Les droits de douane et les incertitudes économiques découlant de la résurgence du protectionnisme américain ont donné au Canada l’impulsion et l’occasion d’éliminer les obstacles de longue date à la résilience et au potentiel de notre économie. Les barrières commerciales interprovinciales sont l’un de ces plus importants obstacles. Il est temps que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada œuvrent ensemble, rapidement et résolument, pour éliminer ces barrières et ainsi créer des emplois et stimuler la croissance économique dans tout le pays.
Les barrières commerciales interprovinciales prennent de nombreuses formes : obstacles géographiques, infrastructure limitée, contrôles à l’exportation, normes techniques différentes et divers fardeaux réglementaires et administratifs. Ces barrières ont des répercussions différentes selon les secteurs d’activité, mais elles entraînent néanmoins des coûts réels pour les entreprises canadiennes qui font qu’il est ardu, voire impossible, de faire des affaires partout au pays de façon rentable et de réaliser des économies d’échelle.
Des efforts sporadiques ont été déployés pour ouvrir le commerce interprovincial, notamment avec l’Accord sur le commerce intérieur (1994) et l’Accord de libre-échange canadien (2017). Malgré ces efforts, la part des exportations interprovinciales dans l’économie canadienne, qui représentait 18,1 % du PIB en 2023, est demeurée pratiquement inchangée pendant plus de 30 ans1.
Autrefois, les barrières commerciales interprovinciales étaient essentielles pour permettre aux provinces canadiennes de favoriser le développement et la protection de leurs industries locales. Cependant, au XXIe siècle, alors que de nouvelles tensions et incertitudes économiques et géopolitiques bouleversent l’ordre établi, elles représentent une approche dépassée qui constitue un frein pour l’ensemble de la population canadienne. Ces barrières doivent maintenant disparaître. Nos recherches montrent que le jeu en vaudra la chandelle.
L’élimination des barrières commerciales interprovinciales stimulerait considérablement l’économie canadienne, ce qui compenserait partiellement l’incidence des droits de douane américains et améliorerait les perspectives économiques des entreprises de partout au Canada.
Selon notre analyse, l’élimination complète des barrières commerciales interprovinciales sur les cinq prochaines années pourrait générer une production économique additionnelle de 881 milliards de dollars d’ici 2040, soit une augmentation de 2,4 % du PIB, et ainsi créer 133 000 nouveaux emplois. De toute évidence, plus le Canada tardera à éliminer ces barrières commerciales, plus il laissera d’argent sur la table.
Toujours selon notre analyse, la disparition de ces barrières commerciales serait bénéfique pour toutes les régions du Canada. La production économique de l’Ouest canadien augmenterait de 318,8 milliards de dollars d’ici 2040, soit une augmentation de 2,5 % du PIB réel. L’économie du centre du Canada connaîtrait une croissance de 324,5 milliards de dollars, ce qui ferait augmenter de 1,5 % le PIB réel régional. Le Canada atlantique générerait une production économique additionnelle de 169,7 milliards de dollars, soit une augmentation de 9,8 % du PIB de la région2.
Notre recherche nous permet également d’entrevoir une croissance économique qui dépasserait la croissance de l’emploi dans toutes les régions au cours de cette période. Il y a donc lieu de penser que l’élimination de ces barrières commerciales stimulera la croissance de la productivité à l’échelle du pays, ce qui aidera le Canada à combler son retard sur ce plan, lequel a également nui à notre économie et à notre compétitivité.
En outre, tous les secteurs de l’industrie du Canada tireraient un avantage net de l’élimination des barrières commerciales interprovinciales, même ceux qui ne se heurtent qu’à peu de ces barrières aujourd’hui, comme les pâtes et papiers. Les gains les plus importants seraient enregistrés dans les secteurs axés sur les services (p. ex., les services financiers, les télécommunications, les services juridiques) et le secteur de la construction, pour lesquels la disparition des barrières techniques ou réglementaires qui entravent la mobilité de la main-d’œuvre et l’investissement interprovincial libérerait un important potentiel de croissance. Parmi les secteurs axés sur les biens, la foresterie devrait connaître les plus grandes répercussions, car la suppression des mesures protectionnistes permettrait aux entreprises forestières d’exploiter les occasions de croissance axées sur les exportations.
Cependant, il est important de noter qu’un changement de cette ampleur entraînerait sans aucun doute une certaine transformation de l’économie. Nous verrions probablement les provinces et les territoires se spécialiser dans la production des biens et services pour lesquels ils bénéficient d’un avantage concurrentiel, comme des coûts plus bas ou une productivité plus élevée.
L’élimination des barrières commerciales interprovinciales au Canada, ou même simplement une importante réduction de celles-ci, sera une entreprise complexe. Il faudra faire preuve de leadership et de collaboration, et s’engager à créer une prospérité partagée à l’échelle nationale. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, mais aussi le secteur privé, les organismes de réglementation provinciaux, les syndicats et la population canadienne en général, devront faire preuve d’ouverture d’esprit et d’un engagement sérieux.
Le gouvernement fédéral est idéalement placé pour diriger cette entreprise, en favorisant le dialogue et la négociation nécessaires pour accélérer un commerce libre et équitable au Canada. Le premier ministre Carney a déclaré son intention de déposer un projet de loi d’ici le 1er juillet 2025 afin d’éliminer toutes les barrières fédérales au commerce interprovincial et à la mobilité de la main-d’œuvre, ainsi que toutes les exceptions fédérales prévues dans l’Accord de libre-échange canadien. Il s’agit d’un objectif opportun et louable, mais il doit n’être que le premier d’une série de pas en avant. Nous encourageons le gouvernement fédéral à rapidement :
Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent également passer à l’action. Ils peuvent d’abord reconnaître que ces barrières existent, qu’elles aient été établies intentionnellement (p. ex., les contrôles à l’exportation) ou qu’elles soient la conséquence involontaire de décisions réglementaires. Ils doivent résister à leurs propres pulsions protectionnistes et réduire et éliminer les barrières commerciales manifestes, et ils doivent collaborer pour harmoniser les règles, les normes et les réglementations afin d’atténuer les pénuries de main-d’œuvre et de limiter les coûts et le fardeau administratif du commerce interprovincial. Ils doivent également s’associer au gouvernement fédéral et au secteur privé pour investir dans l’infrastructure qui permettra au commerce pancanadien de prospérer et de croître.
Le tumulte dans les relations commerciales avec les États-Unis donne au Canada une occasion unique de revigorer son économie et d’ouvrir de nouvelles voies vers la croissance, la résilience et la prospérité. Il faudra du temps pour démanteler les barrières au commerce intérieur en place depuis plusieurs décennies et pour libérer le plein potentiel du commerce interprovincial. C’est pourquoi il faut dès maintenant s’atteler à la tâche. Deloitte est prêt à aider les gouvernements et les leaders des secteurs de l’industrie et des entreprises au Canada à prendre toute la mesure de ce moment crucial pour l’avenir de notre pays et à en tirer des avantages.
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