Laurence est née et a grandi en France, où elle a obtenu des diplômes en comptabilité et finance, dont un MBA de HEC Paris.
Laurence dirige l’organisation financière mondiale de Skyscanner et possède plus de 25 ans d’expérience dans le domaine du commerce électronique et le secteur des technologies en Europe et dans la Silicon Valley. Elle a occupé son dernier poste chez eBay. Sa priorité est de positionner Skyscanner dans la perspective d’une forte croissance et d’une dynamique commerciale à grande échelle. Voyageuse passionnée, notre directrice financière adore stimuler les équipes afin qu’elles fournissent le meilleur travail possible en définissant la vision stratégique de Skyscanner et en révélant l’histoire qui se cache derrière les chiffres de Skyscanner.
Deloitte : La pandémie connaît, espérons-le, une phase d’accalmie mais les nouveaux modes de travail font encore l’objet de discussions. Quelle est la nouvelle « normalité » chez Skyscanner et, à votre avis, quels en sont les avantages ?
Laurence Tracol : Nous avons repris le chemin du bureau environ deux jours par semaine, mais avec beaucoup de flexibilité. C’est une chose très importante pour moi, personnellement, mais aussi pour mon équipe. La flexibilité a toujours été pour moi indispensable pour trouver une forme d’équilibre entre vie professionnelle et vie de famille, m’assurer d’avoir du temps pour moi, pour ma famille et pour ma carrière. Et je souhaite que mon équipe bénéficie, elle aussi, d’un tel équilibre ; c’est la clé d’une fonction financière productive et saine.
La manière dont nous sommes parvenus à cette décision des deux jours par semaine reflète parfaitement notre mode de travail chez Skyscanner : les observations de résultats d’enquêtes, d’ateliers et de groupes de discussion nous servent de point de départ pour mettre en place une série de principes qui nous aident à avancer. Nos principes de base s’articulent autour de l’importance des liens, de la collaboration et du développement personnels sans oublier la souplesse et l’inclusivité. Nous avons aussi réaménagé nos bureaux pour accueillir ce mode de travail hybride : nous avons créé de plus grands espaces de collaboration afin d’optimiser réellement le temps passé avec les collègues au bureau.
J’y vois des avantages considérables : tout d’abord, le temps passé au bureau est consacré aux réunions en personne et à la création de liens, ce qui favorise l’innovation et oriente la prise de décisions. Je sais que je parle au nom de nombreuses personnes dans l’entreprise lorsque je dis que c’est souvent un moyen très simple de répartir le temps de travail sur une semaine : au bureau, mon travail est très axé sur les échanges avec les collaborateurs et sur le fait de passer du temps avec de grands groupes de personnes tandis qu’à la maison, je consacre mon temps de travail à des travaux « approfondis » et à des entretiens individuels.
De manière plus générale, je crois qu’en offrant une telle flexibilité et en favorisant une organisation sur mesure, notre entreprise est mieux positionnée pour que tout le monde puisse trouver sa place, ce qui est propice à l’épanouissement de chacun et de chacune. Il s’agit là d’un élément clé pour attirer les talents, car nous souhaitons que notre entreprise, dans son mode de fonctionnement, reflète le public large et diversifié des voyageurs que nous servons.
Deloitte : À votre avis, comment l’évolution de la culture d’entreprise influera-t-elle sur l’avenir de la fonction finance ?
Laurence Tracol : Chez Skyscanner, le personnel a toujours pu faire du télétravail si nécessaire, même avant la pandémie, mais en formalisant le télétravail, nous avons dû nous assurer que les processus financiers soient le plus simples et le plus accessibles possible, quel que soit l’endroit où les collègues se trouvent. Renforcer une approche pour ainsi dire de « self-service » signifie qu’une équipe financière comme la nôtre peut mieux se concentrer sur le soutien effectif de l’activité de l’entreprise et sur l’obtention de de très bons résultats sur les marchés principaux et les marchés verticaux.
Nous avons aussi augmenté la régularité de nos mises à jour financières de l’entreprise en général, via Zoom, et en personne. Et, très important, nous sommes passés à la vitesse supérieure pour ce qui est de célébrer les jalons et succès financiers alors que le secteur des voyages commence à émerger de la reprise post-pandémique vers l’essor dans ce nouveau contexte mondial. Je pense qu’il est fondamental que non seulement l’équipe des finances, mais aussi chaque membre à l’échelle de l’entreprise comprennent notre trajectoire financière, que chacun connaisse la manière dont il contribue à notre performance commerciale collective et aide à construire une entreprise technologique du voyage pérenne et florissante.
À cet égard, les fonctions financières disposent de nombreuses opportunités pour apporter une contribution positive à la responsabilisation de leurs collègues et pairs dans le cadre de l’évolution de la culture d’entreprise. En ce qui me concerne, je soutiens depuis peu un projet d’éducation financière à l’échelle de l’entreprise pour les femmes qui souhaitent mieux comprendre le monde de l’investissement et de la planification financière. Outre le mentorat formel ou informel, j’ai également eu l’occasion de parler en interne de mes expériences en tant que femme dans un secteur souvent dominé par les hommes, et de la manière dont j’ai géré ce problème, le syndrome de l’imposteur, connaissant mes aptitudes et gravissant les échelons au fil de ma carrière.
Grâce à tout cela, j’ai pu établir des liens avec non seulement les personnes assises directement autour de moi, mais aussi avec des collègues de Singapour, d’Édimbourg et d’autres bureaux de l’entreprise. En effet, je crois que l’évolution de la culture du travail à laquelle nous assistons dans de nombreux pays sera à l’origine d’une démocratisation à multiples facettes : les fonctions financières devront être plus transparentes, moins axées sur le siège social de l’entreprise. Une plus grande flexibilité signifie que les personnes qui ont des responsabilités familiales peuvent s’organiser dans leur travail en fonction de leurs impératifs personnels et être en mesure, par exemple, d’aller chercher les enfants à l’école. Personnellement, je profite de cette flexibilité pour intégrer une séance de sport dans ma journée de travail. J’espère que, grâce à ces changements, et à d’autres, le secteur sera plus diversifié.
Deloitte : En tant qu’entreprise de technologie, comment utilisez-vous l’expertise et la technologie de Skyscanner au sein de la fonction finance, et à quelles fins ?
Laurence Tracol : J’ai passé une bonne partie de ma carrière à travailler dans le domaine des technologies, et la fonction finance dans une société de technologie se distingue par certaines caractéristiques. Bien sûr, les données et l’analyse sont essentielles pour la planification financière et la modélisation pour toute activité : il s’agit d’examiner les performances de l’entreprise et de s’assurer que l’on bâtit une stratégie commerciale solide en faveur d’une croissance sur le long terme. Dans une entreprise de la tech, vous pouvez, en réalité, exploiter davantage les données. Par exemple, nous avons traversé une période très imprévisible dans le secteur des voyages ; au début de la pandémie, les voyages étaient tout sauf à l’arrêt. Toutefois, nos données nous permettaient de voir et de comprendre ce qui allait se passer, en surveillant là où les voyageurs envisageaient d’aller et à quel moment ils concrétisaient cet intérêt en procédant aux réservations. Ce niveau d’analyse solide a joué un rôle déterminant pour préparer notre réponse et faire face aux difficultés qui touchaient notre secteur. Concrètement, nous n’avions plus besoin de nous appuyer sur les prévisions ou les analyses de marché de tiers : en fait, nous pouvions voir dans nos propres données les intentions des voyageurs en temps réel. Il est également utile de noter que, contrairement à ce qui se passe pour de nombreuses entreprises, notre importante fonction de données internes et d’analyse chez Skyscanner fait partie intégrante de l’organisation financière étendue, une fonction qui soutient vraiment l’entreprise dans la réalisation d’excellents résultats. De la sorte, chez Skyscanner nous avons mis sur pied une équipe financière plus grande afin de pouvoir surveiller différents domaines de notre activité et exploiter nos données et informations pour améliorer, façonner et peaufiner en continu nos décisions et plans commerciaux. Nous travaillons également dans une perspective future sur un système commercial d’envergure et un projet de transformation des processus, ce qui signifie que notre approche sera plus pertinente, accessible depuis n’importe quel bureau dans le monde, et sera particulièrement efficace. En échange, nous serons encore plus en mesure de poursuivre la transformation de notre mode de travail et des données que nous recueillons.
Deloitte : Résilience, renaissance, et reprise sont aujourd’hui essentielles dans le secteur des voyages. Quel est le rôle joué par la fonction finance dans ce contexte ?
Laurence Tracol : On ne peut nier la réalité : le secteur des voyages a été durement touché par la pandémie. En revanche, ce qui est beau dans le secteur des voyages, c’est sa résilience. Personnellement, j’adore voyager et je passe une grande partie de ma vie à explorer le monde. Je suis française d’origine, mais deux de mes enfants sont nés en Californie, où j’ai vécu plus de dix ans. Désormais, notre famille est de retour en Europe. Je suis très heureuse de travailler dans un secteur qui a tant d’importance pour moi, d’autant plus qu’aujourd’hui, nous sommes à nouveau en mesure de nous déplacer dans le monde. Nous avons de la chance que l’entreprise Skyscanner était déjà très bien positionnée dans l’industrie du voyage. Concrètement, nous étions en position de force au moment où la pandémie de Covid-19 a éclaté. Nous étions tout à fait conscients de notre positionnement unique qui contribuerait à réconcilier le monde avec les voyages, ce qui nous a donné confiance s’agissant de la reprise de Skyscanner sur le long terme. Malgré tout, nous avons dû relever des défis et prendre des décisions stratégiques. L’équipe des finances a joué, et continue de jouer, un rôle important pour s’assurer que notre entreprise fait exactement ce qu’il faut. Nous avons des cadres qui travaillent en partenariat avec tous les départements de l’entreprise et utilisent l’analyse de données pour identifier des opportunités, fixer des objectifs et amener l’entreprise à prendre des décisions pertinentes à partir des données.