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Le vieillissement de la Suisse : trois réformes efficaces pour le système de prévoyance vieillesse à trois piliers

Le vieillissement démographique exige des réformes urgentes du système de prévoyance suisse. Notre enquête représentative montre que la population plébiscite l’idée de lancer des réformes, mais pas celles qui font actuellement l’objet des débats les plus nourris. À la place, nous proposons des réformes réalistes et opportunes afin de sécuriser et de pérenniser le système de prévoyance. La prévoyance vieillesse n’est pas seulement une mission de l’État. Les entreprises et les personnes assurées devraient elles aussi mieux exploiter leur marge de manœuvre et jouir d’une plus grande liberté de décision.

Le système suisse de prévoyance vieillesse s’apprête à connaître un changement fondamental : le nombre de personnes à la retraite croît tandis que celui des personnes en activité recule, ce qui compromet la viabilité du système à long terme. Mais alors, quelle voie suivre pour demain ? Notre étude révèle que la population voit déjà plus loin que la politique et plébiscite dans sa majorité de nouvelles idées de réforme réalistes.

Les résultats d’une enquête représentative de la population et d’analyses économiques approfondies mettent en exergue trois approches efficaces pour stabiliser et pérenniser la prévoyance vieillesse – des options viables, finançables et susceptibles de recueillir l’assentiment d’une majorité. Mais l’État n’est pas seul dans l’affaire : les entreprises et les personnes assurées elles-mêmes doivent être mises davantage à contribution.

Les déficits de l’AVS se creusent

Résultat de la répartition, rendement des placements et capital du fonds AVS en millions de francs, prévisions jusqu’en 2040, sur la base des calculs effectués en Août 2025

La Suisse a besoin de réformes, mais si sa population est par principe favorable à des changements, elle est opposée aux mesures actuellement sur la table. Ainsi, deux tiers (65%) des Suissesses et des Suisses s’opposent à une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée, 49% rejettent une hausse des cotisations salariales, 60% une hausse de l’imposition des avoirs de prévoyance, et 67% un relèvement unique de l’âge de la retraite. Ce rejet traverse toutes les tranches d’âge, hommes et femmes confondus, à l’exception des moins de 34 ans et des plus de 64 ans, qui approuvent à une faible majorité une augmentation des cotisations salariales, la seule mesure classique.

Une mesure de réforme n’est vraiment efficace que si elle est économiquement opportune et susceptible de recueillir l’assentiment d’une majorité. Pour nous, une réforme « économiquement judicieuse » passe par un financement durable, le respect de l’équité intergénérationnelle et le renforcement de la place économique suisse ; en effet, seule une nation performante peut financer durablement un système social. Dans l’illustration suivante, les idées de réforme possibles sont soumises à ces deux tests. La capacité à recueillir l’assentiment d’une majorité a été évaluée au moyen d’une enquête représentative menée auprès de la population. Les personnes interrogées ont été invitées à se prononcer sur des options de réforme de l’AVS ; précisons que certaines d’entre elles concernent les trois piliers.

Les options de réforme au banc d’essai : seules quelques-unes sont économiquement judicieuses et susceptibles de recueillir l’assentiment d’une majorité

Propositions de réforme

Que peut-on retenir de l’examen de toutes les options en termes de rentabilité et de capacité à recueillir l’assentiment d’une majorité ? Sur la multitude d’options possibles, seules trois subsistent :

  • Une augmentation temporaire de la contribution fédérale compensée par des économies dans d’autres domaines
  • Un rôle renforcé de la capitalisation qui concerne également le 1er pilier
  • Un assouplissement (« flexibilisation ») de l’âge de la retraite

Trois orientations pour des réformes de prévoyance prometteuses

1. Augmentation temporaire des contributions fédérales à l’AVS

Une majorité relative de 44% défend l’idée d’une augmentation des contributions fédérales. Toutefois, toujours selon les personnes interrogées, ces contributions ne devraient pas être utilisées pour couvrir les dépenses courantes, mais affectées à la constitution du fonds AVS. Cela permettrait de stabiliser le déficit de l’AVS à court terme et de générer des revenus du capital sur le long terme.

L’avantage : ces contributions seraient limitées dans le temps, notamment par une clause de caducité, et devraient être compensées dans le même temps par des économies ou des redistributions dans le budget fédéral. Pour être particulièrement efficaces, il faudrait affecter ces contributions directement à un fonds AVS renforcé, lequel serait investi sur les marchés des capitaux. Cela permettrait d’éviter de générer un nouveau déficit persistant tout en offrant une stabilité financière.

2. Renforcement de la capitalisation dans les trois piliers

1er pilier : 53% des personnes interrogées se prononcent en faveur d’un financement des rentes par les revenus des placements sur les marchés financiers. Un doublement du fonds AVS suffirait à combler une grande partie du déficit de financement prévu d'ici 2040. Une augmentation temporaire des contributions fédérales, conjuguée à des économies correspondantes dans d’autres missions de la Confédération, permettrait d’alimenter le fonds AVS sur plusieurs années sans bouleverser le système en place.

2e pilier (caisses de pension) : la hausse des cotisations et des rendements renforcent le 2e pilier. Il n’est pas trop tard pour abaisser le seuil d’accès afin d’améliorer avant tout la prévoyance des personnes à faible revenu. Par ailleurs, il conviendrait de viser des rendements plus élevés dans le 2e pilier. Cela aurait certes pour effet d’augmenter les risques, mais ces derniers seraient quant à eux relativisés par la longue durée de placement.
En outre, une individualisation accrue des stratégies de placement permettrait de tenir compte des préférences individuelles et, partant, d’opter pour des stratégies de placement avec une probabilité de rendement plus élevée. Le risque de perte resterait limité pour les placements à long terme. De plus, une plus grande transparence devrait être garantie pour les assurés et il conviendrait d’améliorer et de simplifier l’accès à leurs informations pertinentes en matière de prévoyance.

3e pilier : dans notre enquête, près de la moitié (49%) des personnes interrogées déclarent cotiser au 3e pilier, mais seulement 17% versent le montant maximal. Parmi celles qui effectuent des versements, seules 9% investissent la totalité du montant sur les marchés financiers – dans des actions, des obligations ou des produits financiers similaires. Le principal obstacle aux versements est le manque de moyens financiers (41%), tandis que la principale raison invoquée pour expliquer l’absence d’investissement est l’aversion au risque (43%). L’effet à long terme des investissements réguliers ne doit pas être sous-estimé. Même avec de petits versements, il est possible de se constituer un joli capital au fil des ans.

Dans ce contexte, les offres du 3e pilier pourraient être optimisées, notamment en termes de rapport coût/bénéfice, d’expérience client et d’individualisation.

Potentiel pour le 3e pilier et les investissements sur les marchés financiers

Réponses aux questions : « Cotisez-vous au 3e pilier ? » et, pour ceux qui n’ont pas répondu Non : « Dans le 3e pilier, quelle est la part approximative de votre capital investie sur les marchés financiers ? »
3. Flexibilisation de l’âge de la retraite

68% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête Deloitte sont favorables à la flexibilisation de l’âge de la retraite. Pour l’amélioration de la situation financière des personnes concernées, il faudrait que ces dernières travaillent plus longtemps sur une base volontaire. L’instauration de la flexibilisation de l’âge de la retraite pourrait porter ses fruits si les mesures suivantes étaient appliquées.

Modèle « opt-in » : introduction d’un modèle de consentement explicite où les salariés décident eux-mêmes, à partir d’un âge minimum, du moment où ils souhaitent partir à la retraite. L’âge de référence servant de base au calcul de la rente resterait 65 ans.

Travailler plus longtemps sur une base volontaire : un grand nombre de personnes souhaitent travailler plus longtemps : 69% des personnes pourraient envisager de travailler au-delà de l’âge normal de la retraite. Le travail à temps partiel est deux fois plus plébiscité que le travail à temps plein. Ces valeurs sont stables toutes tranches d’âge confondues et ne diffèrent pas vraiment d’un sexe à l’autre.

Cependant, tout le monde n’est pas en mesure, pour des raisons professionnelles ou de santé, de travailler au-delà de l’âge actuel de la retraite : ainsi, 30% des retraités actuels déclarent se heurter à des obstacles liés à la santé, et ce chiffre atteint même 44% chez les personnes qui cotisent.

Amélioration des mesures incitatives : le travail doit être récompensé comme il se doit et les employés doivent être incités à travailler sur une base volontaire au-delà de l’âge de la retraite AVS. C’est pourquoi cette forme d’emploi, souhaitable pour l’économie nationale (et qui doit également être assujettie à l’impôt) ne devrait plus être soumise aux cotisations AVS. Les personnes qui atteignent l’âge de la retraite AVS acquièrent automatiquement le droit à une rente AVS ; cet acquis ne devrait pas être minimisé. Dans les 2e et 3e piliers, les possibilités de versements, les rémunérations et les avantages fiscaux devraient être garantis même au-delà de l’âge de référence.

Mesures en faveur d’un maintien dans l’emploi en fonction de l’âge : les entreprises peuvent motiver et fidéliser leurs collaborateurs seniors par le biais de modèles d’emploi flexibles et de programmes sur mesure. Les horaires de travail flexibles, les options de travail à temps partiel et les possibilités de télétravail offrent aux employés seniors la souplesse dont ils ont besoin. Des programmes de formation continue spécifiques et des programmes de mentorat pour le transfert de connaissances sont une autre composante imposante. Les entreprises devraient être davantage disposées à embaucher des seniors sans préjugés et à investir dans leur intégration et leur formation continue.

L’État a un rôle à jouer, mais les entreprises et les assurés sont également invités à exploiter leur marge de manœuvre

Un rôle essentiel incombe à l’État. Cependant, face à la difficulté que rencontre l’État dans la mise en œuvre des réformes du systèmes de prévoyance, les entreprises et les particuliers ont d’autant plus intérêt à exploiter eux-aussi leur marge de manœuvre en vue d’améliorer la prévoyance de leurs employés resp. leur propre prévoyance. En cas d’absence de réformes publiques, les entreprises et les assurés seront d’autant plus sollicités pour la sécurisation des rentes.

Augmentation temporaire des contributions fédérales

  • Réduction des subventions : coupes dans les subventions jugées discutables sur le plan de l’économie nationale.
  • Augmentation temporaire des contributions fédérales, financées par des économies dans d’autres domaines.
  • D’une manière générale, resserrement des priorités et amélioration de l’efficacité des dépenses publiques afin de lutter contre la hausse non durable des dépenses dans de nombreux domaines et d’optimiser l’impact des dépenses publiques.

Renforcement de la capitalisation dans les trois piliers

  • Mesures incitatives : maintien des incitations fiscales actuelles en faveur de versements plus élevés et sécurisation d’une flexibilité totale de l’âge en matière de versements, de rémunération et d’avantages fiscaux dans les deuxième et troisième piliers.
  • Réglementation : abaissement du seuil d’accès au 2e pilier.
  • Formation : promotion de la formation financière visant à améliorer la compréhension et l’acceptation des investissements sur les marchés des capitaux.

Flexibilisation de l’âge de la retraite

  • Modèle « opt-in » : introduction d’un modèle de consentement explicite (modèle « opt-in ») où les salariés peuvent décider eux-mêmes, à partir d’un âge minimum, de la date à laquelle ils souhaitent partir à la retraite, avec des réductions resp. des suppléments correspondants.
  • Mesures incitatives : création de mesures incitant à rester en activité, p. ex. suppression des cotisations AVS à partir de l’âge de référence.
  • Adaptations légales : adaptation du cadre légal en vue de promouvoir des modèles de travail flexibles.

Renforcement de la capitalisation dans les trois piliers

  • Amélioration de la transparence et de l’accessibilité des informations sur les caisses de pension et leurs prestations.
  • Implication des employés dans le choix et dans la stratégie des caisses de pension afin d’obtenir un rendement plus élevé sans compromettre la stabilité.
  • Optimisation des offres dans le 3e pilier, rapport coût/bénéfice, expérience client, gamme d’offres, pour différentes tranches d’âge, classes d’actifs et différents profils de risque

Flexibilisation de l’âge de la retraite

  • Modèles de travail flexibles : promotion d’horaires de travail flexibles, d’options de travail à temps partiel et de possibilités de télétravail.
  • Formation continue : offre de programmes de formation continue spécifiques pour les collaborateurs seniors.
  • Mentorat : mise en place de programmes de mentorat pour le transfert de connaissances intergénérationnel.
  • Garantie d’un emploi et d’une formation continue sans préjugés pour les collaborateurs senior.

Renforcement de la capitalisation dans les trois piliers

  • Versements : augmentation des versements dans le 3e pilier et recours accru aux investissements sur les marchés financiers.
  • Conscience du risque : amélioration de la conscience du risque et de la disposition à investir sur les marchés financiers.
  • Planification à long terme : promotion d’une planification financière à long terme et utilisation de l’effet des intérêts composés le plus tôt possible.

Flexibilisation de l’âge de la retraite

  • Disposition à travailler : disposition à continuer de travailler après l’âge normal de la retraite.
  • Gestion de la santé : dans la mesure du possible, démarches actives pour la planification, l’organisation et la préservation de sa propre santé.
  • Formation continue : recours aux offres de formation continue pour s’adapter à l’évolution des exigences du marché du travail.

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