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Industrie horlogère suisse : les ventes en magasin gardent les faveurs des consommateurs, le marché de la seconde main gagne plus en importance

Zurich, le 8 octobre 2025

Les nouveaux droits de douane américains font chuter les volumes d’exportations et posent des défis exceptionnels à l’industrie horlogère suisse. Le commerce de détail traditionnel demeure le principal pilier de la branche en termes de ventes - les magasins multimarques suscitent le plus d’intérêt tandis que les marques investissent en parallèle dans leurs propres boutiques. Par ailleurs, comme le révèle la nouvelle étude de Deloitte sur l’horlogerie, la génération Z stimule la demande de montres de seconde main.

Franc fort, baisse de la demande et sensibilité accrue aux prix : l’industrie horlogère suisse connaît actuellement une situation complexe. La pression sur le secteur s’est encore renforcée en raison des droits de douanes américains de 39% qui pèsent sur les montres suisses depuis août. En 2024, la valeur d’exportation vers les États-Unis a atteint CHF 4,4 milliards, ce qui en fait le premier marché d’exportation des garde-temps suisses. Ce pays représente ainsi presque 17% des exportations mondiales de montres suisses.

Malgré ces difficultés, la branche reste résiliente : entre janvier et août 2025, la valeur des montres exportées n’a reculé que d’environ 1% par rapport à l’année précédente. Cela s’explique en partie par la constitution de stocks importants, ainsi que par les réapprovisionnements réalisés avant la mise en place des droits de douane américains. Ces droits de douane entraîneront des hausses de prix substantielles pour les principales marques suisses vendues outre-Atlantique, ce qui pourrait donc freiner la demande aux États-Unis. 

Les achats de montres en magasin restent populaires

Alors que de nombreux secteurs ont délibérément mis le cap sur la numérisation de leurs canaux de vente, le commerce de détail traditionnel reste essentiel pour l’industrie horlogère. C’est ce que révèle l’étude sur l’industrie horlogère suisse 2025 réalisée par le cabinet d’audit et de conseil Deloitte Suisse. Plus de 60% des personnes interrogées ont déclaré acheter leurs montres en magasin, les magasins multimarques (38%) étant plus appréciés que les boutiques monomarques (23%). Les générations plus âgées (46%) apprécient beaucoup plus, le large assortiment proposé dans les magasins multimarques que les jeunes générations (27%). L’expérience d’achat en magasin y est cruciale : en guise de motif principal, 51% des personnes interrogées citent la possibilité d’essayer les montres, tandis que 44% apprécient le conseil et le contact humain.

Pour la clientèle plus jeune, l’atmosphère du magasin et l’expérience associée aux marques jouent également un rôle significatif : 35% des personnes interrogées de la génération Z ont indiqué apprécier ces aspects. Les ventes en ligne ne représentent qu’une petite partie du marché : seuls 30% des personnes interrogées préfèrent acheter leurs montres en ligne. Il en est de même chez les marques horlogères, les ventes hors ligne sont prépondérantes : 74% des cadres interrogés s’attendent à ce que le commerce de détail traditionnel conserve sa position dominante pendant les cinq prochaines années. Dans le même temps, les outils numériques viennent compléter de plus en plus le commerce de détail physique, par exemple au travers de services « click and collect », de rendez-vous personnalisés en ligne et de moteurs de recherche de produits assistés par l’IA.

« L’expérience d’achat en magasin reste un facteur de réussite déterminant, même dans un environnement de plus en plus numérique. » Le conseil, l’atmosphère et la possibilité de voir les produits en vrai instaurent un climat de confiance avec une marque. Aucun canal en ligne ne peut remplacer ces aspects », précise Karine Szegedi, responsable du secteur de la consommation et en charge du segment mode et luxe chez Deloitte Suisse.

Les marques horlogères misent sur leurs propres boutiques

Alors que les clientes et clients interrogés préfèrent la plus grande variété offerte par les magasins multimarques, les maisons misent de plus en plus sur leurs propres boutiques monomarques, qui mettent en valeur uniquement leur marque et leurs produits. Parmi les cadres interrogés, 41% ont indiqué prévoir l’ouverture d’une nouvelle boutique monomarque dans les douze prochains mois, ce qui révèle un décalage entre les préférences de la clientèle et les stratégies des marques. Certaines boutiques permettent aux maisons horlogères de faire vivre à la clientèle une expérience plus immersive avec la marque, notamment en employant leur propre personnel. De plus, dans son propre magasin, il est plus facile d’enregistrer des données clients plus complets, afin de mieux les exploiter ultérieurement à des fins de marketing personnalisé.

Les acquisitions et les fermetures de magasins mettent en lumière la tendance vers le monomarque

Au cours des dernières années, en dépit des préférences de la clientèle, la tendance vers les magasins monomarques s’est accélérée car plusieurs grandes marques de montres ont restructuré leur réseau de distribution. La préférence accordée aux magasins monomarques ne se limite pas aux marques de luxe ; elle concerne également d’autres acteurs importants.

Cette réorientation a intensifié la pression sur les détaillants multimarques indépendants, qui ont un accès restreint aux principaux portefeuilles de marques et voient leur position affaiblie sur le marché. La reprise de Bucherer (l’un des plus grands établissements multimarques au monde) par une célèbre marque de montres, illustre à titre d’exemple, une tendance que l’on observe tant en Suisse qu’à l’étranger. La fermeture récente de la boutique phare Les Ambassadeurs à Genève est un signe marquant de ce changement profond. La fermeture du site de Zurich a été également annoncée et l’entreprise cessera définitivement son activité probablement d’ici la fin de l’année, après avoir été un détaillant multimarque de premier plan en Suisse depuis sa création en 1964.

La génération Z s’intéresse aux montres d’occasion

Les jeunes générations portent moins de montres traditionnelles, mais leurs intentions d’achat restent à un bon niveau (53%). Leurs intentions d’achat de montres connectées atteignent quasiment le même niveau (54%). La jeune génération stimule en outre un nouveau domaine de croissance : le marché des montres d’occasion. Parmi les membres de la génération Z, 40% souhaitent acheter une montre de seconde main lors des douze prochains mois, soit deux fois plus que les baby-boomers (20%). Comme le précise Karine Szegedi : « La génération Z redéfinit le marché de l’horlogerie. L’accessibilité, la singularité mais aussi la durabilité sont autant de critères décisifs. L’essor remarquable des montres de seconde main n’est plus une tendance de niche, il devient un moteur de croissance essentiel pour le secteur. »

Le marché de la seconde main est devenu un segment majeur auprès de toutes les classes d’âge. La clientèle a déclaré apprécier les prix abordables (53%) ainsi que l’accès à des modèles uniques ou qui ne sont plus disponibles (36%). Les détaillants y voient un secteur d’activité attractif, qui s’intègre de plus en plus à leurs propres ventes en ligne ainsi qu’aux magasins physiques. De plus en plus, le marché secondaire devient un point d’entrée essentiel pour une nouvelle clientèle, complétant ainsi le marché primaire.

L’Inde et le Mexique, des marchés en croissance

Malgré le recul qui s’annonce, l’Inde reste le marché affichant la croissance la plus rapide : pendant les huit premiers mois de 2025, les exportations ont progressé de presque 7% par rapport à l’année précédente, contre plus de 30% depuis 2023. En parallèle, le Mexique est en train de devenir un centre dynamique en Amérique latine : en 2024, les exportations suisses ont atteint CHF 337 millions, soit près de la moitié des exportations totales de montres suisses vers l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. Une population jeune et urbaine ainsi que l’accroissement de la prospérité rendent ce marché particulièrement attractif et dynamique.

« Afin d’atténuer les reculs sur des marchés établis, il est impératif d’accéder à de nouvelles régions en croissance. Des pays comme l’Inde ou le Mexique apportent une clientèle jeune et dynamique. Cette clientèle apprécie les innovations, ce qui permet à l’industrie horlogère suisse de renforcer sa présence mondiale sur le long terme », analyse Karine Szegedi.

À propos de l’étude

L’étude 2025 est la onzième analyse de Deloitte sur l’industrie horlogère suisse. Elle s’appuie sur des entretiens menés avec des expertes et experts du secteur, ainsi que sur une enquête en ligne réalisée auprès de 111 cadres de l’horlogerie entre juin et juillet 2025. Pendant la même période, une enquête en ligne a été menée auprès de 6’500 consommatrices et consommateurs en Suisse sur les principaux marchés d’exportation des montres suisses : Chine, France, Allemagne, Hong-Kong, Inde, Italie, Japon, Singapour, Émirats arabes unis, Royaume-Uni et États-Unis. En 2025, nous avons interrogé pour la première fois des consommatrices et consommateurs du Mexique, nouveau marché en pleine croissance, et les avons intégrés à l’étude.