Deloitte : Pouvez-vous décrire ce qu'est une usine intelligente pour vous ?
Daniel Meier : Les concepts d'usine intelligente impliquent généralement une combinaison d'humains et de machines, de connaissances des processus et de nouvelles technologies de fabrication. Étant donné que l'image change constamment, "intelligent" signifie trouver la meilleure combinaison, à un moment donné, pour les processus de fabrication. Chez Burckhardt Compression, les processus ne sont pas très répétitifs et nous ne faisons donc pas beaucoup de simulation de données ou d'apprentissage automatique, par exemple. Malgré cela, nous devrons maîtriser un large éventail de technologies et de processus pour optimiser notre capacité de production.
Deloitte : Quelle est votre stratégie et votre vision en matière d'usine intelligente ?
Daniel Meier : Nous avons récemment lancé une nouvelle initiative quinquennale sur notre site de production suisse, qui repose sur deux éléments, à savoir une productivité élevée et une grande flexibilité. Les initiatives d'usines intelligentes ont le potentiel de promouvoir le site de production suisse, bien qu'il s'agisse d'un site à coûts élevés. Cela est possible grâce à un accès facile à des experts de divers domaines qui peuvent vous aider à réaliser d'importants gains de productivité. Notre slogan/vision "Machining 3020" vise à réduire de 30 % les délais et de 20 % les coûts dans le cadre du processus de fabrication actuel.
Deloitte : Avez-vous des bonnes pratiques à partager en ce qui concerne le processus de mise en œuvre de l'usine intelligente ?
Daniel Meier : "Il est important d'être proche de l'atelier, de commencer par des projets pilotes et de permettre à l'organisation de réaliser la transformation par elle-même."
Nous avons un projet ascendant qui a une logique cellulaire et se concentre sur les domaines clés de la création de valeur. Dans les 5 à 6 cellules que nous avons choisies, nous nous concentrons sur les concepts d'optimisation et d'allègement. Il n'y a pas d'approche unique et le degré d'automatisation au sein de chaque cellule sera différent. Nous avons également mis en place une "unité d'innovation numérique" qui, en collaboration avec les services informatiques, identifie et optimise les opportunités pour les clients et les processus d'entreprise dans tous les domaines.
Notre projet d'usine intelligente s'est très bien déroulé jusqu'à présent, ce qui confirme que notre décision de nous lancer et d'investir dans un tel projet sur le site de production suisse était la bonne.
La transformation de base est prévue pour une période de trois ans, à l'issue de laquelle nous pourrons observer les changements physiques et optiques et confirmer le cas d'utilisation. Cela servira de base pour les étapes suivantes. Il sera également important de définir et d'intégrer une nouvelle culture du travail dans l'environnement de l'usine intelligente, comme nous l'avons fait lors de la mise en œuvre de concepts allégés.
Deloitte : Quels sont, selon vous, les plus grands défis à relever dans le cadre d'un processus de mise en œuvre d'une usine intelligente ?
Daniel Meier : Actuellement, le plus grand défi est la cohérence des données pour une vision précise de bout en bout. Une bonne communication des données de l'ingénierie à la fabrication ou à d'autres secteurs peut s'avérer délicate dans une configuration existante.
Pour décider où il est judicieux d'apporter les premiers changements, il est préférable d'élaborer d'abord une carte globale, puis de suivre une approche progressive pour la mise en œuvre.
Un autre défi consiste à gérer "l'effet accordéon", c'est-à-dire le grand enthousiasme initial, suivi d'un ralentissement de l'élan lorsque l'on réalise à quel point la transformation devra être holistique et gigantesque. Cela peut avoir un impact sur la portée et l'avancement du projet. Ces revers font toutefois partie du voyage de transformation et permettent d'en tirer des leçons importantes.
Deloitte : Avez-vous les bons talents dans votre entreprise pour mettre en œuvre avec succès vos projets d'usine intelligente ? Quelles sont les compétences et l'état d'esprit dont vos employés auront besoin dans la future usine intelligente ?
Daniel Meier : Nous disposons d'un personnel compétent et expérimenté. Il y a un mélange d'experts internes et externes ayant une expérience de l'application qui sont chargés de la mise en œuvre.
Les profils professionnels et les compétences requises évoluent constamment dans les ateliers. Dans le passé, la préparation du travail - ou AVOR, comme on l'appelle en Suisse - ne comprenait que le réglage des outils et les contrôles. Aujourd'hui, l'AVOR comprend l'ingénierie de production, ainsi que l'intégration, la saisie, la simulation et la programmation des données, entre autres.
Deloitte : Quelles sont, selon vous, les principales tendances en matière de fabrication intelligente pour votre secteur dans les années à venir ?
Daniel Meier : Jusqu'à présent, nous n'avons pas identifié de technologies "incontournables", mais la possibilité de transformer et de combiner diverses données afin de créer une valeur ajoutée pour les processus recèle un énorme potentiel. Les nouvelles technologies telles que les capteurs et les réseaux peuvent faciliter ce processus, mais vous ne pouvez tout rendre plus intelligent qu'une fois qu'une bonne base est établie et que vous disposez de données clés dans un format stable.
En ce qui concerne la réalité augmentée, nous avons fait quelques essais dans l'environnement de production, mais nous pensons que la réalité augmentée est mieux adaptée aux applications clients. Dans l'atelier, nous préférons les appareils mobiles tels que les tablettes pour leur capacité à présenter des informations pertinentes telles que des dessins, des conceptions, etc.
Nous observons l'espace de l'impression 3D / de la fabrication additive et avons effectué quelques essais. Toutefois, nos pièces moulées sont encore fabriquées de manière traditionnelle. La plus grande barrière à l'entrée reste la taille des composants, par exemple la taille de l'équipement d'impression 3D, ainsi que le coût des matériaux et les délais de traitement. Nous pensons qu'au cours des 10 à 15 prochaines années, la méthode de moulage traditionnelle prévaudra, mais l'impression 3D pourrait changer la donne, en particulier pour les matériaux métalliques et composites, d'ici 20 à 30 ans. Cela aura un impact fondamental sur les pièces détachées et les services logistiques.