Le secteur de l’assurance est resté faiblement exposé au risque de liquidité par le passé. Celui-ci peut être défini comme le risque lié à la vente rapide et nécessaire de portefeuilles d’actifs pour payer les assurés selon les termes des contrats commercialisés.
Article co-écrit avec Jean-Baptiste Olivier, Directeur Risk Advisory
Les investissements sont principalement réalisés sur des classes d’actifs liquides et de bonne qualité de crédit, comme par exemple de obligations d’Etats européens. Le rendement sur ce type d’instrument permettait de servir un taux attractif aux assurés sans contrainte de liquidité. Suite à la baisse continue des taux d’intérêt observée depuis quelques années, la politique d’investissement du secteur a été modifiée pour intégrer d’autres classes d’actifs, plus rentables mais moins liquides. La mesure et le suivi du risque de liquidité deviennent un sujet d’attention pour le superviseur et les compagnies d’assurance, mais également pour les asset managers gestionnaires des actifs de l’assureur.
A la différence d’autres secteurs comme la banque et l’asset management, la règlementation actuellement en vigueur dans le secteur de l’assurance reste assez limitée sur la manière dont le risque de liquidité doit être encadré. Les compagnies doivent considérer le risque de liquidité uniquement dans le cadre du pilier 2 de Solvabilité 2 (ou ORSA1), c’est-à-dire dans la cartographie des risques financiers auxquels le portefeuille de passif est soumis. Cette considération du risque de liquidité reste qualitative puisqu’il est attendu que la compagnie assure un niveau de liquidité suffisant pour payer ses engagements en cas de stress.
Plusieurs réflexions sont actuellement menées par les différents superviseurs pour harmoniser et mieux quantifier le risque de liquidité.
L’EIOPA2 insiste sur le fait que les compagnies devraient produire plusieurs indicateurs de suivi du risque de liquidité selon des modalité de calcul mieux normées.
Selon l’IAIS3, le dispositif de suivi des risques doit identifier, traiter et prévoir raisonnablement l’ensemble des risques matériels auxquels sont exposées les compagnies d’assurance. Le périmètre doit couvrir le risque de liquidité. Dans le document consultatif paru en novembre 2020, l’IAIS émet une première proposition de ratio, basé sur les sources et besoins de liquidité dans un scenario de stress sur une durée d’une année.
Ratios de liquidité = sources de liqudité / besoins de liquidité
Dans un second temps, l’EIS proposera d’autres mesures du risque de liquidité, incluant notamment les projections de flux de trésorerie des compagnies. L’objectif est de construire des indicateurs à la fois court terme et long terme, à l’instar du cadre règlementaire mis en place dans le secteur bancaire.
Pour rappel les exigences règlementaires des établissements bancaires reposent sur deux principaux indicateurs :
Encours d'actifs liquides de haute qualité / total des sorties nettes de trésorerie > 100%
Dans son rapport de mars 2020 (avant effet Covid), l’EBA5 souligne la constante amélioration des établissements bancaires dans leur gestion du risque de liquidité. Le ratio moyen des 157 banques consultées est de 147% à mi 2019.
Les coefficients proposés par l’IAIS pour mesurer l’encours d’actif liquide peuvent légèrement varier par rapport à ceux utilisés dans le calcul du LCR bancaire.
Montant du financement stable disponible / montant de financement stable requis > 100%
Enfin, notons que le superviseur européen EIOPA a émis un document consultatif7 dans lequel les assureurs sont invités à donner leur avis quant à un éventuel exercice de stress test de liquidité.
Du point de vue des compagnies d’assurance, la nécessité de mieux capter le risque de liquidité n’est pas seulement imposé par les exigences réglementaires. Or, dès lors que l’assureur aura à cœur de mieux prendre en compte le suivi du risque de liquidité dans l’ensemble de ses activités, ses partenaires asset managers, pourvoyeurs d’unités de compte ou gestionnaires des fonds euro, devront être en capacité de l’accompagner et de lui fournir les informations et données requises.
Une mesure plus fine de la liquidité pour les différentes classes d’actifs doit ainsi être mise en place pour plusieurs raisons :
Concernant les méthodologies à mettre en place pour mesurer la liquidité de leurs actifs, les compagnies d’assurances peuvent s’appuyer sur les pratiques des sociétés de gestions ou établissements bancaires. En effet, le cadre réglementaire de ces deux secteurs est davantage mature.
La survenance d’un seul évènement sur le passif de type rachats massifs ou pandémie n’engendre pas une crise de liquidité sévère. La combinaison de plusieurs évènements semble être le facteur aggravant pouvant entrainer une crise systémique pour le secteur. La gestion de la liquidité suppose donc d’intégrer la corrélation entre les différents scénarios de stress. L’un des enjeux majeurs sera également de récupérer des données de bonne qualité depuis les systèmes de gestion pour calibrer les mesures sur des actifs peu liquides ou simuler les besoins de trésoreries selon des scénarios de stress sur les passifs.
Enfin, il est important que les organismes d’assurance mettent en place une procédure robuste de gestion du risque de liquidité. Celle-ci doit permettre à l’entité de s’assurer qu’elle dispose de suffisamment de liquidités dans un environnement normal mais aussi dans le cadre d’une situation de stress. L’assureur doit être capable d’identifier, de mesurer, de piloter et de communiquer régulièrement autour du risque de liquidité.