Point de vue

Les banques au défi des premières publications du Pilier 3 ESG

Alors que les débats se poursuivent à Bruxelles pour finaliser la construction de la Taxonomie Verte européenne, les établissements bancaires ont publié pour la première fois au 31 décembre 2022 de nouveaux indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au titre du Pilier 3 ESG.

La publication d’indicateurs sur les risques ESG était l’une des dispositions du paquet bancaire dit CRR2, adopté en 2019. Le nouveau chapitre ESG du Pilier 3 vise à inciter les établissements à faire preuve de plus de transparence sur la façon dont ils maitrisent les risques ESG et à communiquer sur la façon dont ils accompagnent leurs clients et contreparties vers une économie plus durable, directement en ligne avec les objectifs des accords de Paris. Les modalités d’application – i.e. indicateurs et tableaux décomposant l’exposition des établissements bancaires aux risques ESG, ont été définis par l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) dans des normes techniques (Implementing Technical Standards – ITS) publiées en janvier 2022 après une période de consultation sur le 1er semestre 2021 et dont la version finale a été publiée au journal officiel de l’Union Européenne le 19 décembre 2022.

Deloitte revient dans cet article sur les enseignements à tirer des premières publications des principaux établissements européens. A noter que les dispositions du Pilier 3 ESG vont entrer en vigueur de façon progressive jusqu’au 31 décembre 2024.

Pour avoir une comparaison précise des publications des 17 banques du panel, veuillez contacter Frédéric Bujoc (fbujoc@deloitte.fr).

Une standardisation des reporting permettant de comparer les banques sur leurs engagements et risques environnementaux

Depuis déjà plusieurs années, les établissements financiers publient des informations qualitatives et quantitatives justifiant leurs engagements et risques en matière d’ESG. Pour autant, le manque de standardisation limite la comparaison des différents établissements. Les dix tableaux présentés dans les ITS du Pilier 3 ESG constituent donc l’un des premiers outils de comparaison fiable et normé, avec un set complet d’indicateurs essentiellement quantitatifs décomposant le risque de transition, le risque physique et les mesures prises par les banques en matière d’ESG.

 

Des indicateurs complexes à définir

Bien que les indicateurs demandés par les ITS se basent sur les principaux travaux actuels en matière de risques climatiques, ils font encore l’objet de discussions et leur lecture doit tenir compte de certaines imperfections, notamment sur les risques de transition et physiques.

Pour le risque de transition, l’Autorité bancaire européenne (ABE) demande aux banques de déclarer leurs montants d’expositions envers des entreprises dans les secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en se basant sur le code NACE. Or, le lien entre le code NACE et le risque de transition n’est pas nécessairement direct. Pour les expositions sur les ménages, l’accent est mis sur l’immobilier en s’appuyant sur les Diagnostics de Performance Energétique (DPE) des biens financés. La fiabilité des DPE est souvent remise en question d’autant plus qu’il est demandé de publier des informations sur la consommation d’énergie primaire du bien en kWh par m2, là où l’émission de GES par m2 aurait été probablement plus pertinente pour estimer le risque de transition.

Pour le risque physique, les informations à présenter, dans l’unique tableau dédié, suivent une méthodologie qui doit être définie par la banque elle-même. Bien que les expositions doivent être ventilées entre le risque aigu et chronique, les événements climatiques à prendre en compte dans chacune des catégories ne sont pas indiqués, ni le seuil à partir duquel une exposition doit être considérée comme risquée.

 

Un mélange des genres sur les indicateurs taxonomiques.

Les indicateurs du Pilier 3 ESG intègrent le ratio d’actifs verts de la Taxonomie verte ainsi qu’un ratio volontaire (Banking Book Taxonomy Alignment Ratio – BTAR) pour les expositions non soumises à la NFRD (Non Financial Reporting Directive).
 

Ces indicateurs posent alors plusieurs questions :

Une comparaison entre les banques hasardeuse à ce stade

Des méthodologies à définir par les banques elles-mêmes

Sans que cela soit commun dans la réglementation bancaire, le texte final laisse aux établissements bancaires une certaine liberté dans la mise en place de méthodologies structurantes de cette réglementation. Bien que les positions de place ou du régulateur devraient homogénéiser celles-ci à terme, nous constatons au 31 décembre 2022 des résultats parfois très hétérogènes. A titre d’exemples :

La proportion des expositions soumises à un risque physique déclarée par les banques de notre panel varie entre 0% et 90%. Les éléments qualitatifs renseignés dans les différentes publications témoignent de la diversité des méthodologies retenues, avec l’utilisation de fournisseurs de données externes variés (Géorisques, DRIAS, PREPdata, Moody’s, ThinkHazard!, etc.), souvent combinés à des méthodologies internes.

Il est par ailleurs demandé aux banques de publier leurs expositions envers les 20 entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre sans qu’il ne soit pour autant indiqué de façon précise la liste à prendre en compte. Sans uniformité sur cette liste, il est difficile de comparer les établissements bancaires entre eux.

Ces méthodologies diverses pourraient conduire à une lecture biaisée des résultats, rendant aujourd’hui hasardeuse l’utilisation du Pilier 3 ESG comme outil de comparaison des risques encourus par les banques et les exposant à un risque de réputation non négligeable.

Ainsi, il sera important d’encadrer les grandes lignes de ces méthodologies à l’instar de ce qui a pu être mis en œuvre dans d’autres domaines, par exemple en ce qui concerne les modèles internes pour le risque de crédit.

Des méthodologies au défi des informations disponibles

Au même titre que pour l’ensemble des initiatives concernant les sujets ESG, les banques se heurtent au défi majeur de la disponibilité et de la qualité des données. Pour palier cela, les méthodologies utilisées par les établissements se fondent alors sur une importante utilisation de proxys, qui diffèrent d’un établissement à un autre. A titre d’exemple, le taux d’estimation des niveaux énergétiques (performance énergétique en kWh/m2 des sûretés) des crédits et financements immobiliers octroyés auprès de clients particuliers ou d’entreprises reste important de façon générale par rapport au taux de couverture des éléments collectés.

Ce manque d’information disponible se reflète également dans le cadre de l’identification des entreprises exclues des accords de Paris. Différentes méthodologies ont pu être appliquées par les banques : bien que certains établissements aient pris le parti d’opter pour une approche utilisant principalement les codes NACE, la plupart ont privilégié coupler ces informations à des sources externes comme Urgewald. In fine, le montant de ces expositions est globalement inférieur à 10% du total des expositions.

 

Des difficultés insoupçonnées

Les établissements ont été partagés sur les formats à adopter en termes de restitution, notamment en raison de la taille des tableaux rendant parfois la lisibilité difficile – jusque parfois 6 pages pour un unique tableau. Ceci devrait notamment contribuer à alimenter les discussions en cours dans le cadre de la Taxonomie, les derniers projets d’actes délégués en date présentant un tableau de plus de 60 colonnes.
 

Pour conclure

Le Pilier 3 de la réglementation baloise vise à promouvoir une discipline de marché grâce à des informations publiques fiables et cohérentes permettant la comparabilité des données entre les établissements. Alors que cet objectif est atteint sur les enjeux liés à la solvabilité, liquidité et les processus de gestion des risques, il ne semble pas encore être rempli pour les enjeux environnementaux. À ce stade, les informations publiées peuvent en effet difficilement servir à comparer les banques entre elles et certaines méthodologies doivent encore être approfondies ou précisées. Ces nouvelles exigences ont toutefois permis d’engager des chantiers importants au sein du secteur, avec parfois des investissements humains et financiers importants. Les banques n’ont pas d’autres choix que de faire évoluer leurs processus et systèmes d’information afin de produire ces nouveaux reporting et piloter ces indicateurs, tout en assurant une cohérence avec les autres reportings. Les discussions en cours dans les groupes de travail interbancaires devraient également permettre d’homogénéiser les pratiques.

A plus long terme, les enjeux portent sur l’inclusion des risques sociaux ou de gouvernance alors que les dispositions actuelles ne traitent que des risques environnementaux. Il sera également clé de bien identifier les adhérences et communiquer de façon pertinente sur les différentes exigences en matière de reportings ESG, qui s’appliquent quasiment toutes au même moment et de façon disparate (Pilier 3 ESG, Taxonomie Verte, SFDR, LEC, CSRD…), contrairement à la réglementation prudentielle post-2008 qui avait été essentiellement encadrée par une seule instance, le Comité de Bâle.

Les banques au défi des premières publications du Pilier 3 ESG

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