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Interview avec Nicole Leyre - CFO Skyguide

Nicole Leyre

CFO at Skyguide
Nicole Leyre est Chief Financial Officer et membre du Comité de direction de Skyguide depuis 2018. Après avoir occupé diverses fonctions de cadre chez Schneider Electric durant 19 ans, elle a officié pendant plus de dix ans comme Chief Financial Officer et membre du comité de direction de KBA-NotaSys, dont elle dirigeait aussi led départements Informatique, Personnel et Infrastructures. Nicole Leyre est titulaire d'une maîtrise en gestion d'entreprise et d'un diplôme de gestion.

Deloitte : Selon vous, quels changements durables la pandémie aura-t-elle provoqué s’agissant du rôle futur des directeurs financiers ? Y a-t-il eu un changement très important aujourd'hui auquel vous ne vous attendiez pas il y a deux ans ?

Nicole Leyre : Le secteur du transport aérien a déjà connu des épisodes de volatilité par le passé mais la pandémie de Covid-19 nous a fait atteindre un niveau de volatilité sans précédent ; cette crise a été un véritable test pour le secteur. D’un point de vue financier, il n’y avait pas de solutions prédéfinies pour traverser cette crise. Cela nous a obligés à travailler d’une manière différente, à développer plus d’agilité et de résilience en nous basant sur plusieurs scénarios possibles et à planifier selon ces différents scénarios et hypothèses. Une bonne dose de créativité et une gouvernance agile nous ont permis de trouver des solutions rapidement.

« Pour apporter de la visibilité dans un monde où il n’y en a pas, il est nécessaire de travailler sur différents scénarios et hypothèses afin de gérer au mieux la crise. »

Encore aujourd’hui, le contexte dans lequel évolue le secteur aérien est très volatile, mais il s’agit là d’un défi global auquel est confrontée toute notre industrie qui nous montre la nécessité de tendre encore davantage vers la digitalisation afin d'augmenter notre flexibilité et de pourvoir adapter l'offre et les coûts à la demande en permanence.

Deloitte : Quelles mesures d’adaptation avez-vous dû adopter en termes de gouvernance pendant la crise du Covid-19 ?

Nicole Leyre : Durant la pandémie, Skyguide a travaillé directement avec l’Administration Fédérale des Finances. Nous avons interagi et communiqué de manière fréquente et ouverte avec notre actionnaire, ce qui nous a permis d’élaborer une demande de refinancement adaptée à cette situation sans précédent. Pendant cette phase de discussions, nous avons privilégié la transparence et la présentation de scénarios réalistes. En effet, nous ne souhaitions pas nous fonder sur des scénarios trop pessimistes qui auraient pu conduire à un surfinancement. Du fait de la relation de confiance mutuelle que nous entretenons avec notre actionnaire, nous savons que si la situation devait se dégrader, nous pourrions alors revoir à nouveau et rapidement le besoin de financement.

« La confiance des actionnaires pendant la pandémie était essentielle. La relation avec notre actionnaire s’en est retrouvée renforcée. »

Deloitte : Selon vous, à quoi ressemblera la fonction financière à l'avenir ? Quels rôles la technologie et les facteurs humains tels que la culture d'entreprise jouent-ils dans cette transformation ?

Nicole Leyre : La pandémie a montré l’importance de la technologie dans la digitalisation et a permis d’accélérer le processus déjà en marche chez Skyguide. La technologie favorise la digitalisation et l’évolution de la fonction financière ; le facteur humain et en particulier l’état d’esprit des équipes sont d'autant plus importants dans ces phases de transformation. Il est désormais crucial de gagner en agilité s’agissant des prévisions et des contrôles grâce à des boucles d’analyse réalisées en permanence.

« La fonction financière dépasse son rôle traditionnel de « numbers cruncher » : elle est désormais reconnue comme un véritable « business partner » au sein de l'entreprise. »

Deloitte : Jusqu'où la numérisation des systèmes de contrôle du trafic aérien a-t-elle évolué ? Selon vous, quel est son potentiel et comment a-t-elle changé ?

Nicole Leyre : La digitalisation est déjà une réalité dans le secteur aérien. En 2016, par exemple, nous avons introduit le stripless (un strip est un petit papier que les contrôleurs aériens utilisaient pour noter les communications avec les pilotes) et remplacé le strip par une version digitalisée. Avec Virtual Centre nous introduisons un changement de paradigme en introduisant la notion de "Location Independence". Pour la première fois, la gestion d'un espace aérien pourra se faire indépendamment de la localisation du contrôleur aérien. Skyguide joue ainsi un rôle de pionnier dans le déploiement du " Single European Sky ". Dans notre secteur, la sécurité est primordiale. Par conséquent, l’adoption de nouvelles technologies ne peut se faire que lorsque la sécurité de son utilisation est garantie et c'est ce que nous nous attachons à faire avec le déploiement du Virtual Centre.

Deloitte : La durabilité est aussi un sujet de plus en plus important pour Skyguide. De quelle manière Skyguide peut-elle contribuer à rendre le transport aérien plus durable et comment pouvez-vous, en tant que CFO, contribuer à la stratégie de développement durable de votre entreprise ?

Nicole Leyre : Pour Skyguide, la durabilité comprend deux aspects très différents. Premièrement, en tant qu'entreprise, nous devons faire le nécessaire pour réduire notre empreinte carbone. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de réaliser des investissements importants. Souvent, le rendement financier sur ces investissements durables calculé selon les méthodes d’évaluation traditionnelles est négatif. Le rôle du CFO est de ne pas rejeter systématiquement ces investissements. Il est nécessaire d’intégrer une dimension de durabilité dans l’évaluation des projets d’investissements afin de prendre en compte l’ensemble des coûts et bénéfices et de faire ainsi le lien entre le financier et l’environnemental.

Deuxièmement, Skyguide doit aider les compagnies aériennes à consommer moins de kérosène en participant avec le contrôle aérien des pays voisins à proposer les itinéraires les plus efficients.

« Si nous ne sommes pas écologiquement viables, nous ne le serons plus financièrement. »

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