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SBTi : l'utilisation des crédits carbone, frein ou accélérateur de la décarbonation mondiale ?

La SBTi envisage d’autoriser l’utilisation de crédits carbone pour atteindre les objectifs de réduction du scope 3 des entreprises. Cette déclaration, annoncée il y a bientôt un an, suscite toujours un intense débat sur les implications pour la décarbonation à l’échelle mondiale.  

 

Cet article a été rédigé par Jade Steenbrink et Clément Limare, Senior Consultants au sein des équipes Sustainability de Deloitte France.  

La Science-based Target Initiative (SBTi) est une entité internationale qui incite le secteur privé à fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en accord avec les données scientifiques les plus récentes, afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Fondée et financée en majorité par le Carbon Disclosure Project (CDP), le United Nations Global Compact, le World Resources Institute et le World Wide Fund for Nature (WWF), la SBTi développe des standards dont l’adoption à large échelle élève l’initiative au rang de norme internationale.  

Alors que le nombre d’entreprises engagées auprès de la SBTi à réduire leurs émissions de GES vient de dépasser les 7 0001, l’initiative fait l’objet d’une controverse depuis bientôt un an sur la place des crédits carbone dans les stratégies climat des entreprises. 

En effet, le 9 avril 2024, le conseil d’administration de la SBTi a annoncé son intention d’autoriser l’utilisation de « certificats d’attributs environnementaux », y compris les crédits carbone, pour atteindre les objectifs de réduction des émissions du scope 3. Ce scope comprend les émissions indirectes non liées à la consommation d’énergie, et représente la majorité des émissions d’une entreprise.  

Cette déclaration remet en cause la séparation entre la réduction d'émissions que les entreprises doivent mettre en œuvre au sein de leur chaine de valeur - le scope 3 regroupant les émissions indirectes générées par l'activité de l'entreprise - et les actions que les entreprises peuvent entreprendre pour participer plus largement aux objectifs climatiques mondiaux. 

De ce fait, cette annonce a déclenché la plus vive controverse de l'histoire de l'initiative3, poussant les acteurs du climat à se positionner fermement, entre soutien résolu et opposition catégorique à cette flexibilité. Ces réactions contrastées soulèvent plusieurs questions essentielles :  

  • Qu’est-ce qui explique une telle prise de position de la SBTi ?  
  • Quels sont les arguments avancés pour ou contre la déclaration ?  
  • Quel est l’impact d’une telle levée de boucliers pour la SBTi ?  
  • Quelles normes suivre dans cette période d’incertitude et quels changements sont à prévoir pour les entreprises ?  

Depuis plusieurs années, les entreprises rencontrent des difficultés à respecter leurs objectifs de réduction et réclament des mécanismes de flexibilité. En parallèle, les critiques montent contre le manque de reconnaissance des crédits carbone par les standards climatiques. Le VCMI, un autre organisme de gouvernance, a par ailleurs rédigé un standard donnant une place aux crédits carbone dans la réduction des émissions du Scope 3.  

Dans ce contexte, la SBTi s’est engagée dans un processus de réflexion renforcé autour de l’usage de crédits carbone, jusqu’à cette annonce inattendue. Des arguments solides supportent les positions des entités favorables et opposées à cette flexibilité, soulignant la complexité du débat.  

1 SBTi sur Linkedin, https://www.linkedin.com/posts/science-based-targets_weekly-update-13125-activity-7291034515760717827-7ei7?utm_source=share&utm_medium=member_desktop 
2 SBTI, Statement from the SBTi Board of Trustees on use of environmental attribute certificates, including but not limited to voluntary carbon markets, for abatement purposes limited to scope 3, Avril 2024: “While recognizing that there is an ongoing healthy debate on the subject matter, SBTi recognizes that, when properly supported by policies, standards and procedures based on scientific evidence, the use of environmental attribute certificates for abatement purposes on Scope 3 emissions could function as an additional tool to tackle climate change. Consequently, SBTi has decided to extend their use for the purpose of abatement of Scope 3 related emissions beyond the current limits.” 
3 Cf. Google Trends.