Limiter le réchauffement climatique nécessite une décarbonation profonde de l’ensemble de l’économie. Une telle transition bas-carbone pour chaque secteur de l’économie implique des changements importants dans les comportements, les réglementations et les institutions. Pour les secteurs dont les émissions de gaz à effet de serre sont difficiles à réduire (transport lourd ou autre secteur où l’électrification est difficilement réalisable voire impossible), en plus d’électrification, les options de décarbonation peuvent se réaliser grâce au passage à de nouveaux vecteurs énergétiques à émissions faibles, tels que l'hydrogène propre et ses molécules dérivées (l'ammoniac, le méthanol et d'autres carburants synthétiques).

Cette publication fournit des informations sur les cadres juridiques et politiques actuels et en développement qui dessineront le paysage de l’économie mondiale de l’hydrogène vert, ainsi que l’impact des différents outils financiers et économiques pour réduire le coût de la production d'hydrogène vert et lancer une économie dédiée. 
Elle conclut par des recommandations intégrant les critères politiques, économiques et financiers pour faire progresser la chaîne de valeur de l’hydrogène vert en tenant compte des principaux défis et opportunités.

Malgré la nature naissante de ce marché, l’environnement politique mondial pour le développement d’une économie de l’hydrogène vert se dessine progressivement, notamment via la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA), le fonds allemand H2Global et d’autres stratégies nationales et régionales en matière d’hydrogène dans des zones géographiques telles que l’Union européenne, les États-Unis, les Émirats Arabes Unies et l’Australie. Bien que l’importance du financement et des différents mécanismes de soutien économique ait été soulignée dans ces régions, l’environnement politique manque actuellement d’outils spécifiques pour aider à faire émerger une économie de l’hydrogène vert. Les caractéristiques physiques et économiques de l’hydrogène vert rendent son coût de production très sensible aux conditions climatiques et à sa structure de financement. De plus, la nouveauté du marché de l’hydrogène propre le rend fortement dépendant du soutien économique, politique et réglementaire.

Plusieurs mécanismes peuvent être utilisés pour contribuer à rendre les projets d’hydrogène vert économiquement plus compétitifs et à faciliter les investissements : soutien économique à l’investissement, facilitation des conditions financières, soutien économique au fonctionnement, financement de la recherche et du développement (R&D), création de marché et facilitation des permis (Figure 1).

Les résultats de notre modélisation économique et financière mettent en évidence l'importance des mécanismes de soutien pour aider à réduire les coûts initiaux des projets, ce qui réduirait à la fois les investissements nécessaires et les coûts de financement associés. La réduction des risques associés aux projets d'hydrogène vert (risques réglementaires, risques de marché, risques technologiques, etc.), en particulier dans les économies en développement, peut entraîner des réductions de coûts significatives grâce à la réduction du coût du capital (hors coûts financiers) dans ces régions. Réduire le coût du capital dans ces régions à des niveaux similaires dans les économies développées peut réduire les coûts des projets de plus de 25 % (Figure 2). S’agissant du soutien monétaire direct, les mécanismes de soutien à l’investissement sont identifiés comme l’un des leviers de réduction des coûts les plus efficaces, réduisant simultanément les besoins d’investissement initiaux et les coûts de financement.

Libérer le potentiel de décarbonation de l’hydrogène vert nécessite d’importantes mesures politiques et réglementaires. Les résultats de notre modélisation soulignent l’importance d’actionner les différents leviers simultanément pour faciliter le développement des projets d’hydrogène vert, notamment dans les économies en développement : 

• Faciliter le déploiement : compte tenu de l'urgence climatique actuelle, l'action devrait être imminente. Réduire les retards dans le développement des projets en ancrant les processus de permis, en accélérant les études d'impact et les évaluations environnementales, et en tirant parti des infrastructures existantes et en les adaptant aux infrastructures d'hydrogène peut réduire certains des risques associés aux actions retardées.
• Améliorer l'acceptabilité sociale : les actions liées à la durabilité, conformes aux objectifs de développement durable, devraient bénéficier du plein soutien du public. La collaboration et l'autonomisation des communautés locales grâce à des processus participatifs efficaces sont essentiels pour un soutien accru des populations locales et l'acceptabilité sociale.
• Créer le marché : l'hydrogène vert destiné à différentes utilisations finales a tendance à être plus cher que ses homologues carbonées, et l'adoption rapide de cette technologie nécessitera probablement à la fois la création d'un marché où il existe une demande pour un tel produit et la réduction de l'écart de coût entre l'hydrogène vert et les combustibles fossiles conventionnels. Les projets doivent être soutenus dès leurs premiers stades, ce qui peut prendre plusieurs formes : investissement direct ou soutien opérationnel, contrats sur différences, contrats d’exploitation et autres mécanismes de création de la demande tels que les accords de pré-commercialisation (offtake) et les garanties d'origine et les certificats verts.
• Améliorer les conditions de financement : la facilitation du financement et de la liquidité par le biais de financements mixtes, de financements verts internationaux et de garanties publiques peut réduire le coût du capital et, par conséquent, les coûts de financement, en particulier dans les économies émergentes où les risques politiques, de marché et d'infrastructure entraînent des coûts de financement élevés.