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Bien que le gouvernement fédéral, les cantons et les communes s'efforcent d'offrir aux citoyens des services de plus en plus efficaces en matière administrative, la population suisse a encore un certain nombre de réserves quant à l'utilisation des services d'administration en ligne.
La plupart des citoyens suisses qui ne sont pas favorables aux nouveaux services numériques s'inquiètent principalement de la protection des données et de la cybersécurité. L'insuffisance de la sécurité des données est l'un des principaux obstacles qui empêchent les Suisses d'utiliser davantage les services d'administration en ligne. Les inquiétudes concernant la cybersécurité freinent l'introduction et l'utilisation des services publics numériques.
Les préoccupations en matière de protection des données concernent principalement les services numériques pour les impôts, la signature numérique et la commande de passeports ou de cartes d'identité. Alors que 23 % des personnes interrogées s'inquiètent de la protection des données en ce qui concerne les options de paiement sans contact pour les amendes de stationnement, 25 % d'entre elles s'inquiètent d'un manque de sécurité des données. Dans le cas de l'achat de vignettes autoroutières électroniques, ces chiffres sont respectivement de 22 % et 24 %. En ce qui concerne la possibilité de déposer des plaintes auprès de la police par voie électronique, 28 % des citoyens suisses ont émis des réserves quant à la protection des données, tandis qu'un nombre similaire se méfie de cette option en raison d'une sécurité insuffisante des données. Environ deux tiers des citoyens interrogés ont exprimé ces préoccupations en ce qui concerne le vote électronique et la commande de passeports et de documents d'identité.
La question de la protection et de la sécurité des données semble particulièrement aiguë pour les Suisses dans des domaines tels que la fiscalité, la signature électronique juridiquement contraignante et l'échange de données et d'informations avec les autorités par des moyens entièrement électroniques. Dans ce domaine, la plupart des citoyens se méfient des (éventuels) services électroniques fournis par les autorités : un tiers des personnes interrogées voient des problèmes de protection et de sécurité des données (38% et 33% respectivement) dans l'enregistrement et le transfert de données fiscales par voie électronique. La signature de documents au moyen d'une signature numérique juridiquement contraignante est considérée par 36% des Suisses comme problématique en raison de problèmes de protection des données et par 38% en raison d'une sécurité des données insuffisante. Un nombre tout aussi élevé de personnes interrogées s'inquiètent du service qui consiste à partager des données et des informations avec les administrations par des moyens entièrement électroniques. Ici, environ un tiers de la population a des réserves liées à la protection des données et des doutes sur la sécurité des données (respectivement 36% et 33%).
En général, la grande majorité des personnes interrogées n'est pas disposée à payer pour des services numériques tels que les signatures numériques ou l'échange de données électroniques ; le chiffre varie entre 70 % et 80 % selon le service. La seule exception est la possibilité de commander un passeport ou une carte d'identité en ligne sans avoir à se rendre en personne auprès des autorités, pour laquelle une petite majorité de la population indique qu'elle serait prête à payer.
Comment est-il possible de réduire les obstacles à la première utilisation ? Afin d'apaiser les inquiétudes existantes, il est nécessaire de s'engager avec les citoyens dans les domaines où leurs inquiétudes et les obstacles à l'utilisation qui en résultent sont les plus importants. L'accent doit être mis sur les aspects sécuritaires tels que la protection des données et la cybersécurité. La cybersécurité ne doit pas être considérée comme un problème informatique purement technique. Il s'agit plutôt d'intégrer des aspects humains tels que les émotions, la confiance et le sentiment subjectif de sécurité. La formation et la sensibilisation des employés administratifs aux risques de sécurité et au respect des lois (sur la protection des données) sont également essentielles.
Mais avant tout, les utilisateurs potentiels de ces services numériques, les citoyens, leurs besoins et leurs préoccupations, devraient être au centre de la planification de tous les services d'administration en ligne - le citoyen d'abord. En fournissant des informations et une formation sur les risques et les mesures de sécurité, le gouvernement et l'administration devraient tenter d'apaiser ces inquiétudes et de maintenir ainsi les barrières à l'utilisation à un niveau peu élevé. Pour ce faire, il convient d'impliquer les utilisateurs dès le début du développement des services numériques d'administration en ligne : Que veulent les gens, quels sont les services qu'ils jugent utiles ? Quels sont les services qui permettent aux Suisses de communiquer plus facilement avec l'administration ?
Ce n'est qu'en tenant compte de ces besoins et de ces souhaits que des solutions adaptées et centrées sur les citoyens peuvent voir le jour et être acceptées et utilisées par les gens. Leurs besoins sont clairs : un langage et une structure simples pour les sites web, un design attrayant et une valeur ajoutée évidente par rapport à la communication analogique. Les résultats de l'enquête suggèrent que les expériences positives lors de la première utilisation des services numériques des autorités contribuent à réduire les obstacles. Les citoyens qui ont bénéficié d'au moins un service numérique de la part des autorités tendent à les considérer comme plus progressistes que ceux qui n'ont jamais utilisé de service numérique auparavant. En outre, les citoyens ont tendance à être plus favorables aux services numériques lorsqu'ils les ont déjà utilisés (73 %) que lorsqu'ils ne les ont pas utilisés (59 %). Il en va de même pour leur disposition à payer : les gens sont plus disposés à payer pour des services numériques s'ils ont déjà eu l'occasion de les utiliser (68 % contre 53 %). En d'autres termes, les personnes qui ont déjà utilisé des services administratifs en ligne ont une attitude plus positive à leur égard.
Si le retour d'information des citoyens est pris en compte dans le processus d'amélioration, la confiance entre les citoyens et les autorités s'en trouve renforcée. Si les citoyens sont enthousiasmés par les services, ils verront les autorités comme des partenaires compétents et tournés vers l'avenir, ce qui réduira la distance entre le gouvernement et les citoyens.
Tous ces aspects visant à accroître l'acceptation des services sont combinés dans ce que l'on appelle le "nudging", que les autorités du monde entier utilisent pour donner un coup de pouce à leurs citoyens. Le nudging vise à orienter le comportement des citoyens dans certaines directions par le biais d'indices subtils. En Grande-Bretagne, par exemple, cette stratégie a permis de réduire de 36 % le nombre d'abandons scolaires dans le secondaire après que les écoles ont envoyé aux élèves des SMS de "bienvenue" leur expliquant où et quand les attendre. De même, les paiements des contribuables retardataires ont augmenté de 5 % en très peu de temps lorsqu'ils ont indiqué dans leurs rappels que la majorité de leurs voisins payaient leurs impôts à temps. Le conseil municipal d'Édimbourg a également obtenu de bons résultats avec ce type d'"ingénierie sociale", ayant réussi à augmenter la quantité de déchets recyclés de 85 % sans avoir à introduire des lois plus strictes. Pour ce faire, il a simplement réduit la taille des poubelles pour les déchets ménagers.
Les citoyens devraient manger plus sainement, consommer moins d'énergie, jeter leurs déchets dans les poubelles appropriées ou, comme c'est le cas en Suisse, utiliser davantage les services d'administration en ligne proposés. Les citoyens aiment être incités à modifier leur comportement sans avoir recours à des réglementations rigides - à condition que les avantages pour eux soient évidents. Ou comme le dit Richard Thaler, lauréat du prix Nobel d'économie 2017 qui a inventé le terme "nudging", "nudge for good" : "nudge for good" (coup de pouce pour le bien).
Le "nudging" peut contribuer à accroître l'acceptation des services d'administration en ligne par la population.
Rolf Brügger, directeur des opérations commerciales