soit le profil de risque du client. Actuellement, en France, les dossiers des clients présentant le plus de risque doivent être mis à jour chaque année, tandis que ceux des clients à faible risque sont mis à jour dans certains cas tous les 7 à 10 ans. Cette mesure aura un impact significatif sur les établissements financiers, qui devront adapter leurs procédures internes et réaliser des diligences selon une fréquence plus élevée. 

En harmonisant les pratiques au sein de l’UE, cette directive promet des avancées significatives en matière de détection et de prévention des activités criminelles dans le système financier. Toutefois, la collaboration entre les 27 pays de l’Union, ainsi que l’adaptation des régulateurs nationaux et des acteurs financiers, sera essentielle pour surmonter les défis liés à ces nouvelles exigences. 

 

Les principaux axes de travail de l’ACPR pour 2025 

 

En 2025, l’ACPR poursuivra son programme de travail sur les quatre axes principaux adoptés par le Collège de supervision : 

  • Axe 1 : Surveiller l’évolution des risques afin d’assurer la solidité du secteur financier dans un environnement politique, économique et financier incertain, en étant attentive aux risques de contagion macro-financiers, au développement des crypto-actifs et à l’exposition des institutions financières aux impacts financiers (volatilité des prix des actifs et spreads de taux d’intérêts) ; 
  • Axe 2 : Développer l’approche par les risques et mener des travaux de simplification de la supervision et de la réglementation, en optimisant les contrôles et la qualité des données, mais aussi en poursuivant les chantiers réglementaires en cours (projets de directives DSP3, et FIDA, règlement sur l’IA, et mise en œuvre du règlement EMIR 3) ; 
  • Axe 3 : Accompagner le secteur et réduire les vulnérabilités structurelles de manière proactive, en mettant l’accent sur les plans de transition, essentiels à la stratégie des institutions financières face au défi climatique et sur le suivi des entités dans un contexte de digitalisation et de recours croissants aux nouvelles technologies ; 
  • Axe 4 : Renforcer la supervision des risques d’inconduite et des dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), en poursuivant ses actions de prévention et en adaptant progressivement ses pratiques pour accompagner l’AMLA. 

 

L’ACPR accordera donc une attention particulière aux défis tels que la surveillance des risques et à la simplification des règles, dans un contexte de numérisation croissante et un environnement économique incertain.   Enfin, le régulateur a récemment rappelé que les sanctions pécuniaires prononcées par une autorité administrative ne sont pas assurables, soulignant la nécessité pour les établissements assujettis de disposer de dispositifs LCB-FT robustes.   

 

 

1 Podcast (épisode 4) : Semaine de la conformité | Deloitte France 

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