Sur de nombreuses géographies, les opérateurs de taille moyenne enregistrent une faible croissance, de bénéfices limités, notamment au regard de leur endettement. Les opérations de fusions-acquisitions, en particulier la combinaison d'actifs ou la fusion d’opérateurs, peuvent être utiles lorsqu'elles sont approuvées par les autorités de régulation.
Nous estimons que davantage de fusions dans le secteur des télécommunications seront approuvées à partir de 2025, principalement sous l'impulsion de l'Union européenne.1 Dans de nombreux pays, les marchés des télécommunications mobile sont fragmentés et certains acteurs sont sous-dimensionnées. Historiquement, les régulateurs ont cherché à maximiser la concurrence en encourageant un grand nombre d’opérateurs, ce qui a contribué à maintenir des prix bas pour les consommateurs. Cependant, ceux qui conseillent les régulateurs suggèrent que la croissance du réseau, les fonctionnalités, la sécurité et la résilience pourraient être mieux préservées en autorisant la consolidation au sein des marchés.
Nous estimons qu'il y aura environ 400 fusions et acquisitions dans le secteur des télécommunications en 2025, ce qui correspond plus ou moins au volume des transactions des cinq dernières années (graphique 1).2 Un point intéressant à souligner est l’intensification d’un type d'opérations de fusion et d'acquisition: la consolidation effective des opérateurs.
Il existe de nombreux types d'opérations de fusions et acquisitions dans le secteur des télécommunications, sans qu’aucun ne prédomine réellement (graphique 2).3 On observe une relative stabilité dans le temps des poids relatifs des différents types d’opération, qu’il s’agisse d’opérations dans le fixe ou le mobile. Toutefois, le nombre de transactions concernant les data centers a récemment augmenté, probablement en raison de l'activité accrue autour des data centers IA.4
Certaines formes de consolidation ou de scission sont établies depuis plusieurs années et approchent probablement la fin de leur phase de croissance. Par exemple, en 2023, 97 % de l’ensemble des TowerCo aux États-Unis et au Mexique étaient exploitées par des sociétés indépendantes plutôt que par les opérateurs de télécommunications (contre 65 % en 2016). En Europe, les TowerCo ont presque doublé leur part en 2023 pour atteindre 70 %, contre 36 % en 2016.5
De même, ces dernières années, il y a eu des activités de consolidation ainsi que de fusion et d'acquisition de réseaux filaires (cuivre, fibre optique et coaxiale) et de systèmes logiciels de back-office tels que la facturation et les opérations, les flottes de services sur le terrain et les data centers.6
Un exemple parlant de consolidation de réseaux sans fil se trouve au Canada, où deux grands fournisseurs de services sans fil partagent le réseau d'accès radio (RAN) depuis 2009.7 En Malaisie, où il existait trois réseaux sans fil distincts, le gouvernement a décidé d'avoir un seul réseau national 5G en 2021, bien qu'il ait maintenant décidé d'avoir un deuxième réseau.8 Au Brunei, trois sociétés de téléphonie mobile offrent des services aux consommateurs et aux entreprises, mais elles utilisent toutes le même réseau radio fourni par Unified National Networks Sdn Bhd.9 En 2024, deux opérateurs australiens ont accepté de partager les RAN 4G et 5G.10 Cependant, le nombre de « retailcos » (entreprises qui offrent des services de communication aux consommateurs et aux entreprises) est resté plus ou moins constant : pour les acheteurs de services de télécommunications, il y a toujours trois entreprises ou plus, en concurrence les unes avec les autres.11
Ce qui est relativement nouveau en revanche, et qui constitue le cœur du sujet, c’est que les gouvernements et les régulateurs du monde entier autorisent les fusions. Depuis 2020, il y a eu 13 fusions de télécommunications ou coentreprises qui ont réduit le nombre d'acteurs axés sur la clientèle. Elles ont été approuvées ou sont en cours d'approbation par les gouvernements et les régulateurs :
Les observateurs attendent une décision finale du régulateur britannique sur le projet de fusion entre Vodafone UK et Three UK.15 Il convient de noter que les projets de fusion en Italie et au Danemark ont été rejetés au cours des dernières années.16
En outre, en avril 2024, l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta a soumis un rapport à l'UE appelant explicitement à la consolidation des télécommunications.17 Ses recommandations s'appuient en partie sur un livre blanc de l'UE qui traite des difficultés rencontrées par les télécoms pour rentabiliser leurs investissements sur les marchés européens hautement fragmentés.18 Une donnée suggère pourquoi l'Europe pourrait montrer la voie en approuvant la consolidation : le nombre moyen d'abonnés par opérateur mobile en Europe est de 4,5 millions, contre 95 millions aux États-Unis, 300 millions en Inde et 400 millions en Chine.19 Plus récemment encore, en septembre 2024, l'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi (également ancien Premier ministre italien), a présenté un rapport dans lequel se trouvait une section soutenant la consolidation du marché des télécommunications.20
Dans la plupart des pays, les opérateurs de télécommunications Mobile financièrement solides se situent en position n° 1 et n° 2, en termes de revenus et d’abonnés. Le troisième acteur est souvent moins solide financièrement, tandis que le quatrième opérateur (ou cinquième voir sixième, selon le marché) peut être encore plus fragile. Ces derniers mettent souvent en garde sur le fait qu'il deviendra difficile de poursuivre les investissements dans le réseau à l'avenir. Sur ces marchés, les partisans de la consolidation font valoir aux régulateurs que trois concurrents robustes peuvent profiter davantage aux consommateurs, aux entreprises et au paysage concurrentiel global, comparativement à deux acteurs dominants et deux ou plusieurs acteurs plus faibles.
Dans ce contexte, il semble qu'il y ait un certain nombre de marchés des télécommunications sans fil en Europe et ailleurs qui pourraient connaître une consolidation orientée vers les clients.
Un facteur important derrière l'évolution de la position réglementaire est que le choix en matière de connectivité n'a jamais été aussi vaste. Comme nous l'avons écrit dans TMT Predictions 2024 et 2023, les consommateurs et les entreprises ont vu une augmentation des choix au cours des dernières années. Ces choix incluent, mais ne se limitent pas à :
Pour les télécoms, maintenir un réseau sans fil robuste et compétitif au cours des prochaines années sera probablement moins coûteux que ces dernières années. En effet, une partie onéreuse du développement du réseau 5G, à savoir l'achat de nouveaux équipements et l’acquisition des fréquences, est désormais achevée pour de nombreux opérateurs dans les pays développés. Les dépenses en RAN, après avoir atteint un pic en 2022, sont maintenant en baisse significative.27 La plupart des opérateurs télécoms mondiaux qui ont initialement construit des réseaux 5G non autonomes ne dépensent pas autant pour passer à des réseaux 5G autonomes.28 Et il n'y a aucun signe que la 6G arrivera avant 2030, si tant est qu’elle arrive. En conséquence, l'intensité annuelle des dépenses d'investissement pour le secteur (qui a atteint un sommet en 10 ans en 2022 à 17,8 %)29 continuera de diminuer pour se situer entre 15 % et 16 %, entre 2025 et 2029. Cela est positif pour les opérateurs de réseau, mais cela peut représenter un défi pour les fabricants d'équipements RAN.
D'autre part, les télécoms ont souvent du mal à tirer profit de la 5G et d'autres nouveaux services, à l'exception de l'accès sans fil fixe. Comme mentionné dans l’édition 2024 de cette étude, les consommateurs ont probablement atteint une « ère de suffisance » et la plupart ne sont pas disposés à payer plus cher pour plus de vitesse.30 De plus, les sources potentielles de monétisation telles que les services premium pour prendre en charge les casques de réalité virtuelle ou augmentée, les réseaux 5G privés pour les entreprises, les voitures autonomes ou la télémédecine sont au mieux des niches. Certains opérateurs ont commencé à se lancer dans des services à valeur ajoutée adjacents (soins de santé, agitech, sécurité, etc.), mais jusqu'à présent, l'impact de ces services sur les résultats semble assez faible. Certains opérateurs Télécom pourraient envisager de se lancer dans le secteur des data centers d'IA générative comme moyen de générer des revenus et des bénéfices supplémentaires, mais cela concerne généralement les plus grands acteurs du marché. Cela n’est pas une option pour les acteurs de troisième et quatrième rangs qui sont plus susceptibles de fusionner.31 En outre, de nombreux services à valeur ajoutée nécessitent souvent d’être à l’échelle pour réussir et la plupart des opérateurs européens et asiatiques n'ont pas cette envergure en raison de la fragmentation du marché.
À l'échelle mondiale, il y a souvent deux autorités réglementaires différentes qui doivent approuver les fusions dans le secteur. Il existe un régulateur de l'industrie (l'Ofcom au Royaume-Uni, la Federal Communications Commission aux États-Unis, et des régulateurs de l'industrie au niveau de l'UE et au niveau national dans l'UE)32 et un régulateur de la concurrence (la Competition and Markets Authority au Royaume-Uni, la Federal Trade Commission aux États-Unis et la Direction générale de la concurrence dans l'UE, ainsi que les autorités nationales de concurrence). Des autorités règlementaires similaires existent également dans une grande partie de l'Asie-Pacifique.33
Une fois de plus, les autorités de régulation du secteur se sont généralement montrées plus ouvertes à la fusion des acteurs du sans-fil dans un pays, tandis que les autorités de régulation de la concurrence ont posé les plus grands défis. Nous pensons que cela pourrait changer dans certaines juridictions, en particulier sous l'impulsion de récents rapports en Europe, encourageant la fusion d'acteurs Mobile de petite taille.
Cela dit, les régulateurs prendront probablement leur temps et enquêteront de près : les fusions multiples et récentes ont pris de 24 à 36 mois pour être conclues.34 Cependant, le pourcentage de fusions approuvées pourrait augmenter dans l’ensemble.
Parfois, les régulateurs approuvent les fusions sans condition, mais ils imposent aussi des conditions, telles que des cessions, des garanties de prix ou des engagements pour des investissements futurs ou la fourniture d'une couverture 5G, avant d'approuver une fusion.35