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ESG et climat  : au tour des Etats maintenant !

Le secteur de la gestion d'actifs a joué et continue à jouer à plein son rôle de catalyseur de la transition écologique. Mais que peut faire le monde de la finance sans un engagement fort des Etats ?

Les banques et les gestionnaires d'actifs subissent une pression toujours plus forte pour prendre leur part dans la transformation et la décarbonation de l'économie. La sphère financière est en première ligne pour intégrer les référentiels ESG, investir dans les secteurs d'avenir et accélérer la transition en diminuant le soutien aux industries polluantes voire en désinvestissant.

Sous la double pression des marchés et de la communauté financière d'une part, de la société civile et des ONG d'autre part, les entreprises accélèrent leur mue ESG ; ce qui est bien l'objectif poursuivi.

Est-ce à dire que les financiers et gestionnaires d'actifs détiendraient, sur les acteurs économiques, un pouvoir de pression et d'impulsion suffisamment fort en soi pour conduire les courbes d'émissions de CO2 à radicalement s'infléchir ?

La réalité est plus complexe et, surtout, elle échappe aux seules logiques financières : c'est le politique qui reprend le dessus.

Où placer le curseur « responsable » ?

 

On a vu - fait majeur et trop peu commenté - le gouvernement texan annoncer le 24 août 2022 qu'il interdisait ses opérations financières à certains investisseurs se détournant du pétrole et du gaz et jugés trop « pro climat ». Ce sont dix banques et environ 350 fonds de gestion qui ne peuvent désormais plus faire affaire avec l'Etat du Texas, parmi lesquels BNP Paribas, Blackrock, Crédit Suisse ou UBS.

On a vu aussi les Emirats arabes unis reprocher à TotalEnergies une politique trop volontariste en matière de lutte contre le changement climatique - c'est-à-dire trop prompte à se désengager des énergies fossiles pour décarboner son mix énergétique. Cette même politique qu'en Europe les ONG taxent de greenwashing !

On voit le curseur « responsable » osciller selon les intérêts nationaux ou régionaux (il suffisait de suivre ces derniers mois les débats autour de l'inclusion ou non du gaz et du nucléaire dans la taxonomie européenne) et selon le cours des événements - le secteur de l'armement n'a-t-il pas été remis au premier plan dans le contexte de la guerre en Ukraine ?

Catalyseur de la transition

 

Enfin, n'oublions pas que, malgré la pression et le rôle moteur essentiel qu'ils jouent, certains investisseurs hors Union européenne, faute d'y être contraints par la législation, sont (encore) loin d'une politique de gestion d'actifs compatible avec l'accord de Paris.

Toutes ces observations, en apparence disparates voire contradictoires, convergent en fait vers un constat : le secteur de la gestion d'actifs a joué et continue à jouer à plein son rôle de catalyseur de la transition, pour exercer une saine et constante pression sur les émetteurs. Les entreprises, de leur côté, ont fait une partie du chemin et mettent les Etats face à leurs responsabilités : elles ne pourront pas aller plus loin si ceux-ci ne les aident pas, par des réglementations exigeantes et en les protégeant sur la grande scène du commerce mondial.

Centrales à charbon

 

Ainsi, la crise climatique, par essence mondiale, remet sur le devant de la scène le rôle des Etats. Un gestionnaire peut réorienter son portefeuille sur des actifs verts, mais que peut-il lorsqu'un pays décide de rouvrir ses centrales à charbon ? Une entreprise peut viser la neutralité carbone à horizon 2040 et 2050, mais comment y parviendra-t-elle tout en restant compétitive si son activité l'expose fortement à un marché qui renie ses engagements climat ?

Les politiques de réciprocité en matière commerciale sont du ressort des Etats, qui seuls peuvent éviter les distorsions de concurrence et créer un « level-playing field », des règles du jeu égales pour tous.

La question centrale et fondamentale est celle du risque et de la responsabilité : les citoyens attendent des Etats engagés qu'ils les partagent et les assument. Et qu'ils tirent vers le haut, via une nouvelle donne du commerce mondial, les Etats encore réfractaires.

Notes et références

Cette tribune a été publiée sur le site Les Echos le 14 décembre 2022.