Sur quelles bases construisons-nous l'avenir de l'argent ?

Les fondements historiques sont déjà en train de changer. Pour comprendre où nous allons, nous devons comprendre d'où nous partons. Nous commencerons par étudier six tendances sous-jacentes qui continueront à influencer l'avenir de l'argent.

#1 Les modèles d'entreprise des opérateurs historiques sont remis en cause par les nouvelles normes, la réglementation et les technologies modernes qui permettent à de nouveaux concurrents de s'imposer et qui exercent une pression sur les marges de paiement.

Pour certaines entreprises, les perspectives sont difficiles. Les faibles marges seront à l'ordre du jour pour celles qui ne parviendront pas à évoluer et seront reléguées à un avenir de services publics. Ces entreprises devront gérer la tuyauterie des paiements, cédant à d'autres acteurs un terrain plus rentable et plus axé sur le client.

L'érosion des marges résultant de cette évolution sera encore accélérée par de nouvelles normes et réglementations, ainsi que par l'intensification de la concurrence des big techs et des fintechs. Dans le même temps, les perturbateurs agiles s'attacheront à faciliter les transactions, à éliminer les coûts et les frictions, et à offrir aux consommateurs des expériences plus attrayantes et connectées.

Nous pensons que la menace implicite qui pèse sur les modèles d'entreprise traditionnels entraînera inévitablement des activités de fusions et acquisitions défensives (M&A) et une nouvelle recherche de nouvelles sources de revenus. Dans ce contexte, les grandes entreprises continueront à se concentrer sur la numérisation, les coûts et l'efficacité opérationnelle pour survivre et prospérer.

#2 Un écosystème de prestataires de plus en plus complexe, stimulé par la concurrence et l'innovation, exige une évolution proportionnelle de la gestion des risques.

De plus en plus, les consommateurs effectuent des paiements et accèdent à d'autres services financiers par l'intermédiaire d'entreprises autres que les banques et les systèmes en place, telles que les grands acteurs technologiques et les fintechs concurrentes.

Le portefeuille numérique est de plus en plus considéré comme le point central de l'engagement des clients dans les paiements, et potentiellement des services adjacents supplémentaires, à la fois financiers et plus larges. Nous nous attendons à ce que les grandes entreprises technologiques continuent à contester la domination des fournisseurs de systèmes de paiement existants par le biais d'initiatives telles que les portefeuilles numériques sur les smartphones. Ceci, à son tour, exercera une pression supplémentaire sur les modèles d'entreprise établis.

Dans le même temps, la complexité de l'écosystème qui en résultera nécessitera l'examen et l'évolution des cadres de gestion des risques afin de maintenir la stabilité et la confiance dans le système.

#3 Unification des normes de messagerie augmentation de la pression pour renouveler l'infrastructure existante vieillissante

La norme ISO mondiale pour la messagerie financière (ISO20022), qui définit le format et le contenu des messages financiers échangés entre les institutions financières, les entreprises et d'autres organisations, continue d'être de plus en plus adoptée. En fournissant un langage et un cadre communs pour la messagerie financière, la norme permet une communication plus efficace et plus précise entre les différents systèmes et parties, répondant ainsi à de nombreux problèmes auxquels les institutions sont actuellement confrontées, notamment en ce qui concerne l'interopérabilité des systèmes de paiement.

Néanmoins, bien que la norme comprenne une série de caractéristiques permettant un traitement efficace et sécurisé des messages financiers - telles que les données enrichies, les signatures numériques, l'authentification et le cryptage des messages - de nombreuses entreprises doivent procéder à un renouvellement majeur de leur infrastructure pour tirer parti de ces avantages, et un certain nombre de projets sont déjà en cours de réalisation.

Cela déclenche à son tour un effet d'entraînement dans tout le secteur, les participants et les fournisseurs commençant à se transformer pour adopter, intégrer et créer de nouveaux services à valeur ajoutée basés sur une infrastructure renouvelée, créant ainsi une occasion unique pour le secteur d'aller de l'avant.

#4 L'utilisation et la gestion des données améliorent la compréhension et la gestion des risques

La richesse, la précision, l'accessibilité et l'exhaustivité des données sont actuellement limitées.

En outre, les définitions des données sont appliquées de manière incohérente par les différentes parties. Il est difficile de relier et de traiter les données. Enfin, les questions relatives à la propriété, à la confidentialité et à la souveraineté des données compliquent encore davantage les tentatives de valorisation des données.

L'adoption de normes communes, comme indiqué ci-dessus, ainsi que l'investissement dans des outils et des solutions visant à améliorer la qualité des données sont déjà en cours.

Cette évolution, associée aux progrès des capacités de traitement et d'analyse, y compris celles utilisant une IA plus complexe, offre aux entreprises une vision beaucoup plus riche des clients qu'elles servent, créant de nouvelles possibilités à la fois pour la gestion des risques et pour la création de valeur pour les clients. Par exemple, l'application de l'analyse avancée des données de paiement peut être utilisée pour soutenir l'agenda ESG à travers l'analyse des flux de paiements pour comprendre la durabilité de la chaîne d'approvisionnement.

Dans le secteur public, de nombreux gouvernements saisissent l'opportunité d'utiliser des données de meilleure qualité, plus précises et plus granulaires pour transformer la surveillance et l'application de la criminalité financière, en améliorant à la fois la collecte des recettes fiscales et la distribution des avantages. L'initiative Making Tax Digital (MTD) au Royaume-Uni et le système central d'information électronique sur les paiements (CESOP) en Europe en sont deux exemples concrets.

De même, l'analyse des flux de paiement peut permettre de mieux comprendre le comportement des clients et l'activité des entreprises afin d'améliorer les produits et services financiers et non financiers.

#5 La lutte mondiale contre la finance illicite et la nécessité de se conformer aux exigences en matière de lutte contre la fraude, de lutte contre le blanchiment d'argent (AML), de connaissance du client (KYC) et de sanctions continueront d'être un domaine d'intérêt majeur.

La nature de l'argent et les moyens par lesquels il peut être déplacé dans le monde continuent d'évoluer, tout comme les risques de fraude et de criminalité financière qui y sont associés. La nécessité d'empêcher l'utilisation abusive des nouveaux modes de transfert de valeur, tout en permettant l'accès aux opportunités qu'ils offrent, sera un exercice d'équilibre permanent et un impératif sociétal.

Des données enrichies combinées à des analyses plus intelligentes alimentées par l'IA (par exemple, la cartographie des données topographiques qui peut créer des alertes basées sur des modèles dans de vastes ensembles de données) permettent déjà d'atteindre des normes plus élevées de transparence et de protection. Parallèlement, l'émergence de schémas d'identité et de vérification numériques permettra d'améliorer encore la transparence des paiements.

À l'avenir, la sécurité des paiements et du système financier dépendra de la qualité et de la couverture des solutions d'identité pour les particuliers et les entreprises, ainsi que des capacités avancées de suivi des flux de paiements nécessaires pour identifier et prévenir les financements illicites. Ces éléments deviendront des composantes essentielles du maintien de la confiance dans tout futur paysage de services financiers numériques et décentralisés.

#6 : Les paiements et la valeur de l'argent restent intrinsèquement liés à l'infrastructure bancaire établie et aux économies des États-nations.

Les options alternatives pour le stockage et l'échange de valeur à l'aide d'actifs et de monnaies numériques décentralisés continuent d'évoluer.

Cependant, les voies à suivre ne sont pas claires. La rupture du lien actuel entre la monnaie et la valeur a des conséquences réglementaires, fiscales, macroéconomiques et de liquidité pour les gouvernements nationaux souverains, les régulateurs et les autorités fiscales.

Dans ce contexte, l'essor des monnaies numériques des banques centrales (CBDC) et des stablecoins représente une évolution vers des solutions numériques moins volatiles et plus réglementées.

En particulier dans le sillage de la volatilité et de l'incertitude sans précédent dans l'espace des actifs numériques après l'effondrement de l'échange de crypto-monnaies FTX et d'autres, de nombreuses parties prenantes reconsidèrent, dans une plus ou moins large mesure, la façon dont elles veulent aller de l'avant.

À venir : Après avoir compris ces tendances fondamentales, nous explorerons dans notre prochain article certains des facteurs les plus influents de l'évolution future.