Les banques de détail suisses continuent de perdre du terrain dans la course au numérique. Aucune banque du pays n'a été classée Digital Champion dans la dernière édition de notre rapport de référence sur la maturité numérique dans le secteur bancaire. Les banques suisses continuent d’éprouver des difficultés à offrir un parcour intégralement digital et accusent un retard dans l’expérience mobile, tandis que les clients d’autres pays bénéficient d’expériences d’applications fluides et de conseils financiers pilotés par l’IA.
Dans la sixième édition de la plus grande étude comparative sur la maturité numérique des banques de détail, Deloitte s’est intéressée à 349 banques réparties dans 44 pays du monde, dont douze en Suisse. Ces banques représentent plus de 80 % des parts de marché. L’étude met en lumière les principales tendances digitales dans le secteur bancaire, en mettant l’accent sur l’expérience utilisateur, les processus entièrement numérisés et l’évolution de la banque en tant que plateforme pour des services auxiliaires.
À la suite de la pandémie de COVID-19, le secteur bancaire, pressé de mettre en œuvre des fonctionnalités pour répondre à l’évolution des besoins de la clientèle, a connu une transformation digitale rapide. Les plateformes bancaires en ligne sont devenues plus sophistiquées, les applications mobiles ont été enrichies de nouvelles fonctionnalités et les établissements financiers ont redoublé d'efforts pour rester compétitifs.
Toutefois, à mesure que l’écosystème numérique se développe, les banques délaissent l’ajout continu de nouvelles fonctionnalités pour privilégier l’optimisation des processus clés et l’amélioration de l’expérience client. Les Digital Champions donnent désormais la priorité à la qualité plutôt qu’à la quantité et s'attachent à perfectionner la fluidité, la personnalisation et l’efficacité de leurs offres. L’étude sur la maturité de la banque numérique que les banques suisses, malgré certaines améliorations, peinent encore à suivre le rythme des leaders mondiaux, notamment en matière d’innovation, d’engagement client et de fonctionnalités digitales avancées.
Avec son approche globale, l’ étude sur la maturité de la banque numérique a pour objectif d’identifier des Digital Champions à travers le monde. Les Digital Champions sont des banques qui offrent une large gamme de fonctionnalités utiles à leur clientèle, ainsi qu’une expérience utilisateur convaincante. Ils définissent les tendances clés du numérique et mettent en place des pratiques d’excellence sur le marché, ce qui les positionne comme des modèles à suivre pour les autres banques.
Pour réaliser cette analyse approfondie, nos chercheurs utilisent la méthode dite du « outside-in ». En effet, ils adoptent l’approche du « client mystère » dans le but d’évaluer 1 005 fonctionnalités sur les canaux numériques des banques de détail (tant sur Internet que sur les applications mobiles), afin d’obtenir une vue d’ensemble de leur maturité numérique et de fournir une clé de lecture unique et non biaisée de leur maturité sur les canaux digitaux.
Les banques suisses ont reculé dans les classements mondiaux : elles ont obtenu la note de 39 dans l’indice Digital Banking Maturity, un score inférieur à la moyenne mondiale de 41 et bien loin derrière les Digital Champions, qui obtiennent la note de 60. En comparaison, la Suisse se classe désormais au 27e rang sur 44 pays et perd ainsi sa position de milieu du classement qu'elle occupait encore lors de l’étude précédente. Aucune des banques suisses étudiées ne fait partie des Digital Champions de l’édition 2024. Les pays voisins tels que la France, l’Allemagne et l’Italie sont mieux classés que leurs homologues suisses ; l’Allemagne a même dépassé la Suisse depuis l’édition 2022.
Les banques délaissent l’ajout de nouvelles fonctionnalités et privilégient désormais l’optimisation des fonctionnalités existantes et l’amélioration de l’expérience utilisateur, suivant ainsi la direction donnée par les Digital Champions. Si cette évolution a permis d’amoindrir l’écart en matière de maturité digitale entre les banques suisses et les Digital Champions, d’autres acteurs mondiaux rattrapent leur retard plus rapidement, de sorte que la Suisse régresse encore davantage dans le classement.
L’onboarding digital est un point fort relatif des banques suisses qui surpassent la moyenne mondiale et ont fait des progrès depuis l’édition 2022, s’agissant en particulier de leurs canaux de banque en ligne. Presque toutes les banques suisses proposent désormais des services d’ouverture de compte en ligne, preuve qu’elles ont à cœur d’améliorer l’un des points les plus importants du parcours client.
Même si elles sont moins importantes que dans d’autres domaines, des lacunes subsistent par rapport aux Digital Champions, qui excellent en proposant des processus fluides entièrement intégrés à l'application, avec des délais d’attente très courts, voire inexistants. Les efforts déployés pour améliorer l’onboarding ont porté leurs fruits, mais une digitalisation et une simplification plus poussées sont nécessaires pour se hisser à la hauteur des standards fixés par les Digital Champions.
Depuis la précédente étude, les banques se sont tournées vers l’amélioration de l’expérience client sur la base des fonctionnalités existantes, un point sur lequel les banques suisses sont en moyenne au même niveau que leurs homologues internationaux. Si elles dépassent légèrement la moyenne mondiale en matière d’expérience en ligne, tant sur leurs sites Internet publics que sur les plateformes de banque en ligne, elles sont à la traîne sur les canaux mobiles.
L’optimisation de l’expérience utilisateur devrait rester une priorité. Comme le révèle notre enquête auprès d’utilisateurs du monde entier, les banques suisses et nombre de leurs homologues internationaux ont encore des difficultés à offrir une accessibilité suffisante, des opportunités de personnalisation de l’expérience et des fonctionnalités plus complexes. Ces lacunes ont une incidence critique sur la capacité à stimuler l’engagement digital des utilisateurs. Résoudre ce problème permettrait aux banques d’accroître les opportunités de vente croisée et de convertir des points de contact numériques en flux de recettes significatifs.
À cet égard, les banques suisses devraient s’inspirer des Digital Champions, qui ont ouvert la voie en exploitant des fonctionnalités de gestion financière personnelle pour renforcer l’engagement des clients et les encourager à utiliser leurs applications, notamment avec la définition d’objectifs financiers, des notifications budgétaires et la gestion par catégories de transactions. Si les banques suisses se situent légèrement au-dessus de la moyenne mondiale, s’agissant de l’adoption de telles fonctionnalités, elles restent néanmoins derrière les Digital Champions, qui optimisent ces outils pour améliorer l’engagement de leurs utilisateurs et, en définitive, les relations avec leur clientèle.
Les banques suisses continuent d’être à la traîne s’agissant des services bancaires mobiles.
Elles se heurtent, en effet, à des difficultés à des étapes clés telles que :
Ces faiblesses sont d'autant plus préoccupantes que les banques suisses ne parviennent pas à combler leur retard en matière d’expérience client sur ce qui s'affirme de plus en plus comme le canal essentiel pour l’engagement client, sur fond de concurrence croissante avec d'autres banques qui, elles, se concentrent sur des expériences exclusivement mobiles.
Les Digital Champions se démarquent en proposant des services à valeur ajoutée qui améliorent l’engagement et la fidélité des clients, notamment des offres complémentaires en lien avec des services commerciaux, la mobilité, le divertissement, les services de santé et les services publics. Les banques suisses n’ont pas fait de progrès significatifs en matière d’adoption de tels services à valeur ajoutée. En moyenne, les Digital Champions offrent des services à valeur ajoutée 2,5 fois plus souvent que les autres banques à travers le monde, un écart qui persiste aussi pour les banques suisses.
À l’avenir, les banques devront veiller à faire des services à valeur ajoutée une priorité : non seulement ils renforcent la fidélité des clients et aident les banques suisses à se différencier de la concurrence, mais ils permettent aussi aux banques d’accéder aux données clients, un atout essentiel pour faciliter la personnalisation de l’expérience client et stimuler de fructueuses ventes croisées.
L’étude Digital Banking Maturity Study 2024 souligne l’urgence pour les banques suisses de redoubler d’efforts en matière de transformation digitale. Si des progrès ont été réalisés dans certains domaines, des écarts significatifs demeurent par rapport aux Digital Champions. Il est essentiel pour les banques suisses de remédier aux faiblesses sur le front de la banque mobile, de l’expérience utilisateur (UX) et des fonctionnalités digitales avancées si elles veulent rester compétitives en proposant à leurs clients une offre qui réponde à leurs attentes en constante évolution. Adopter des stratégies innovantes et privilégier l’engagement client doit permettre aux banques suisses de réduire l’écart et de renouer avec leur leadership dans l’écosystème de la banque digitale, en pleine mutation.
Nous sommes reconnaissants à Lisa Peyer pour sa précieuse contribution à ce rapport.